Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juin 2002 sous le n° 02NC00644, présentée pour la S.A. VERITAS ayant son siège social 17 bis place des Reflets à Courbevoie (92400), par Mes Guy-Vienot, Bryden avocats à la cour d'appel de Paris ; la S.A VERITAS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-06571 en date du 23 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée, en réparation des désordres affectant le Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg, a) solidairement avec les sociétés AXIMA, OTE et GIA, à verser à la ville de Strasbourg la somme de 801 482,22 euros, avec intérêts, moins une provision de 533 571,56 euros, la somme de 51 275,38 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 765 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et b) à garantir la société OTE à hauteur de 5% ;
2°) de rejeter la demande de la ville de Strasbourg devant le Tribunal administratif de Strasbourg en tant que ladite demande est dirigée contre elle ;
3°) d'ordonner la restitution de toutes sommes versées en exécution du jugement contesté avec intérêts de droit à compter de leur versement ;
4°) à titre subsidiaire de condamner les sociétés AXIMA, OTE et GIA à la garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
5°) de condamner la ville de Strasbourg à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il lui incombait une mission de contrôle au titre de la mission solidité des ouvrages sur les canalisations de chauffage ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 décembre 2002, complété par un mémoire enregistré le 28 février 2003, présentés pour la Ville de Strasbourg élisant domicile ... représentée par son maire en exercice, représentée par Me Bourgun avocat au barreau de Strasbourg ;
La Ville de Strasbourg conclut à titre principal au rejet de la requête et, par appel incident, demande l'annulation du jugement du 23 avril 2002 en tant qu'il a opéré un abattement de vétusté de 40%, ce qui représente un montant de 380 040 euros, et dire que la somme supplémentaire qui lui sera allouée portera intérêts à compter de la demande introductive d'instance devant le tribunal administratif et que les montants alloués seront capitalisés sur le fondement de l'article 1154 du code civil ; de condamner le Bureau Veritas à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 janvier 2003, présenté pour la société GIA, ayant son siège ..., représentée par son liquidateur Me C..., élisant domicile ... par Me Z... avocat ;
La société GIA conclut :
- au rejet de l'appel incident de la Ville de Strasbourg ;
- à ce qu'elle soit déchargée de toute responsabilité ;
- à la condamnation de la Ville de Strasbourg à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'appel incident n'est pas fondé ;
- la responsabilité des désordres, au niveau de la maîtrise d'oeuvre, incombe exclusivement à la société OTE ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2002, présenté pour la société AXIMA, ayant son siège social ..., par Me X... avocat ;
La société AXIMA conclut au rejet de la requête et de l'appel incident de la Ville de Strasbourg, et demande que les sociétés OTE, GIA et BUREAU VERITAS garantissent chacune à hauteur de 5% du montant de toutes les condamnations ;
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2005, présenté pour la société OTE INGENIERIE, ayant son siège ..., par Me Y... avocat ;
La société OTE INGENIERIE conclut à titre principal au rejet de la requête et des appels incidents de la ville de Strasbourg et de la société GIA ; et à titre subsidiaire conclut à la condamnation de la SA VERITAS et GIA à la garantir de ses condamnations à hauteur de 5% chacune, et de condamner la société AXIMA à la garantir de ses condamnations à hauteur de 85% ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 29 avril 2005 à 16 h 00 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2005 :
; le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- les observations de Me B..., de la SCP Guy-Vienot, Bryden, avocat de la SA BUREAU VERITAS et de Me A..., du cabinet HSKA, avocat de la société OTE,
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la Ville de Strasbourg a décidé en 1996 de procéder à l'extension du Palais de la musique et des congrès et a confié la conception technique des travaux au groupement solidaire formé des sociétés OTE et GIA, cette dernière étant représentée par son liquidateur Me D..., avec une mission de maîtrise d'oeuvre complète de type M1 ; que le lot 12 « chauffage et ventilation » a été attribué à la société Sulzer, aux droits et obligations de laquelle vient la société AXIMA, tandis que le contrôle technique du projet a été assuré par le bureau VERITAS avec une mission L + S ; que la réception du lot « chauffage et ventilation » a été prononcée le 18 avril 1989, avec levée des réserves le 19 juin 1989 ; qu'à l'occasion d'un sinistre sur le réseau des ventilo-convecteurs intervenu en septembre 1995, le maître de l'ouvrage a constaté la corrosion des conduites du réseau d'eau mixte ; que la ville de Strasbourg a recherché la responsabilité solidaire des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;
Considérant que, par le jugement attaqué du 23 avril 2002, le Tribunal administratif de Strasbourg a solidairement condamné la société AXIMA, la société OTE, la société GIA et la société VERITAS à payer à la ville de Strasbourg la somme de 801 482,22 euros, avec intérêts, de laquelle il a décidé qu'il convenait de déduire la somme de 533 571,56 euros allouée à titre de provision, ainsi que la somme de 51 275,38 euros au titre des frais d'expertise ; qu'il a également décidé que la société AXIMA garantira les sociétés OTE, GIA et VERITAS à hauteur de 85 %, que la société OTE garantira les sociétés GIA et VERITAS à hauteur de 5 %, que la société GIA garantira les sociétés OTE et VERITAS à hauteur de 5 %, et que la société VERITAS garantira la société OTE à hauteur de 5 % ; que la société VERITAS fait appel de ce jugement, en contestant tant le principe de sa responsabilité à l'égard du maître d'ouvrage que la part de la réparation des conséquences des désordres laissée à sa charge ; que la ville de Strasbourg forme appel provoqué en tant que le même jugement a rejeté le surplus des conclusions de sa demande qui tendaient à la condamnation desdites sociétés à supporter la totalité des travaux à réaliser, sans prise en compte d'un coefficient de vétusté ; que les sociétés GIA, AXIMA, OTE INGENIERIE forment appel provoqué pour contester leurs parts respectives de responsabilité fixées par le tribunal ;
