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04/05/2006 | FRANCE | N°04NC00334

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 04 mai 2006, 04NC00334


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2004, présentée pour Mme Fatiha X, élisant domicile ..., par Me Kraemer-Eckert, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser une somme de 30 489,80 €, avec les intérêts légaux à compter du 29 janvier 2001, en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 9 novembre 1998 d

ans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier à lui payer l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2004, présentée pour Mme Fatiha X, élisant domicile ..., par Me Kraemer-Eckert, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser une somme de 30 489,80 €, avec les intérêts légaux à compter du 29 janvier 2001, en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 9 novembre 1998 dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier à lui payer la somme susvisée de 30 489,80 €, avec les intérêts légaux à compter du 29 janvier 2001 ;

3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 2 500 € au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la loi du 4 mars 2002 est applicable à l'instance ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité pour faute de l'hôpital alors que la saphène interne droite s'est déchirée sous l'effet d'un geste intempestif du chirurgien ;

- c'est à l'intimé qu'il appartient de prouver l'absence de faute ; cette intervention bénigne a abouti à une opération lourde qui a entraîné des séquelles dont la requérante souffre encore aujourd'hui ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré du défaut d'information ; la requérante n'a à aucun moment été informée de ce que sa surcharge pondérale aurait été une circonstance aggravante ; que mieux informée sur le risque de lésion veineuse qui n'est pas rare, elle aurait très certainement refusé toute opération ;

- la requérante a subi une période d'incapacité temporaire totale particulièrement longue et la gêne fonctionnelle et les troubles sensitifs génèrent une incapacité permanente partielle de 3 %, qui rend difficile l'exercice des tâches ménagères ; ces incapacités, si elles n'ont pas entraîné de perte de revenus, ouvrent cependant droit à une indemnisation au titre des troubles dans les conditions d'existence à hauteur d'un montant de 7 622,45 € ;

- le pretium doloris est évalué à 15 244,90 € eu égard aux deux hospitalisations et aux douleurs subies du fait de l'innervation continue ;

- les nombreuses cicatrices affectant les deux membres inférieurs ouvrent droit à une indemnisation de 1 524,49 € au titre de préjudice esthétique ;

- le préjudice sexuel justifie l'octroi d'une indemnité de 4 573,47 € ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2006, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg, qui précise qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2006, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par leur directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Les Hôpitaux universitaires concluent au rejet de la requête de Mme X ;

Ils soutiennent que :

- la loi du 4 mars 2002 n'est pas applicable au présent litige ;

- la charge de la preuve de la faute médicale et du lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué incombe à la victime ; l'appelante n'établit pas que le praticien aurait commis un geste fautif de nature à provoquer la lésion de la veine fémorale ni que la prise en charge de cette complication n'aurait pas été conforme aux règles de l'art ; comme l'indique l'expert, la survenance de cette plaie fémorale était liée à la surcharge pondérale et à la profondeur du champ opératoire, conditions locales ayant rendu l'intervention particulièrement difficile ;

- c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la requérante n'était pas fondée à se prévaloir d'un préjudice indemnisable résultant d'un défaut d'information des risques de complications susceptibles de se produire à la suite d'une opération de crossectomie des veines saphènes ; le risque qui s'est réalisé ne peut être assimilé à un risque d'invalidité ; en effet, le taux d'incapacité permanente partielle de 3 % est manifestement trop faible pour ouvrir droit à réparation au titre de la perte de chance de se soustraire à un risque d'invalidité qui s'est réalisé ; au surplus, la requérante ne justifie d'aucune perte de chance de se soustraire à un risque de lésion veineuse et ne prouve pas qu'elle aurait refusé l'intervention ; l'indication chirurgicale proposée par le docteur Vix étant légitime et indiscutable, compte tenu de la pathologie variqueuse des membres inférieurs dont souffrait Mme X depuis 1986 et qui s'était aggravée à partir de 1996, l'abstention chirurgicale ne pouvait qu'entraîner l'aggravation des douleurs liées à la maladie veineuse ;

