Vu la requête, enregistrée le 20 février 2004, présentée pour la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION, dont le siège est Chemin de l'Ermitage à Passenans (39230), représentée par son gérant en exercice, par Me Demaizieres ; la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101673 du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa requête tendant à être déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés et contribution de 10 % auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1994, 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
Elle soutient que :
- s'agissant de l'exercice 1994, les charges non admises à concurrence de 665 848 F correspondent à des achats relatifs à 1993, payés en 1994, elle fournit les pièces justificatives et devait bénéficier de la correction symétrique des bilans ;
- les charges non admises de 886 750 F sont justifiées et auraient du être régularisées au titre de l'exercice 1995 car extournées au titre de cet exercice par l'écriture inverse ;
- s'agissant de l'exercice 1995, elle a comptabilisé les factures pour un montant de 2 999 393 F ;
- la somme de 500 000 F dont la déduction n'a pas été admise a été avancée à SOFIGEST, puis considérée comme irrécouvrable sans que ceci constitue un acte anormal de gestion ;
- pour le surplus, il s'agit, à concurrence de 150 536 F, de la valeur nette comptable d'éléments d'actifs cédés ou de factures de fuel ;
- elle justifie du passif de 490 450 F ;
- la somme de 965 582 F correspond à des payements pour lesquels elle apporte des justificatifs et ne constitue donc pas des distributions susceptibles d'être soumises à la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;
- s'agissant de l'exercice 1996, l'administration n'établit pas que la cession du stock de PAGODIS ne serait pas comprise dans le chiffre d'affaires déclaré ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 août 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir :
- qu'au titre de l'exercice 1994, la somme de 665 848 F a été imputée à tort alors qu'elle correspond à des charges de l'exercice 1993 et que le caractère délibéré de cette erreur fait obstacle à l'application de la règle de la correction symétrique des bilans ;
- qu'en ce qui concerne la somme de 886 750 F, les justificatifs produits, tardifs, ne permettent pas de vérifier le caractère déductible des dépenses alors que la comptabilité était incomplète et non probante ;
- que l'avance de 500 000 F consentie à la société SOFIGEST est constitutive d'un acte anormal de gestion car elle n'est accompagnée d'aucune contrepartie ;
- que les conclusions concernant la somme de 279 878 F sont irrecevables car nouvelles en appel et qu'en tout état de cause, les justificatifs produits sont insuffisants ;
- que les justificatifs produits ne permettent pas d'établir la comptabilisation effective des produits considérés comme non déclarés pour un montant de 299 393 F ;
- que le passif de 490 450 F n'est pas justifié par les documents produits ;
- qu'aucun redressement n'a été mis en recouvrement s'agissant de la somme de 965 682 F considérée comme distribuée au titre de l'exercice 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2007 :
- le rapport de Mme Rousselle, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 19 mars 2002, postérieure à l'enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande de la société, le directeur des services fiscaux du Jura avait accordé un dégrèvement de 70 826 F (10 797,35 euros) des droits et pénalités assignés à la SARL PAILLOT DIFFUSION au titre de l'année 1996 ; que la demande était, dans cette mesure, devenue sans objet ; que le tribunal administratif a omis de constater dans ces limites le non-lieu à statuer ; qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance, et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Considérant que dès lors que la SARL PAILLOT DIFFUSION a régulièrement été taxée à l'impôt sur les sociétés selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales au titre des exercices 1994 à 1996, il lui appartient, par application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ;
En ce qui concerne l'exercice 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : «2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés» ; qu'aux termes du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts issu de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 : «Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit.» ;
Considérant que le vérificateur a refusé d'admettre pour un montant de 665 848 F, la déduction d'un ensemble de factures, établies par des fournisseurs en 1993 et correspondant à des livraisons réalisées en 1993, mais payées et comptabilisées au titre de l'exercice 1994, premier exercice non prescrit ; que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION ne conteste pas que ces charges ne pouvaient être imputées qu'au titre de l'exercice 1993, exercice d'engagement au cours duquel elles sont devenues certaines dans leur principe et leur montant, notamment par l'établissement d'une facture, et quelle que soit la date de paiement ; que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION admettant ainsi que cette erreur n'est pas intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, n'est pas fondée à demander en application de la théorie de la correction symétrique des bilans que les sommes payées en 1994, mais correspondant à des dettes certaines de l'exercice 1993, soient déduites des résultats de l'exercice 1994 ;
