Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2008, complétée par un mémoire enregistré le 26 février 2010, présentée pour la société SARIA INDUSTRIES, représentée par son directeur, dont le siège est 17 avenue d'Italie à Illzach (68315), par Me Chetrit, avocat ; la société SARIA INDUSTRIES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300377 du 25 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 574 806,56 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et de la capitalisation de ces intérêts ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 499 335,90 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la demande de première instance est recevable, dès lors que la décision du préfet du Haut-Rhin du 29 avril 2002 rejetant sa demande indemnitaire ne comporte pas la mention des voies et délais de recours contentieux ;
- les premiers juges ont estimé à tort que les dispositions du décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 modifié étaient applicables à la situation visée par le contrat, lequel régissait une situation locale spécifique, indemnisant le surstockage assuré par l'entreprise à la demande de l'Etat, en dehors du champ de ce dispositif règlementaire ; la faute contractuelle commise par l'Etat en ne s'acquittant pas de ses obligations justifie sa condamnation au versement de la somme réclamée ;
- la convention du 31 juillet 2001 étant antérieure à la publication du décret 2001-723 du 31 juillet 2001, publié au journal officiel du 4 aout 2001, seul le tarif fixé par le décret du 16 mars 2001 était applicable, les stipulations du contrat visant ce texte et non celui de l'annexe II du décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 ;
- elle n'a commis aucune faute exonératoire de la responsabilité de l'Etat en signant une convention comportant des dispositions contradictoires quant aux montants stipulés, alors que le décret du 31 juillet 2001 n'était pas publié, et en estimant légitimement, compte tenu de la spécificité de la situation locale et des négociations qui ont précédé que l'Etat s'engageait pour le prix de 350, 64 euros la tonne ; en tout état de cause, elle ne saurait être regardée que comme ayant partiellement contribué à la réalisation du dommage ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance n'était pas recevable, la société SARIA INDUSTRIES n'ayant pas contesté dans le délai de recours la décision du 29 avril 2002 rejetant sa demande indemnitaire ;
- le fait que la convention du 19 septembre 2001 ait mentionné les mêmes montants que ceux figurant dans celle du 31 juillet 2001 n'est dû qu'à une erreur matérielle ; lors de la signature de la convention du 19 septembre 2001, les barèmes d'indemnisation avait été modifiés par le décret du 31 juillet 2001 et s'opposaient de plein droit ; la société SARIA INDUSTRIES qui a été associée à la mise en place du processus d'indemnisation n'ignorait pas ce cadre règlementaire ni le fait que les barèmes avaient été ainsi modifiés ;
- les conventions ont été souscrites dans un cadre règlementaire, ne prévoyant pas de modulation en fonction des situations particulières et les parties n'ont pas eu l'intention de signer un engagement autre que celui prévu par ce cadre réglementaire ;
- l'entreprise a commis une faute exonératoire de la responsabilité de l'Etat en ne vérifiant pas que les termes de la convention étaient conformes au droit en vigueur à la date de sa signature ;
Vu les autres pièces du dossier ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 29 mars 2010 à 16 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 mai 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement et de la mer ;
Vu le décret 2000-1166 du 1er décembre 2000 instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses ;
Vu le décret n° 2001-231 du 16 mars 2001 instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises propriétaires de matériels à risques spécifiés et modifiant le décret no 2000-1166 du 1er décembre 2000 instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses ;
Vu le décret n° 2001-723 du 31 juillet 2001 modifiant le décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 et le décret n° 2001-231 du 16 mars 2001 relatifs à des mesures d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses et pour les entreprises propriétaires de matériels à risques spécifiés ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Richer, président ;
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;
