Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2011, présentée pour M. Sabrija A demeurant ..., par Me Bohner ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104338 en date du 2 septembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions du 29 août 2011 portant obligation de quitter le territoire, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Bohner en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Il soutient que :
* En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour qui doit être regardée comme présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa famille est intégrée en France depuis cinq ans et aurait de grandes difficultés à s'établir en Serbie ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que ses enfants sont intégrés dans le système scolaire français et que leur scolarité en Serbie est compromise ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il ne pourrait bénéficier d'un traitement régulier dans son pays d'origine et qu'il doit rester auprès de son épouse dont la grossesse est difficile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
* En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE dès lors que le risque de fuite étant défini de façon large, il est contraire à l'exigence de proportionnalité posée par la directive ;
- il ne présente pas de risque de fuite étant donné qu'il est hébergé au CADA depuis cinq ans avec sa famille, que ses enfants sont scolarisés et que son épouse est à un stade avancée de sa grossesse ;
* En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa famille, en raison de son origine rom, ne pourra pas mener une vie normale en Serbie ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, en date du 18 octobre 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire du préfet de Meurthe-et-Moselle, enregistré le 6 mars 2012, qui conclut au rejet de l'ensemble des conclusions de la requête ;
Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que :
* En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A n'a présenté aucune demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire ; il ne parle pas le français ; son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et la famille entière peut regagner son pays d'origine ;
- il n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dans la mesure où M. A et sa compagne sont en situation irrégulière ;
- M. A ne peut se prévaloir de l'état de grossesse de son épouse dont l'enfant doit à ce jour être né et il l'a invité à consulter un médecin agrée ;
- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
* En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 a correctement transposé la directive du 15 décembre 2008 et la situation de M. A est celle visée aux d) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le risque de fuite est établi dès lors que M. A a fait l'objet de trois mesures d'éloignement non exécutées ; celui-ci a utilisé une autre identité et ne produit aucun document d'identité correspondant au nom de A Sabrija ;
* En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- M. A, dont les demandes d'asile ont été rejetées par les instances compétentes, n'établit pas la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :
- le rapport de Mme Piérart, président de la Cour,
- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;
* En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Sur le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour :
Considérant que, si M. A soutient que c'est à tort que sa demande de titre de séjour n'a pas été regardée comme ayant été présentée au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " peut être délivrée pour des considérations humanitaires, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la demande de l'intéressé que le préfet ait méconnu le fondement de la demande ; que M. A, qui n'a produit à l'appui de sa demande de titre qu'une simple attestation selon laquelle il serait possible de le recruter dans l'hypothèse où un poste serait à pourvoir, ne peut se prévaloir d'une promesse d'embauche ; qu'il ne prétend pas par ailleurs solliciter son admission au séjour pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre litigieux aurait été pris sur un fondement juridique erroné ; que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour doit donc être écarté ;
Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que M. A, ressortissant serbe, entré irrégulièrement sur le territoire français en 2006, fait valoir que lui-même, son épouse enceinte et ses six enfants, scolarisés pour quatre d'entre eux, sont pleinement intégrés en France et que, du fait de leur appartenance à la communauté rom, ils ne pourraient mener une vie normale en Serbie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A s'est maintenu sur le territoire français en dépit de trois mesures d'éloignement sans jamais détenir de titre de séjour ; qu'en effet, à la suite du rejet initial de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, il a fait l'objet le 13 novembre 2006 d'un refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire ; qu'il s'est vu opposer un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français le 8 janvier 2008, dont la légalité a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de Nancy du 9 mai 2008 ; qu'enfin, un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière a été pris à son encontre le 4 mai 2010 ; que son épouse, également en situation irrégulière, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 14 janvier 2008 ; que M. A, qui ne s'exprime pas en français, ne dispose d'aucune ressource et réside avec sa famille dans un logement relevant de l'hébergement d'urgence, n'établit pas avoir d'attaches particulières en France ; que la scolarisation de ses enfants ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale de l'intéressé hors de France ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. A, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant :
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen susvisé repris en appel par M. A avec la même argumentation que celle développée devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique lié aux évènements subis lors de la guerre au Kosovo, il ne démontre pas par les pièces versées au dossier, et notamment par le seul certificat médical produit au demeurant postérieur à la décision litigieuse, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en outre, la circonstance que l'état de santé de son épouse est précaire en raison de sa grossesse difficile ne peut être utilement invoquée par le requérant ; qu'ainsi, M. A ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. A ;
* En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'incompatibilité des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les objectifs de la directive 2008/115/CE et de l'absence de risque de fuite repris en appel par M. A avec la même argumentation que celle développée devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
* En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales repris en appel par M. A avec la même argumentation que celle développée devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 août 2011 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sabrija A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 11NC01685