Sur l'appel principal de la SA BUREAU VERITAS :
Considérant qu'aux termes de l'annexe a du cahier des clauses administratives particulières souscrit entre la SA BUREAU VERITAS et la VILLE DE STRASBOURG : « I. Nature des interventions : 1° Solidité des ouvrages : elle est contrôlée par la vérification de la capacité des ouvrages à résister aux actions permanentes ou répétées auxquelles ils sont soumis du fait de leur conception telles que charges propres, mouvements différentiels, réactions du sol, ainsi que du fait des agents extérieurs tels que charge de service, agents climatiques, corrosion. La solidité ne peut être dissociée totalement de la sécurité puisque la perte de la première met en cause la seconde… (…) 2° Mission relative à la sécurité des personnes 2.1. Etendue de la mission : les aléas techniques, que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à prévenir, sont exclusivement ceux, générateurs d'accidents corporels, qui découlent d'un défaut dans l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives à la sécurité des personnes, dans les constructions achevées. 2.2 Eléments soumis au contrôle technique : (…) des installations de chauffage, ventilation, conditionnement d'air, réfrigération » ; qu'aucune de ces deux missions n'impliquait pour la SA BUREAU VERITAS de rechercher l'existence de risques de corrosion des canalisations du système de chauffage et de ventilation, alors même qu'en tant que contrôleur technique elle a la qualité de constructeur ; que la SA BUREAU VERITAS est, par conséquent, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que les désordres en cause étaient de nature à engager sa responsabilité solidairement avec les sociétés GIA, AXIMA, OTE ;
Sur les appels provoqués de la ville de Strasbourg et de la société GIA :
Considérant que la satisfaction ainsi donnée à la requête de la SA BUREAU VERITAS a pour objet d'aggraver la situation de la ville de Strasbourg et de la société GIA ; que, par suite, leurs appels provoqués sont recevables ;
Considérant que la Ville de Strasbourg demande la réformation du jugement en tant qu'il a opéré sur l'indemnité mise à la charge des constructeurs un abattement de vétusté de 40 % ; que, s'il y a lieu de tenir compte de la vétusté de l'installation, laquelle doit s'apprécier à la date d'apparition des désordres, soit en septembre 1995, six ans après la réception du lot « chauffage et ventilation » en 1989, celle-ci doit s'apprécier, notamment, compte tenu de la durée normale de fonctionnement d'une telle installation, qui est de trente ans ; qu'ainsi, l'abattement doit être fixé à 20 % du montant des travaux de remise en état, s'élevant à 6 232 251,51 F TTC ; que la Ville de Strasbourg est fondée à demander la réformation du jugement sur ce point ;
Considérant que la société GIA conteste toute responsabilité dans la survenue des désordres, lesquels seraient exclusivement imputables, en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre, à la société OTE, il résulte des documents contractuels que les sociétés GIA et OTE étaient engagées auprès du maître d'ouvrage sous la forme d'un groupement conjoint et solidaire de maîtrise d'oeuvre de contrôle de conformité technique ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal les a condamné solidairement à supporter la charge des réparations ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner solidairement les seules sociétés AXIMA, OTE et GIA à verser à la Ville de Strasbourg, au titre des travaux de réparation, une somme portée à 5 103 829,61 F (778 073,81 €) de laquelle il convient de déduire une provision de 3 500 000 F, soit 533 571,56 €, allouée par ordonnance du tribunal du 30 juin 1999, ainsi que la somme de 1,4 MF (213 428,62 €) au titre du préjudice financier et les sommes de 269 560,65 F TTC (41 094,26 € TTC) et 66 783,80 F TTC (10 181,12 € TTC), au titre des frais d'expertise ; que ces sommes porteront intérêts comme il est dit dans le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg ; que la société Axima devra garantir les seules sociétés OTE et GIA à concurrence de 85 % des condamnations prononcées à leur encontre ; que les sociétés OTE et GIA devront se garantir mutuellement de 7,5 % de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la Ville de Strasbourg la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SA VERITAS en appel et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société GIA à l'encontre de la Ville de Strasbourg et la Ville de Strasbourg à l'encontre de la SA VERITAS doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : La demande présentée par la Ville de Strasbourg devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée en tant qu'elle est dirigée contre la SA VERITAS.
Article 2 : Les seules sociétés AXIMA, OTE et GIA représentée par son liquidateur, Me C..., sont condamnées solidairement à verser à la Ville de Strasbourg une somme portée à 778 073,81 € .
Article 3 : La société AXIMA garantira respectivement les seules sociétés OTE et GIA à hauteur de 85 % des condamnations mises à leur charge.
Article 4 : La société OTE et la société GIA se garantiront respectivement à hauteur de 7,5 % des condamnations mises à leur charge.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 6 : La ville de Strasbourg versera à la SA BUREAU VERITAS la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SA BUREAU VERITAS, à la Ville de Strasbourg, à la société AXIMA, à la société GIA et à la société OTE INGENIERIE.
4
N°02NC00644