Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2005 et complétée par mémoire enregistré le 21 avril 2006, présentés pour Mlle Valérie X, élisant domicile ..., par Me Kempf, avocat ; Mlle X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301738 du 15 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à condamner la ville de Strasbourg à lui payer la somme de 114 146,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2003 en réparation du préjudice causé par la cessation de ses fonctions de collaborateur de cabinet auprès du maire de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2003 du maire de Strasbourg mettant fin à ses fonctions ;
3°) de condamner la ville de Strasbourg à lui payer la somme de 114 146,70 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts légaux à compter du 16 mai 2003, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Strasbourg une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que sa requête constituait simultanément un recours pour excès de pouvoir et un recours de pleine juridiction ;
- que c'est à tort que les premiers juges ont refusé toute indemnisation au motif qu'elle ne développait pas des moyens relevant de la légalité externe de la décision mettant fin à ses fonctions ;
- que la décision attaquée devant être motivée et donner lieu à communication préalable du dossier, les premiers juges auraient dû annuler l'arrêté litigieux, examiner sa demande de dommages-intérêts et quantifier ceux-ci ;
- qu'elle a subi un préjudice matériel dû à la cessation anticipée de son contrat, qui peut être évalué à 114 146,70 euros, sauf à en imputer la somme à lui allouer au titre de son préjudice moral ;
- que les premiers juges ont dénaturé sa demande en considérant que la somme de 114 146,70 euros était sollicitée au seul titre de la perte de revenus ;
- qu'elle a subi un préjudice moral, qu'elle a par ailleurs chiffré, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, et qui ne saurait être évalué à moins de 15 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2005 et complété par mémoire enregistré le 19 mai 2006, présentés pour la ville de Strasbourg, représentée par son maire en exercice, par Me Bourgun ;
La ville de Strasbourg conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mlle X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté mettant fin à ses fonctions sont irrecevables comme nouvelles en appel ;
- que les moyens énoncés par la requérante ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs du cabinet des autorités territoriales ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2006 :
- le rapport de M. Vincent, président,
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mlle X, recrutée par la ville de Strasbourg en qualité de collaboratrice de cabinet à compter du 1er août 2002, a été licenciée par arrêté du maire de Strasbourg en date du 31 mars 2003 avec effet au 1er mai 2003 ; que l'intéressée conclut, d'une part, à l'annulation de ladite décision, d'autre part, à l'annulation du jugement du 15 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant que s'il ressort des termes de la requête introductive d'instance que Mlle X a fait valoir l'irrégularité de l'arrêté susvisé en tant que non motivé ni précédé de la communication du dossier, et mentionné par suite qu'il serait selon elle «frappé de nullité», elle n'a pas conclu à l'annulation dudit arrêté ; que sa demande tendant à «dire et juger que la rupture des fonctions du collaborateur de cabinet… est irrégulière et ouvre droit à des dommages-intérêts» ne saurait être regardée comme des conclusions tendant à l'annulation de ladite décision ; qu'il s'ensuit que lesdites conclusions, formulées pour la première fois en appel, constituent une demande nouvelle et ne sont ainsi pas recevables ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant que si Mlle X est fondée à soutenir que, par application des dispositions de l'article 42 du décret du 15 février 1988 applicable aux collaborateurs de cabinet en vertu de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, l'arrêté litigieux aurait dû énoncer les motifs de son licenciement et, au surplus, être précédé de la communication de son dossier, compte tenu de ce qu'en l'absence de tout motif d'une autre nature invoqué par la ville de Strasbourg, son licenciement doit être regardé comme intervenu en considération de la personne, et qu'ainsi son licenciement est intervenu dans des conditions irrégulières, l'intéressée ne saurait revendiquer l'indemnisation du préjudice subi du fait de la cessation du versement du traitement qu'elle aurait perçu jusqu'au terme de son contrat si elle était demeurée en fonctions, dès lors qu'en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, l'autorité territoriale peut librement mettre fin aux fonctions d'un collaborateur de cabinet ;
Considérant que la requérante, qui avait expressément mentionné ce chef de préjudice dans sa requête de première instance tout en ne le chiffrant pas séparément dans sa demande tendant à être indemnisée de son entier préjudice, comme elle était recevable à le faire, est en revanche fondée à demander réparation du préjudice moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de l'éviction brutale et sans motif de ses fonctions ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en lui allouant à ce titre une indemnité de 2 000 €, y compris tous intérêts échus au jour de la présente décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X est fondée, dans cette limite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 000 € à la charge de la ville de Strasbourg au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mlle X, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la ville de Strasbourg au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 15 février 2005 est annulé.
Article 2 : La ville de Strasbourg est condamnée à verser à Mlle X une indemnité de deux mille euros (2 000 €).
Article 3 : La ville de Strasbourg versera à Mlle X une somme de mille euros (1 000 €) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Valérie X et à la ville de Strasbourg.
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N° 05NC00440