- et les observations de Me Chetrit, avocat de la société SARIA INDUSTRIES ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n°2000-1166 du 1er décembre 2000 modifié susvisé instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses, applicable à l'espèce : L'Etat peut prendre en charge les opérations nécessaires à l'élimination des farines animales, y compris, le cas échéant, leur entreposage provisoire. Toutefois, ces opérations peuvent être laissées à la responsabilité de l'entreprise productrice, si celle-ci a passé, avec l'Etat, représenté par le préfet, une convention définissant les conditions dans lesquelles l'élimination sera mise en oeuvre, et justifiant du respect des exigences de sécurité et de protection de l'environnement. Dans ce cas, l'indemnité prévue à l'article 1er est portée à un montant déterminé dans les conditions définies à l'annexe II. ; qu'aux termes de cette annexe II, dans sa rédaction issue du décret n° 2001-723 du 31 juillet 2001 susvisé modifiant celle du décret n° 2001-231 du 16 mars 2001, le barème d'indemnisation de la production et de l'élimination des farines est fixé comme suit : Farines animales produites ou présentes dans les stocks de l'entreprise à compter du 6 août 2001 : 305 euros/t ; Farines animales produites ou présentes dans les stocks de l'entreprise à compter du 1er octobre 2001 : 275 euros/t ; Farines animales produites ou présentes dans les stocks de l'entreprise à compter du 1er janvier 2002 : 262 euros/t. Ce barème peut concerner un certain nombre d'opérations effectuées par des tiers (transport, entreposage, incinération, ...). Il convient de considérer ces prix comme hors taxe et d'y ajouter, le cas échéant, le montant de la TVA tel qu'il figure sur les factures des prestations de services réalisées par ces tiers. ;
Considérant que par une première convention signée le 31 juillet 2001, la société SARIA INDUSTRIES et l'Etat ont fixé les modalités financières de l'élimination de farines animales ; que selon les termes mêmes de l'article 4 de cette convention, la requérante assurait l'élimination des farines dans des cimenteries situées en Belgique et pouvait, dès lors, prétendre à une indemnisation suivant le barème de l'annexe II du décret n°2001-231 du 16 mars 2001 ; que cette convention n'a pu être exécutée à la suite de l'opposition des autorités belges ; que la convention litigieuse, signée le 19 septembre 2001, ne fait que reprendre les termes de la première convention en remplaçant les cimenteries situées en Belgique par des cimenteries situées en France ; que, toutefois, alors que le barème de l'annexe II du décret du 1er décembre 2000 modifié par le décret du 16 mars 2001 avait été modifié par le décret du 31 juillet 2001, il ressort des termes comparés des deux conventions que l'Etat a omis de modifier le barème de référence applicable ;
Considérant que si le prix fixé par la convention a un caractère définitif qui s'oppose en principe à toute modification unilatérale, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où, comme en l'espèce, il s'agit d'une erreur purement matérielle ; que la société SARIA INDUSTRIES ne peut se prévaloir d'une erreur qui porte sur le tarif réglementaire régulièrement publié à la date de la signature de la convention et qu'elle ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel averti ;
Considérant que si la société SARIA INDUSTRIES soutient que l'Etat aurait entendu lui accorder le bénéfice d'un barème spécifique plus favorable pour tenir compte de la situation exceptionnelle de la région Alsace, il résulte de l'intitulé même de la convention litigieuse qu'elle a été prise pour l'indemnisation des entreprises productrices de farine en application des décrets n°2000-1166 du 1er décembre 2000 et n° 2001-231 du 16 mars 2001 ; qu'elle ne peut, dès lors, pas présenter un caractère singulier dérogatoire au cadre règlementaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la volonté des parties au contrat était d'assurer l'élimination des farines animales en contrepartie de l'indemnisation réglementaire ; que, par suite, l'erreur matérielle que comporte la convention conclue le 19 septembre 2001 doit être corrigée ; que dès lors, en faisant application du barème résultant du décret du 31 juillet 2001, l'Etat a exécuté les stipulations contractuelles ; qu'ainsi, la société SARIA INDUSTRIES n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement contractuel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SARIA INDUSTRIES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société SARIA INDUSTRIES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SARIA INDUSTRIES et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Copie sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
''
''
''
''
2
08NC00049