En ce qui concerne l'exercice 1995 :
Considérant, en premier lieu, que pour contester le bien-fondé du rehaussement de son chiffre d'affaires à concurrence de 299 393 F, la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION, qui supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions, se borne à affirmer avoir comptabilisé les factures correspondantes du 30 décembre 1995 d'un montant respectif de 46 698 F et 39 221 F, ainsi qu'un avoir de 77 634 F constaté lors de la vente d'un véhicule, sans apporter de justificatifs à l'appui de ses simples affirmations ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir, contrairement à l'appréciation du service, que la somme de 299 393 F avait été régulièrement comptabilisée dans les produits de l'exercice ;
Considérant, en deuxième lieu, que les prêts sans intérêt, abandons de créances ou renonciations à recettes accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt, commercial ou financier ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; qu'en l'occurrence, la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION a accordé en 1989 un prêt sans intérêt de 500 000 F à la société SOFIGEST et constaté le caractère irrécouvrable de cette créance au titre de l'exercice 1995 du fait de la mise en liquidation judiciaire de ladite société survenue en 1992 ; qu'en se bornant à faire état d'une éventuelle augmentation de capital de la société SOFIGEST, non réalisée, à laquelle elle aurait pu souscrire, la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION n'établit pas que l'abandon de cette créance dépourvue à l'origine d'une contrepartie financière ou commerciale, correspond à une perte déductible de son bénéfice imposable ;
Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION n'établit pas, par la seule production du tableau des immobilisations et d'un tableau manuscrit mentionnant le prix d'acquisition et de cession de certains biens, que la somme de 150 536 F qu'elle a déduite de son bénéfice imposable correspond, comme elle le soutient, à une perte déductible qui résulterait de la cession d'éléments d'actifs ;
Considérant, en quatrième lieu, que, quel que soit le mode de comptabilisation de cette opération, la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION ne tient d'aucune disposition du code général des impôts la faculté de déduire des résultats de l'exercice 1995 la somme de 886 750 F, dont il est constant qu'elle correspond à des achats de l'exercice 1994 ;
Considérant, en cinquième lieu, que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION, en se bornant à produire des factures émises par les sociétés Petrobress et Emery, d'un montant total de 129 342 F, n'établit pas que ses charges seraient d'un montant supérieur à la somme de 779 878 F dont le vérificateur a admis la déduction ;
Considérant, en sixième lieu, que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION n'apporte pas, par la seule production devant la Cour d'un ensemble de documents et factures dépourvus de toute explication ou calcul explicatif, le caractère exagéré du redressement de 490 450 F résultant de la constatation d'un passif injustifié au 31 décembre 1995 ;
Considérant, enfin, que, comme le fait valoir l'administration, le redressement de la somme totale de 965 682 F notifié initialement le 24 avril 1998 a été abandonné en cours de procédure et n'a donné lieu à aucune imposition supplémentaire tant en matière d'impôt sur les sociétés qu'au titre de l'amende prévue par l'article 1763 A du code général des impôts ; qu'il suit de là que les conclusions de la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION tendant à être déchargée des supposés droits et pénalité correspondant, au demeurant nouvelles en appel, sont irrecevables ;
En ce qui concerne l'exercice 1996 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au vu du bilan et du compte de résultat déposés le 22 juin 1998, le vérificateur a rajouté au bénéfice fiscal déclaré le montant de la cession de stock effectuée au profit de la SA PAGODIS à hauteur de 221 319 F, ainsi que les amortissements déduits ; que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION, qui ne conteste pas le montant du dégrèvement accordé en cours d'instance devant le tribunal administratif par le directeur des services fiscaux, résultant de la limitation à 88 427 F de la valeur du stock, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des impositions restant en litige en se bornant à soutenir devant la Cour que l'administration n'a pas établi que la cession de stock ne serait pas comprise dans son chiffre d'affaires déclaré ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 18 décembre 2003 est annulé en tant qu'il a statué sur des conclusions de la requête au titre de l'exercice 1996 ayant donné lieu au dégrèvement constaté à l'article 2 ci-dessous.
Article 2 : A concurrence de la somme de 10 791,35 euros (70 826 F) en ce qui concerne le complément d'impôt sur les sociétés auquel la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION a été assujettie au titre de l'exercice 1996, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION devant le Tribunal administratif de Besançon.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PAILLOT DIFFUSION et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
2
N° 04NC174