Vu, I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juin 2009 sous le n° 09NC00942, présentée pour M. Canan A, demeurant ..., par Me Thabet ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900327-0901388 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du
5 mars 2009 par lequel ledit préfet a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision explicite du préfet s'était substituée à la décision implicite de rejet dès lors que la décision explicite est intervenue après l'expiration des délais de recours contentieux et que la décision implicite était ainsi acquise ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu, le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2009, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête au motif que le moyen invoqué est inopérant ;
Vu, en date du 18 septembre 2009, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant B au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu, II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juin 2009 sous le n° 09NC00963, présentée pour M. Canan A demeurant ..., par Me Thabet ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900327-0901388 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du 5 mars 2009 par lequel ledit préfet a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient :
- qu'il appartient au préfet de résoudre la contradiction ressortissant de la circonstance que son état de santé lui interdit d'emprunter la voie aérienne pour retourner en Turquie alors qu'il n'existe aucun autre moyen de transport direct vers la Turquie et qu'il ne peut quitter la France par voie terrestre sans risque de se faire arrêter à la frontière, puis être réadmis en France au titre des accords de Schengen ;
- qu'eu égard à l'ancienneté de son séjour, la décision attaquée méconnait son droit au séjour prévu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que vu sa maladie, le refus de son admission au séjour le prive de soins et le soumet à un traitement contraire aux protections prévues par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2009, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 avril 2010, présenté pour M. A ; M. A conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient en outre que la décision du préfet est insuffisamment motivée et qu'il n'a pas les moyens de se faire soigner en Turquie ; qu'au surplus, il ne peut voyager par voie aérienne ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2010, présenté par le préfet du Bas-Rhin ;
Vu, en date du 18 septembre 2009, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant B au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le décret n° 2002-814 du 3 mai 2002 relatif aux délais faisant naître une décision implicite de rejet ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2010 :
- le rapport de M. Vincent, président de chambre,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes n°s 09NC00942 et 09NC00963 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant la demande d'admission au séjour de M. A :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Une décision implicite intervenue dans des cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ; qu'en l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite se trouve entachée d'illégalité ;
Considérant que M. A a formulé le 23 juillet 2008 une demande de titre de séjour auprès du préfet du Bas-Rhin ; qu'en l'absence de réponse de ce dernier, une décision implicite de rejet est née à l'issue du délai de 4 mois applicable en l'espèce ; que M. A a présenté par lettre en date du 24 décembre 2008, soit dans le délai de recours contentieux, une demande de communication des motifs de cette décision ; qu'il est constant que le préfet n'a pas communiqué les motifs de la décision implicite de rejet dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées ; que, dès lors, la décision implicite de rejet est entachée d'illégalité ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la décision par laquelle le préfet a expressément rejeté la demande de M. A ne s'est pas substituée à la décision implicite, dès lors que cette décision, datée du 5 mars 2009, est intervenue après expiration du délai de formation de la décision implicite ; qu'ainsi ladite décision doit être annulée ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
En ce qui concerne le refus de séjour :
Considérant, en premier lieu, que M. A, célibataire et sans enfants, a constamment demeuré en Turquie jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, où habitent sa mère, ses deux frères et sa soeur ; que la seule circonstance qu'il réside en France depuis 2001, après avoir néanmoins fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire en 2002 consécutivement au rejet de sa demande d'asile et d'un précédent refus de séjour devenu définitif, ne saurait ainsi faire regarder la décision litigieuse comme portant à son droit au respect de sa vie privée une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision litigieuse a été prise au vu de l'avis du médecin inspecteur de santé publique, lequel a estimé que si M. A était affecté d'une maladie dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité, l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Turquie, son état de santé ne nécessitant plus que des soins de suite pouvant être pris en charge tant par les praticiens médicaux que par les instances sanitaires de son pays d'origine ; que le préfet n'était pas tenu de se prononcer sur l'existence de soins dans la région d'origine du requérant ni sur les possibilités matérielles pour ce dernier d'accéder aux soins qui lui sont nécessaires, dès lors, en tout état de cause, que l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue avoir apporté au préfet une quelconque information sur ce point ;
Considérant, en dernier lieu, que M. A fait valoir qu'il ne disposerait en Turquie ni de moyens financiers ni d'un régime de protection sociale, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu par l'intéressé que les soins dont il fait état, consistant en port de bas de contention et séances de massage pratiquées par un kinésithérapeute seraient d'un coût tel qu'il ne pourrait en pratique y avoir accès, le cas échéant avec l'aide de sa famille, avant qu'il ne reprenne une activité professionnelle ; qu'en l'état de ce qui précède, M. A ne saurait sérieusement soutenir que la décision de refus de séjour aurait pour effet de le priver de soins et, par voie de conséquence, de l'exposer à un risque de traitement prohibé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant la Turquie comme pays de destination :
Considérant que si l'arrêté attaqué précise que son état de santé ne lui permet pas de retourner en Turquie par voie aérienne, cette mention n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient M. A, de l'empêcher en pratique de regagner son pays d'origine, dès lors qu'il est titulaire d'un passeport en cours de validité et peut ainsi organiser régulièrement son voyage de retour par tout autre moyen de transport, après avoir sollicité le cas échéant les documents nécessaires de la part des pays par lesquels il estime devoir transiter pour rentrer en Turquie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est fondé à demander l'annulation du jugement du 18 juin 2009 du Tribunal administratif de Strasbourg qu'en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2009, en tant qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, ensemble cette décision, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Canan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
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