Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2010, présentée pour M. Alseny Galle A, demeurant ..., par Me Jeannot ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002517 en date du 25 mai 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 mai 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, son avocat s'engageant, dans cette hypothèse, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat ;
Il soutient que :
- la décision attaquée est signé par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il produit un acte de naissance, dont l'authenticité n'est pas remise en cause, démontrant qu'il est mineur et que les résultats de son examen osseux ne sont pas fiables ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa sécurité n'étant plus assurée suite à l'assassinat de son père, il a fui la Guinée en vue d'obtenir l'asile ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, en date du 17 septembre 2010, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour ;
- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public;
- et les observations de Me Jeannot, avocat du requérant ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1°L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ;
Considérant que M. A, ressortissant guinéen, s'est présenté spontanément au commissariat de Grenoble le 14 mai 2010, qu'il a déclaré être mineur et a présenté un extrait d'acte de naissance original comportant la signature du déclarant, de l'officier d'état civil et muni d'un tampon officiel ; que si le préfet se prévaut des résultats d'un examen osseux pratiqué le 18 mai 2010 selon lesquels l'âge osseux de M. A est supérieur à 18 ans, il ressort des pièces du dossier qu'un nouvel examen osseux a été pratiqué sur M. A à la demande du juge des enfants et n'exclut pas la minorité de l'intéressé ; que son acte de naissance, qui contient les renseignements prévus à l'article 196 du code civil guinéen, est rédigé dans les formes usitées dans le pays où il a été dressé ; qu'en outre, par jugement du 29 juillet 2010, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 2 novembre 2010, le juge des enfants a confié M. A au service de protection de l'enfance ; que, compte tenu du caractère contradictoire des résultats des examens médicaux réalisés pour déterminer l'âge de M. A, le préfet ne peut être regardé comme apportant une contradiction sérieuse aux affirmations constantes de l'intéressé, qui sont étayées par la production de son acte de naissance et de son livret scolaire ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière et à invoquer la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 20 mai 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jeannot, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 mai 2010 et l'arrêté du préfet de l'Isère du 20 mai 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Jeannot une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alseny Galle A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Strasbourg.
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