Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 avril 2008, complétée par un mémoire enregistré le 27 janvier 2009, présentée pour l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI (ANPE), représentée par le directeur régional de Lorraine, sis 6 bis rue de la Saône -BP 61130 à Laxou (54523), par Me Delay, avocat ;
L'ANPE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600503 en date du 26 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, à la demande de la SA Rogaray, d'une part, annulé la décision en date du 7 mars 2006 par laquelle l'ANPE Lorraine lui a refusé le bénéfice d'un contrat initiative emploi pour l'embauche de Mme A, d'autre part, lui a enjoint de lui accorder ce bénéfice avec effet rétroactif au 13 février 2006 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SA Rogaray devant le Tribunal administratif de Nancy ;
3°) subsidiairement d'annuler les articles 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué ;
4°) de mettre à la charge de la SA Rogaray une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le législateur a entendu réserver aux seuls salariés titulaires d'un contrat de travail le bénéfice du contrat initiative emploi, impliquant un lien salarial de subordination ; en l'espèce Mme A bénéficie du statut de gérant de succursale non-salariée disposant d'une totale indépendance de gestion simplement assimilée à une salarié du point de vue de la législation sociale mais à l'exception du bénéfice de l'assurance chômage et de l'assurance contre le risque de privation d'emploi, au sens de l'article L 351-4 du code du travail ; la SA Rogaray ne verse ainsi pas de cotisations ASSEDIC au titre du contrat de mandat passé avec Mme A ;
- à supposer que l'illégalité du refus soit confirmée, l'annulation de la décision attaquée n'impliquait pas nécessairement que l'ANPE, qui dispose en la matière d'un pouvoir d'appréciation, conclut un contrat initiative emploi avec la SA Rogaray ; les premiers juges ont donc commis une erreur de droit en enjoignant la conclusion d'un tel contrat ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 30 juin 2008, 20 et 23 février 2009, présentés pour la SA Rogaray, ayant son siège 201 Boulevard Beaurepaire 59053 Roubaix, par Me Demarcq, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'ANPE une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SA Rogaray soutient que :
- l'article L 781-1 du code du travail étend aux gérants de succursales, situation de Mme A, les dispositions du code du travail et du statut de salarié ;
- l'article L 782-1 du code du travail invoqué par l'ANPE ne s'applique qu'aux succursales des maisons d'alimentation de détail ou aux coopératives de consommation ;
- elle cotise à l'assurance chômage ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 23 février 2009, présenté pour POLE EMPLOI, représenté par son directeur général, ayant son siège 4 rue Galilée à 93198 Noisy-le-Grand, qui déclare venir aux droits et obligations de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI (ANPE), par Me Delay, avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 23 février 2009 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code du commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2009 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 322-4-8 du code du travail en vigueur à la date de la décision attaquée : I. - Afin de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi, l'Etat peut conclure des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail, appelés contrats initiative-emploi, avec les employeurs mentionnés à l'article L. 351-4 et aux 3º et 4º de l'article L. 351-12 ... Ces conventions peuvent prévoir des actions d'orientation, de formation professionnelle ou de validation des acquis de l'expérience ou des mesures d'accompagnement professionnel de nature à faciliter la réalisation du projet professionnel des bénéficiaires de contrats initiative-emploi. Les règles relatives à la durée maximale de ces conventions et à celle des contrats conclus pour leur application ainsi que les règles relatives aux conditions de leur renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces règles tiennent compte des difficultés des personnes embauchées et de la situation de leurs employeurs. II. - Ces conventions ouvrent droit à une aide pour l'embauche des personnes mentionnées au I destinée à prendre en charge une partie du coût des contrats ainsi conclus et, le cas échéant, des actions de formation et d'accompagnement professionnels prévues par la convention. Un décret en Conseil d'Etat détermine le montant maximal de l'aide ainsi que les conditions dans lesquelles elle peut être modulée en fonction de la situation des bénéficiaires, de la situation de leurs employeurs ... III. - Le contrat initiative-emploi conclu en vertu de ces conventions est un contrat à durée indéterminée ou un contrat à durée déterminée passé en application de l'article L. 122-2 ... IV. - Pendant toute la durée de la convention visée au I, les bénéficiaires des contrats initiative-emploi ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'effectif du personnel des entreprises dont ils relèvent pour l'application à ces entreprises des dispositions législatives et réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif minimum de salariés ... ; que l'article L. 781-1 du même code dispose : Les dispositions du présent code qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs sont applicables aux catégories de travailleurs particuliers ci-après : 1º les personnes qui, dans une entreprise industrielle ou commerciale, sont chargées par le chef d'entreprise ou avec son agrément de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ; 2º les personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le contrat souscrit le 13 février 2006 par la SA Rogaray avec Mme A pour l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de peinture et papiers peints, intitulé mandat de gérance , s'il assure à Mme A une rémunération essentiellement fondée sur les résultats de l'exploitation et lui confère une certaine autonomie de gestion, excluant la qualification de contrat de travail, lui impose néanmoins de vendre les seules marchandises en dépôt fournies par l'entreprise ou les fournisseurs de celle ci, caractérisant comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges un lien de subordination économique entre l'entreprise et le gérant au sens des dispositions précitées du 2° de l'article L. 781-1 du code du travail ; que, toutefois, la conclusion de conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats initiative emploi étant subordonnée à la condition de l'effectivité d'un lien salarial de subordination entre l'employeur et le salarié embauché dans le cadre d'un tel contrat, la seule circonstance que les caractéristiques du contrat souscrit avec un demandeur d'emploi soient de nature à le faire regarder comme rentrant dans le champ d'application de l'article L. 781-1 du code du travail, permettant l'application de la réglementation du travail et rendant le tribunal des prud'hommes compétent en cas de litige, est insuffisante pour ouvrir droit au bénéfice des dispositions de l'article L. 322-4-8 du même code ; que POLE EMPLOI est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé la décision du 7 mars 2006 par laquelle l'ANPE Lorraine a refusé à la SA Rogaray la conclusion avec l'Etat d'une convention ouvrant droit au bénéfice d'un contrats initiative-emploi pour l'embauche de Mme A et lui ont enjoint de lui accorder ce bénéfice avec effet rétroactif au 13 février 2006 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et en l'absence d'autre moyen invoqué par la SA Rogaray que la Cour de céans devrait examiner par l'effet dévolutif de l'appel, que POLE EMPLOI est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande le SA Rogaray ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SA Rogaray une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par POLE EMPLOI et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de POLE EMPLOI, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SA Rogaray demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 26 février 2008 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SA Rogaray devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : la SA Rogaray versera une somme de 1 000 (mille) euros à POLE EMPLOI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SA Rogaray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à POLE EMPLOI, à la SA Rogaray et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
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