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04/08/2011 | FRANCE | N°10NC01167

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 août 2011, 10NC01167


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, complétée par des mémoires enregistrés les 12 mai 2011 et 27 juin 2011, présentée pour M. Dogan A, demeurant ..., par Me Goerké, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0603733 du 18 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Wintzenheim à lui verser la somme de 3 094 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2005 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner ladite commune à lui verser la somme de 3 588 eu

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Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, complétée par des mémoires enregistrés les 12 mai 2011 et 27 juin 2011, présentée pour M. Dogan A, demeurant ..., par Me Goerké, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0603733 du 18 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Wintzenheim à lui verser la somme de 3 094 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2005 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner ladite commune à lui verser la somme de 3 588 euros au titre des frais d'architectes vainement exposés, la somme de 57 075,50 euros au titre des travaux d'enrochement vainement exposés, la somme de 105 291,51 euros au titre du préjudice résultant de la privation de ses biens du fait des travaux effectués en application du permis de construire illégal et la somme de 15 250 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence subis du fait de la délivrance du permis de construire illégal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Wintzenheim le paiement d'une somme de 2 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les honoraires d'architectes, exposés en pure perte, ouvrent droit à réparation à hauteur de 3 588 euros ; s'il n'a pas réglé la totalité de la somme, comme il ressort de la facture, le solde reste dû et entre comme dette dans son patrimoine ; cette dette doit être prise en compte dans l'indemnisation du préjudice subi ;

- il a effectué un certain nombre de travaux de démolition et d'enrochement, entre la déclaration d'ouverture des travaux et l'intervention de l'arrêté du maire de la commune de Wintzenheim ordonnant l'interruption des travaux entrepris, soit entre le 1er et le 8 août 2005 ; ces travaux effectués en pure perte s'élèvent à la somme de 57 075,50 euros, comme il l'établit par une facture en date du 22 août 2005 ;

- il a dû faire remettre en état le terrain pour une somme totale de 105 291,51 euros, qu'il établit (86 088 euros au titre du démontage du mur en enrochement et de la remise en place des remblais, 5 831,83 euros au titre de la remise en place de la végétation, 9 269 euros au titre de la reconstruction du cabanon démoli, 2 990 euros au titre de la remise en état du site et 1 112,68 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre pour la préparation de la remise en état du site) ;

- la demande d'indemnisation à hauteur de 15 250 euros du préjudice résultant du fait que le programme immobilier qu'il pensait réaliser n'a pu l'être doit être interprétée comme tendant à l'indemnisation des troubles de toute nature, y compris les préjudices moral et esthétique, subis dans ses conditions d'existence du fait de la délivrance d'un permis de construire illégal ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2010, présenté pour la commune de Wintzenheim, par la SELARL Soler-Couteaux/Llorens, avocats, qui conclut à titre principal au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et, par la voie du recours incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qui concerne l'indemnisation des frais d'architecte, à titre subsidiaire à ce que l'Etat la garantisse des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre et, en outre, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les prétentions du requérant ne sont pas fondées, les frais d'architecte ayant été nécessairement exposés en vue de l'obtention du permis de construire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2011, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2011 :

- le rapport de M. Luben, président,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Goerke, avocat de M. A, ainsi que celles de Me Portelli, avocat de la commune de Wintzenheim ;

Sur la responsabilité de la commune de Wintzenheim :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 12 mai 2005, le maire de la commune de Wintzenheim a accordé, au nom de la commune, à M. Dogan A un permis de construire en vue d'édifier deux maisons d'habitation jumelées ; que, par deux arrêtés du 8 août 2005, devenus définitifs, le maire de Wintzenheim a, d'une part, après avoir invité le pétitionnaire à formuler des observations, procédé au retrait du permis de construire précité au motif qu'il méconnaissait les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, adopté le 20 janvier 2005, et relatives à la zone UC et, d'autre part, ordonné l'interruption des travaux entrepris ; que M. A demande réparation de son préjudice résultant de ces décisions ;

