Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2008, présentée pour la SARL ARMINDO JOAQUIM, dont le siège est 9 rue Clément Ader à Sainte-Croix-en-Plaine (68127), par Me Venturelli ; la SARL ARMINDO JOAQUIM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502980 du 1er avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société d'équipement de la région mulhousienne (SERM) et de la ville de Mulhouse à lui verser une somme de 40 664,73 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de l'accident survenu le 15 décembre 2000 à l'un de ses camions, ainsi que les sommes de 1 311,53 et 4 071,17 euros au titre des frais d'expertise, et, d'autre part, mis à sa charge les frais d'expertise et une somme de 770 euros à verser à la SERM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner solidairement la SERM et la ville de Mulhouse à lui verser une somme de 45 664,73 euros en réparation de son préjudice ;
3°) de condamner solidairement la SERM et la ville de Mulhouse, ou l'une ou l'autre des parties défenderesses, à lui verser les sommes de 1 311,53 euros et 4 071,17 euros correspondant aux frais d'expertise ;
4°) de mettre solidairement à la charge de la SERM et de la ville de Mulhouse, ou de l'une ou l'autre des parties défenderesses, une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de ce que, dès lors que la société Protec avait un permis de construire sur le fondement duquel l'appelante a effectué les travaux de gros-oeuvre, les travaux de viabilité pour l'accès aux parcelles constructibles auraient dû être achevés ;
- la SERM et la ville de Mulhouse engagent leur responsabilité sans faute, dès lors qu'elle avait la qualité de tiers, et non d'usager, par rapport à la voie en cause ;
- c'est à tort que les premiers juges ont pu affirmer qu'il ressortait des pièces du dossier que la SERM avait fait aménager une piste d'accès au chantier Protec, directement à partir du rond-point Léon Walter ;
- aucune pièce du dossier n'établit qu'il y avait interdiction pour l'entreprise appelante d'emprunter la voie sur laquelle est survenu l'accident, et il y a défaut d'entretien de ladite voie ;
- la SERM et la ville de Mulhouse ont également commis une faute consistant dans le manquement à leurs obligations de coordination des différentes entreprises intervenant sur le chantier de la ZAC du parc des collines en leur qualités respectives de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre ;
- le préjudice a été fixé par l'expert à la somme de 40 664,73 euros, qu'il convient de majorer de 5 000 euros, compte tenu de l'ancienneté du litige ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2008, et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 novembre 2008, présentés pour la société d'équipement de la région mulhousienne (SERM) et la ville de Mulhouse, représentée par son maire, par la SCP d'avocats Rivaud-Mendi-Cahn ;
La SERM et la ville de Mulhouse demandent à la Cour de :
1°) rejeter la requête de la SARL ARMINDO JOAQUIM ;
2°) condamner la SARL ARMINDO JOAQUIM à leur verser à chacune une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles font valoir que :
- l'appelante était, au moment des faits, usager de la voie sur laquelle est survenu l'accident ;
- la SERM avait fait aménager une voie d'accès au chantier Protec, directement à partir du rond-point Léon Walter, et les entreprises intervenant sur le chantier Protec devaient obligatoirement emprunter cette voie ; l'accident est survenu sur la voie d'accès au chantier de la SERM, dont l'accès était interdit à l'entreprise ARMINDO JOAQUIM ;
- à supposer que la ville de Mulhouse soit responsable vis-à-vis des tiers au chantier, la faute de la victime l'exonère de toute responsabilité en l'espèce ;
- l'entretien de la voie d'accès autorisée relevait de la responsabilité de Protec ; l'appelante avait elle-même encombré cette voie avec des gravats ;
- s'agissant d'une ZAC, et non d'un lotissement, le permis de construire peut être délivré quelque soit l'état d'avancement des travaux de viabilité ;
Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 29 juin 2009 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2009 :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Mendi, de la SCP Rivaud-Mendi-Cahn, avocat de la société d'équipement de la région mulhousienne et de la ville de Mulhouse ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en invoquant la circonstance que la société Protec détenait un permis de construire sur le fondement duquel l'appelante a effectué les travaux de gros-oeuvre et en faisant valoir que les travaux de viabilité pour l'accès aux parcelles constructibles auraient dû ainsi être achevés à la date de l'accident, la SARL ARMINDO JOAQUIM n'a pas soulevé un moyen de droit, mais entendu simplement répondre, ainsi qu'il ressort de ses écritures enregistrées le 7 janvier 2008 au greffe du tribunal administratif, au moyen de défense opposé par la ville de Mulhouse et la SERM et tiré de ce que l'accident serait exclusivement imputable à sa propre faute ; qu'ainsi, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité