Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2009, complétée par un mémoire enregistré le 22 janvier 2010, présentée pour l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DES VOSGES, dont le siège est 13, rue François Blaudez, BP 454, à Epinal (cedex 88011) représentée par son porte-parole départemental, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE, dont le siège est 19, rue Emile Bertin, BP 92103, à Nancy (cedex 54021), représentée par son porte-parole départemental, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MOSELLE, dont le siège est 2, rue du Général Ferrié, BP 30193, à Metz (cedex 57005), représentée par son porte-parole départemental, par Me Domas ;
L'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DES VOSGES, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE et l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MOSELLE demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706108 rendu le 8 juillet 2009 par le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 octobre 2007 par lequel le préfet de la région Lorraine a fixé la composition générique du conseil économique et social régional de ladite région ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
- le Tribunal n'a pas répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens invoqués par elles à l'appui de l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 4134-1 code général des collectivités territoriales ;
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs ;
- la composition du conseil économique et social régional de la région Lorraine fixée par l'arrêté attaqué est, en ce qui concerne la représentation des organisations syndicales de salariés, fondée sur l'application des dispositions du 2° de l'article R.4134-1 du code général des collectivités territoriales, qui sont elles-mêmes entachées d'illégalité dès lors qu'elles méconnaissaient à la date de l'arrêté attaqué le principe général de représentativité ; en effet, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 310284 du 30 décembre 2009, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES étant représentative au plan national devait être également représentée dans les conseils économiques et sociaux régionaux ;
- l'arrêté et le jugement attaqués sont entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la représentativité de l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES dans le champ des conventions collectives et du code du travail et dans celui de la fonction publique, au regard de la représentativité des autres syndicats ;
- par un jugement rendu le 27 février 2009, devenu définitif, le Tribunal administratif d'Orléans a fait droit à l'argumentation de l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES selon laquelle les dispositions du 2° de l'article R.4134-1 du code général des collectivités territoriales sont contraires au principe général de représentativité ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, enregistré le 17 novembre 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2010 :
- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 4134-1 code général des collectivités territoriales : Les membres du conseil économique et social régional sont répartis en quatre collèges composés comme suit : (...) 2° Le deuxième collège comprend des représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national, de l'Union nationale des syndicats autonomes et de la Fédération syndicale unitaire (...) ; que les requérantes excipent de l'illégalité de ces dispositions à l'appui de leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2007 par lequel le préfet de la région Lorraine a fixé la composition générique du conseil économique et social régional de ladite région ;
Considérant qu'en prévoyant au 2° de l'article R. 4134-1 du code général des collectivités territoriales que le deuxième collège des conseils économiques et sociaux régionaux comporte des représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national , les auteurs de ces dispositions ont nécessairement entendu se référer aux cinq organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ des conventions collectives et du code du travail ; qu'ils ont ensuite prévu que l'Union nationale des syndicats autonomes et la Fédération syndicale unitaire devaient également désigner des représentants dans les conseils économiques et sociaux régionaux, compte tenu de la représentativité acquise par ces deux organisations syndicales dans le champ de la fonction publique ; que s'il est loisible au Gouvernement, même en l'absence de toute disposition législative l'y contraignant, de prévoir que des organisations syndicales participeront à un organisme où elles siègeront en cette qualité, il ne peut, ce faisant, méconnaître le principe général de représentativité ; que ce principe impose au pouvoir réglementaire soit de prévoir la représentation directe des organisations syndicales représentatives dans l'organisme concerné, soit, si le nombre de celles-ci est supérieur au nombre des sièges qui leur sont réservés, d'assurer la participation de l'ensemble de ces organisations syndicales représentatives au processus de désignation de leurs représentants ; que la représentativité s'apprécie, pour la composition d'un organisme, au niveau territorial ou professionnel auquel il siège ; qu'ainsi, dans le cas d'un organisme régional, il appartient aux autorités administratives de mesurer la représentativité des syndicats appelés à y siéger en fonction de leurs résultats aux diverses élections professionnelles au niveau régional, sans pouvoir interdire à un syndicat qui ne serait pas représentatif au niveau national de participer directement ou indirectement, comme il a été dit ci-dessus, à la composition de cet organe régional ; que toutefois, compte tenu des critères retenus pour apprécier la représentativité des syndicats au niveau national, les auteurs de l'article R. 4134-4 ont pu légalement estimer que l'importance des résultats des syndicats reconnus représentatifs au niveau national conduisait à reconnaître leur représentativité au niveau de chaque région métropolitaine continentale, pourvu, comme les textes le prévoient, que la place relative de chaque organisation représentative fût ensuite pondérée par un nombre de sièges proportionnel aux résultats électoraux régionaux de chaque organisation ;
Considérant que, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 310284 du 30 décembre 2009, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES, qui regroupe 39 syndicats représentant des salariés du secteur privé et du secteur public, a succédé à un regroupement de syndicats et fédérations constitué en 1981 sous la dénomination de Groupe des 10 ; que si son audience, mesurée par ses résultats aux élections prud'homales de 2002 et aux élections aux comités d'entreprise de 2004-2005 auxquelles elle a obtenu respectivement 1,51 % et 2,5 % des suffrages, était encore trop réduite pour la faire regarder comme représentative dans le seul champ des accords collectifs de travail, elle avait obtenu 9,4 %, 8,2 % et 1,3 % des voix aux dernières élections professionnelles organisées, respectivement, dans la fonction publique de l'Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale ; que compte tenu de ces résultats, qui confèrent à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES une audience moyenne de 7,2 % dans le champ des trois fonctions publiques, cette union était, à la date de l'arrêté attaqué, représentative dans le champ de la fonction publique ; que, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES étant ainsi représentative au plan national, elle devait dans ces conditions être également représentée dans les conseils économiques et sociaux régionaux dès lors que les auteurs des dispositions réglementaires en régissant la composition avaient entendu y assurer la représentation des syndicats ; que dès lors, les dispositions précitées du 2° de l'article R. 4134-1 du code général des collectivités territoriales méconnaissaient, à la date à laquelle il en a été fait application par l'arrêté attaqué, le principe général de représentativité ; que, par suite, ledit arrêté est lui-même entaché d'illégalité, en tant seulement qu'il fixe la composition du deuxième collège du conseil économique et social régional de la région Lorraine;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DES VOSGES, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE et l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MOSELLE sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Lorraine en date du 12 octobre 2007 en tant qu'il fixe la composition générique du deuxième collège du conseil économique et social régional de la région Lorraine;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DES VOSGES, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE et l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MOSELLE et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté susvisé en date du 12 octobre 2007 du préfet de la région Lorraine est annulé en tant qu'il fixe la composition générique du deuxième collège du conseil économique et social régional de la région Lorraine et le jugement n° 0706108 rendu le 8 juillet 2009 par le Tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation dudit arrêté dans cette mesure.
Article 2 : L'Etat versera à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DES VOSGES, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE et l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MOSELLE une somme globale de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DES VOSGES, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE, l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE MOSELLE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
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N° 09NC00511