- c'est à juste titre que le tribunal a écarté enfin la responsabilité sans faute ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 98 ;

Vu le code de la santé publique et notamment l'article L. 1142-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité du service public hospitalier :

Considérant que Mme X, qui souffrait d'une pathologie variqueuse des membres inférieurs, a été admise aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg en vue de la réalisation le 9 novembre 1998 d'une crossectomie des veines saphènes externe et interne droites ; qu'une lésion de la veine fémorale en cours d'intervention a empêché l'opération d'être menée à son terme et a rendu nécessaire une réparation immédiate par plastie veineuse ; que l'intéressée, qui a présenté un épisode fébrile ayant nécessité une ré-hospitalisation et qui se plaint de douleurs et de troubles sensitifs affectant les membres inférieurs, a recherché la responsabilité du centre hospitalier notamment sur le fondement de la faute médicale et sur celui du défaut d'information de la patiente ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 susvisée, modifié par l'article 3 de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale : « les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 (…) s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée. » ; qu'il s'ensuit que Mme X, dont le dommage résulte d'une intervention réalisée le 9 novembre 1998, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, lesquelles sont inapplicables au présent litige ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg, que l'indication de cure chirurgicale des varices, évoquée par l'angiologue et par le médecin traitant et proposée par l'opérateur à Mme X, qui présentait une pathologie variqueuse des membres inférieurs depuis 1986, aggravée à partir de 1996, était justifiée ; la seule circonstance qu'une veine ait été lésée au cours de ladite opération n'établit pas par elle-même l'existence d'un geste maladroit constitutif d'un manquement aux règles de l'art ; qu'il résulte au contraire de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, circonstancié et non sérieusement contredit, que la blessure veineuse a été favorisée par des conditions locales spécifiques ayant rendu l'intervention particulièrement difficile et tenant à la fragilisation des veines liée à la surcharge pondérale de la patiente et à la profondeur du champ opératoire ; que la prise en charge chirurgicale de cette plaie fémorale par réparation avec implantation d'un segment de veine saphène interne gauche, qui a été immédiate et pratiquée conformément aux connaissances de la science médicale, a permis avec efficacité d'éviter les graves complications inhérentes au phénomène d'obstruction du réseau veineux ; que les soins et traitements prodigués dans les suites de l'opération l'ont été selon les règles de l'art ; que, par ailleurs, si la complication inguinale présentée par l'intéressée les jours suivant l'intervention chirurgicale a nécessité une seconde hospitalisation, cette complication, banale et sans gravité, a fait l'objet d'un traitement antibiotique adapté ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Mme X, à laquelle incombe la charge de la preuve, la faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ne saurait être regardée comme établie ; qu'enfin, si la requérante fait valoir que l'intervention était réputée bénigne, les séquelles au demeurant limitées résultant de l'intervention réalisée le 9 novembre 1998, laquelle revêt le caractère d'un acte médical et non d'un acte de soins courants, ne sauraient révéler une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;

Considérant, en dernier lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que si le risque, même exceptionnel, de survenance d'une lésion veineuse et le risque d'apparition de paresthésies post-opératoires consécutives à l'intervention subie par la requérante le 9 novembre 1998 sont au nombre des risques connus que le service public hospitalier était tenu de porter à la connaissance de la patiente, il est constant que le taux d'incapacité permanente partielle de l'intéressée se limite à 3 % ; que, dès lors, les séquelles résiduelles imputables aux complications dont s'agit ne justifiaient pas, eu égard à leur faible degré de gravité, une information particulière de la patiente ; qu'ainsi, la circonstance, à la supposer établie, que l'opérateur n'ait pas informé la requérante de ces risques ne saurait, en tout état de cause, constituer une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nancy ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X doivent, dès lors, être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : La requête susvisée de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatiha X, aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg et à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg.

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N° 04NC00334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00334
Date de la décision : 04/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : KRAEMER-ECKERT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-04;04nc00334 ?
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