en s'abstenant de répondre à cette argumentation ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Strasbourg, que deux chantiers distincts étaient en cours d'exécution sur le site de l'accident litigieux, l'un pour la construction de la future rue Jacques Mugnier, sous maîtrise d'ouvrage de la SERM, et l'autre pour la construction du restaurant Marantha, sous maîtrise d'ouvrage de l'entreprise Protec, qui avait confié à la SARL ARMINDO JOACHIM la réalisation de travaux de gros-oeuvre ; que le camion de la SARL ARMINDO JOAQUIM s'est renversé dans une tranchée creusée à droite alors qu'il effectuait une manoeuvre sur la voie correspondant à cette future rue, par laquelle il souhaitait accéder au chantier Protec ; que ladite société, qui avait la qualité de tiers par rapport aux travaux publics effectués pour le compte de la SERM, est dès lors fondée à soutenir que celle-ci engage sa responsabilité sans faute à son égard ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort du rapport de l'expert ainsi que du constat d'huissier établi le jour même de l'accident qu'il n'existait aucune signalétique ou barrière à l'endroit de l'accident, le panneau indiquant le chantier Protec n'étant par ailleurs implanté qu'après l'endroit où le camion s'est renversé en provenance du rond-point Léon Walter par lequel les véhicules accédaient au chantier ; que si la SERM soutient avoir fait aménager auparavant une voie d'accès direct au chantier Protec à partir de ce rond-point et avoir interdit aux véhicules de l'entreprise ARMANDO JOAQUIM d'emprunter la voie d'accès au chantier de la SERM, ces allégations ne sont corroborées par aucune des pièces produites, l'expert précisant au contraire qu'il n'existait aucun panneau de signalisation au niveau du rond-point et que l'entrée du chantier Protec ne pouvait être discernée ; que les véhicules de la société ARMANDO JOACHIM ayant pu ainsi, sans faute de sa part, emprunter la même voie d'accès que ceux desservant le chantier de la SERM, c'est par suite à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a affirmé que l'accident litigieux était survenu sur une voie que l'entreprise requérante avait interdiction d'emprunter et que cette faute était de nature à exonérer la SERM de toute responsabilité ; que le jugement attaqué doit ainsi être annulé ;
Considérant, toutefois, que l'accident en cause, survenu alors que le camion effectuait une manoeuvre en marche arrière, est également dû à la faute de l'entreprise requérante, qui ne pouvait ignorer l'existence des tranchées longeant le chemin concerné et devait ainsi faire preuve de prudence ; qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en laissant, compte tenu des circonstances de l'espèce, 50 % de la responsabilité à la charge de la SARL ARMINDO JOAQUIM ; que la SERM doit par suite être condamnée à réparer 50 % des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur le préjudice :
Considérant que le préjudice subi par la SARL ARMINDO JOAQUIM a été évalué par l'expert à la somme de 40 664,73 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité évoqué plus haut, il y a lieu de condamner la SERM à verser à la SARL ARMINDO JOAQUIM la somme de 20 332 euros en réparation de son préjudice ; que la société requérante, à laquelle il était loisible de demander que l'indemnité à lui verser soit assortie des intérêts légaux, n'est par ailleurs pas fondée à demander que celle-ci soit majorée de 5 000 euros en raison de l'ancienneté du litige ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais des expertises ordonnées par le juge administratif des référés, taxés et liquidés aux sommes de 1 311,53 euros et 4 071,17 euros, doivent être mis à la charge de la société d'équipement de la région mulhousienne ;
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL ARMINDO JOAQUIM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société d'équipement de la région mulhousienne et la ville de Mulhouse demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société d'équipement de la région mulhousienne à verser à la SARL ARMINDO JOAQUIM une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 1er avril 2008 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La société d'équipement de la région mulhousienne est condamnée à payer à la SARL ARMINDO JOAQUIM une somme de 20 332 euros.
Article 3 : Les frais des expertises ordonnées par le juge administratif des référés, taxés et liquidés aux sommes de 1 311,53 euros et 4 071,17 euros, sont mis à la charge de la société d'équipement de la région mulhousienne.
Article 4 : La société d'équipement de la région mulhousienne versera à la SARL ARMINDO JOAQUIM une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la SARL ARMINDO JOACHIM est rejeté, ainsi que les conclusions de la société d'équipement de la région mulhousienne et de la ville de Mulhouse fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ARMINDO JOAQUIM, à la société d'équipement de la région mulhousienne et à la ville de Mulhouse.
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N° 08NC00823