Considérant qu'il est constant que le permis de construire délivré le 12 mai 2005 à M. A était illégal ; que, dès lors, l'illégalité de cette décision engage la responsabilité pour faute de la commune de Wintzenheim à l'égard de M. A qui est, par suite, fondé à demander réparation du préjudice direct et certain qui en est résulté pour lui ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Wintzenheim, la circonstance que M. A a, ainsi qu'il résulte de la déclaration d'ouverture de chantier produite, commencé les travaux dès le 1er août 2005, alors même que le délai de quatre mois pendant lequel le permis de construire accordé pouvait être retiré pour illégalité n'était pas expiré, ne saurait être regardée comme une faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que si M. A demande l'indemnisation, à hauteur de 3 588 euros, des honoraires d'architecte qu'il soutient avoir exposés en pure perte, ces honoraires correspondent à une prestation qui a été effectuée antérieurement à la délivrance du permis de construire illégal le 12 mai 2005 ; qu'il s'en suit qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ladite illégalité fautive et le préjudice allégué ; que, par suite, la commune de Wintzenheim est fondée, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à ce titre à M. A la somme de 3 094 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A produit deux factures, en date du 22 août 2005, émanant de la société Cailloux et Co , portant toutes deux le n° 0024, d'un montant de 57 075,50 euros pour l'une et de 12 132,50 euros pour l'autre, cette dernière portant la mention payé le 15 avril 2010 , afférentes à des travaux de réalisation de murs de soutènement en blocs d'enrochement, à la fourniture et à la mise en place de concassé et à un transfert d'engin réalisés à la suite de la délivrance illégale du permis de construire du 12 mai 2005, il ne justifie toutefois pas, ni en première instance ni en appel, malgré la demande qui lui en a été faite, avoir effectivement acquitté l'une de ces factures par la présentation de l'original de la facture portant la mention payé pour une somme de 12 132,50 euros ou par tout autre moyen probant ; que, par suite, M. A ne peut être regardé comme établissant le caractère certain dudit préjudice ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A allègue un préjudice lié, d'une part, au coût du démontage du mur en enrochement, de l'apport de remblais, de la fourniture de terre végétale et de la réalisation d'un mur en béton armé pour un montant total de 86 088 euros et, d'autre part, à la remise en état de la végétation préexistante pour un montant de 5 831,83 euros et enfin aux frais liés à la remise en état du terrain pour un montant de 2 990 euros ; qu'outre la circonstance qu'il n'est pas établi que l'intégralité desdits préjudices découle de la délivrance illégale du permis de construire en date du 12 mai 2005, M. A se borne à produire, en première instance comme en appel, respectivement un devis de la société Cailloux et Co du 8 octobre 2005 pour le premier préjudice allégué et un devis estimatif de la société Paysage Pépinière Alfred Gilg du 8 novembre 2005, sans établir avoir effectivement fait réaliser, et a fortiori payé, les travaux décrits dans lesdits devis ; que si M. A demande l'indemnisation des honoraires de maîtrise d'oeuvre afférents à la remise en état du terrain, il n'établit ni en première instance ni en appel que la note d'honoraires de M. Jacques Barthet en date du 7 décembre 2005 ait été réglée par ses soins ; que, par suite, les premiers juges ont, à bon droit, écarté l'indemnisation de ces chefs de préjudice ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la reconstruction d'un cabanon, démoli sur le fondement d'un permis de démolir accordé du 30 octobre 2003, à la supposer même établie, est sans lien direct avec le permis de construire illégalement délivré le 12 mai 2005 ; qu'ainsi, M. A, qui ne produit en tout état de cause qu'un devis estimatif lié au coût de la reconstruction du cabanon dont s'agit, ne peut prétendre à être indemnisé au titre de ce chef de préjudice ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A, du fait de la délivrance illégale du permis de construire du 12 mai 2005, a subi dans ses conditions d'existence des troubles dont il sera fait une juste appréciation en les fixant à la somme de 2 000 euros ;

Sur les conclusions de l'appel en garantie de l'Etat formées par la commune de Wintzenheim :

Considérant que les conventions de mise à disposition des services de l'Etat, conclues à titre gratuit et à la demande des communes pour l'instruction des autorisations et actes relatifs à l'occupation du sol, n'ont pas le caractère des contrats de louage d'ouvrage dont l'inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dans les conditions de droit commun ; que les services de l'Etat mis à disposition agissant dans le cadre de ces conventions en concertation permanente avec le maire, qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées, en vue de l'exercice de compétences d'instruction et de décision qu'il conserve, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à ce titre qu'en cas de refus ou de négligence d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que la convention conclue le 20 juin 2004 entre l'Etat et la commune de Wintzenheim de mise à disposition des services de l'Etat a été conclue à titre gracieux et ne contient aucune stipulation relative à la responsabilité éventuelle de l'Etat ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction qu'un agent de l'Etat aurait commis une faute de cette nature, dans le cadre du concours que les services de la direction départementale de l'équipement du Haut-Rhin lui ont prêté en vue de la délivrance par le maire de l'arrêté litigieux du 12 mai 2005 ; que, par suite, les conclusions de la commune de Wintzenheim tendant à ce que l'Etat soit condamné à la garantir des sommes correspondant à la réparation qu'elle doit à M. A doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 3 094 euros que la commune de Wintzenheim a été condamnée à verser à M. A par le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 mai 2010 doit être ramenée à 2 000 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2005 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser respectivement à M. A et à la commune de Wintzenheim la charge des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 3 094 euros que la commune de Wintzenheim a été condamnée à verser à M. A par le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 mai 2010 est ramenée à 2 000 € (deux mille euros). Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 28 mars 2005.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 mai 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du requérant et de l'appel incident de la commune de Wintzenheim est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Dogan A, à la commune de Wintzenheim et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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N° 10NC01167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01167
Date de la décision : 04/08/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme. Permis de construire. Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : GOERKE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-08-04;10nc01167 ?
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