Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2010, présentée pour M. Azzedine A, demeurant ..., par Me Hartmann, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801633 en date du 26 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral et matériel résultant pour lui du manque de diligence des services de la préfecture de Meurthe-et-Moselle dans les opérations de vérification préalables à l'établissement de documents d'identité ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
M. A soutient que :
- deux pièces d'identité ont été délivrées à son nom, en 1997 et 2001, à deux personnes différentes, sans qu'aucun contrôle ne soit effectué, alors qu'il disposait d'une carte d'identité délivrée par le consulat général de France à Annaba le 12 juillet 1993, renouvelée le 21 octobre 2002 ;
- sa première plainte n'a été déposée que le 6 janvier 2003, car ce n'est qu'à partir de cette date qu'il a commencé à subir les préjudices liés à ces délivrances (interdictions bancaires, demandes de remboursement) ;
- il a subi un préjudice moral et matériel résultant pour lui du manque de diligence des services de la préfecture de Meurthe-et-Moselle dans les opérations de vérification préalables à l'établissement de documents d'identité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales conclut au rejet de la requête au motif qu'elle est irrecevable, n'étant qu'un courrier adressé à son avocat qui l'a contresigné et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret modifié n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :
- le rapport de M. Luben, président,
- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,
-et les observations de Me Hartmann, avocat de M. A ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt de mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ;
Considérant que la requête de M. A est constituée par la lettre que celui-ci a envoyée à son avocat et que ce dernier a contresignée et a adressée à la Cour ; que, dans ledit courrier, M. A demande à son avocat d'interjeter appel auprès de la Cour et critique le jugement attaqué en soutenant que les services préfectoraux chargés de la délivrance des cartes nationales d'identité ont commis des fautes en ne vérifiant pas à deux reprises les déclarations des personnes ayant usurpé son identité, en rappelant les différents préjudices qu'il a subis du fait de ces fautes à partir de 2003 ; que, dans ces conditions, ladite requête doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement critiqué et comme reprenant les conclusions indemnitaires présentées en première instance ; que, par suite, elle est recevable au regard des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, dans sa rédaction issue du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 : Il est institué une carte nationale certifiant l'identité de son titulaire. Cette carte a une durée de validité de dix ans. / La carte nationale d'identité mentionne : / 1° Le nom patronymique, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la taille, la nationalité, le domicile ou la résidence de l'intéressé ou, le cas échéant, sa commune de rattachement, et, si celui-ci le demande, le nom dont l'usage est autorisé par la loi ; / 2° L'autorité de délivrance du document, la date de celle-ci, sa durée de validité avec indication de sa limite de validité, le nom et la signature de l'autorité qui a délivré la carte ; / 3° Le numéro de la carte. / Elle comporte également la photographie et la signature du titulaire. ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge par les préfets et sous-préfets à tout Français qui en fait la demande dans l'arrondissement dans lequel il est domicilié ou a sa résidence (...). Elle est renouvelée dans les mêmes conditions. / A l'étranger, elle est délivrée ou renouvelée par les agents diplomatiques et consulaires aux Français immatriculés dans leur circonscription. (...) ; qu'aux termes de l'article 4 dudit décret : Par dérogation aux dispositions du décret n° 53-914 du 26 septembre 1953, la carte nationale d'identité n'est délivrée ou renouvelée que sur production d'extraits authentiques d'actes de l'état civil, qui seront précisés par arrêté. / La preuve de la nationalité française du requérant est établie à partir des actes de l'état civil visés à l'alinéa précédent, portant, le cas échéant, en marge, l'une des mentions prévues à l'article 28 du code civil. / Lorsque les actes de l'état civil visés au deuxième alinéa ne suffisent pas, par eux-mêmes, à établir la qualité de Français du requérant, celle-ci pourra être établie par la production de l'une des pièces justificatives de la nationalité mentionnées aux articles 34 et 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié ou d'un certificat de nationalité française. / Sont également produites à l'appui de la demande de carte nationale d'identité deux photographies de face, tête nue, de format 3,5 x 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une carte nationale d'identité a été délivrée par le consulat général de France d'Annaba le 12 juillet 1993 à M. Azzedine A, renouvelée le 21 octobre 2002 ; qu'une autre carte nationale d'identité a été demandée le 2 juin 1997 et délivrée le 1er juillet 1997 par la préfecture de Meurthe-et-Moselle à un individu se prétendant être M. A ; qu'une autre carte nationale d'identité a été demandée le 1er mars 2001 et délivrée par la préfecture de Meurthe-et-Moselle à un individu se prétendant être M. A, différent de celui à qui une carte nationale d'identité avait été délivrée le 1er juillet 1997, qui prétendait avoir perdu sa carte nationale d'identité ; que si, en 1997 et en 2001, les deux individus se prétendant être M. A ont produit à l'appui de leurs demandes des documents d'état-civil (extrait de naissance) de nature à abuser l'administration préfectorale, il appartenait d'une part à celle-ci, en 1997, dès lors qu'une première carte nationale d'identité avait été délivrée à l'intéressé le 12 juillet 1993 par le consulat général de France d'Annaba, qui n'était donc pas périmée et dont il n'était pas allégué qu'elle aurait été perdue, pour le moins de demander au pétitionnaire les raisons pour lesquelles il sollicitait la délivrance d'une nouvelle carte moins de quatre ans après la délivrance de la première ; que, par ailleurs, si la photographie produite par le demandeur en 2001 présentait une très légère ressemblance physique avec celle de l'individu ayant sollicité une carte en 1997, elle ne permettait toutefois pas de confondre les deux individus ; qu'il ressort de l'ordonnance de non-lieu du 20 avril 2007 du juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Nancy que le responsable du bureau délivrant les cartes nationales d'identité de la préfecture de Meurthe-et-Moselle a été entendu lors de l'enquête de police et a reconnu que, s'agissant de la délivrance de deux cartes d'identité en 1997 et 2001 au nom d'Azzedine A, les vérifications des photographies des demandeurs n'avaient peut-être pas été assez approfondies ; que, par suite, tant en 1997 qu'en 2001, un défaut de vigilance dans l'instruction des demandes de cartes nationales d'identité doit être imputé à faute à l'administration préfectorale, de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur les préjudices :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, si M. A soutient qu'il a subi des préjudices matériels consistant en des demandes de remboursement émanant du Trésor public et de la caisse d'allocation familiales de Meurthe-et-Moselle, il n'établit pas qu'il ait dû acquitter ces sommes une fois prouvée son identité et l'absence de lien entre les sommes réclamées et lui-même ; qu'il s'en suit qu'il n'est pas fondé à demander à être indemnisé d'un préjudice matériel ; que, d'autre part, la double usurpation d'identité dont il a été victime a été à l'origine de troubles dans ses conditions d'existence, liés notamment à la nécessité de porter plainte, d'être auditionné lors de l'enquête par les services de police, d'établir qu'il n'était pas responsable des chèques sans provision qui avaient été émis à son nom comme au caractère tardif de l'ouverture d'un compte bancaire à son nom dès lors qu'il était inscrit au fichier central de la Banque de France depuis le 23 octobre 2002, la levée d'interdiction bancaire n'étant effectuée que le 3 juillet 2007, et d'un préjudice moral, dont il sera fait une juste indemnisation en les évaluant à la somme de 3 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 26 février 2010, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 26 février 2010 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 3 000 € (trois mille euros).
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Azzedine A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 10NC00644