Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 mai 2011, présentée pour M. Didier D, domicilié ..., par Me Robert, avocat ; M. D demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800021 en date du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 octobre 2007 par lequel le préfet de la Marne a autorisé le changement de destination des terres cadastrées section YL N° 9 à La Veuve, classées en zone NA du plan local d'urbanisme pour une superficie de 3 ha 70 a ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 12 avril 2000 et de la violation du principe général des doits de la défense alors que l'autorité administrative ne pouvait délivrer l'autorisation de résilier le bail rural sans avoir mis le preneur en mesure de présenter ses observations suite à la nouvelle demande ayant abouti à la décision du 8 octobre 2007 ;
- la décision porte une atteinte grave à l'équilibre de son exploitation alors que la commune n'est pas en mesure de proposer une compensation en superficie des terres en cause ;
- le préfet ne s'est pas prononcé sur l'opportunité du changement de destination alors que l'opération projetée bénéficiera aux consorts Secondé et non à la commune ;
- la commune ne s'est pas engagée à compenser la perte des terres en cause ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2012, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le requérant ne pouvait invoquer la violation des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- la demande présentée par les consorts Secondé ne saurait être regardée comme une demande nouvelle mais comme la suite de la procédure enclenchée par leur demande du 31 mars 2006 alors que le requérant a été régulièrement informé dès le 1er août 2005 de ce projet et qu'il a eu la possibilité d'émettre des observations ;
- le projet ne porte pas atteinte à l'équilibre économique de l'exploitation du requérant ;
- le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Vu l'ordonnance du 30 avril 2012 fixant la clôture de l'instruction au 4 mai 2012 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2012 :
- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-32 du code rural : " Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. / En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative. / La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire, et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation. / Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué. / Le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation. Il ne peut être contraint de quitter les lieux avant l'expiration de l'année culturale en cours lors du paiement de l'indemnité qui peut lui être due, ou d'une indemnité prévisionnelle fixée, à défaut d'accord entre les parties, par le président du tribunal paritaire statuant en référé. " ;
Considérant que l'autorisation prévue par ces dispositions a pour effet de priver le preneur du droit d'exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination ; qu'avant de la délivrer, il appartient au préfet de s'assurer que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur ; que, conformément au principe général des droits de la défense, la décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure de présenter ses observations ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D a été informé de la demande d'autorisation de résiliation d'un bail portant sur une partie de la parcelle cadastrée YL n° 9, d'une surface de 3 ha 70 a, présentée le 31 mars 2006 par les consorts Secondé en vue de la réalisation d'un projet de lotissement ; qu'il a été en mesure de présenter ses observations devant la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux du 10 avril 2006 ; que le préfet de la Marne a, par arrêté du 18 mars 2006, rejeté la demande dont il était saisi au motif qu'il convenait de préserver l'équilibre économique de l'exploitation du fermier en place et que la commune de La Veuve ne pouvait rendre en compensation une superficie équivalente à exploiter à M. D ; que si, à la suite du rejet de cette première demande, les époux Secondé ont déposé, le 17 avril 2007, une nouvelle demande portant sur la même parcelle, assortie de l'engagement de la commune d'acheter une parcelle de terre d'une superficie équivalente destinée à être donnée à bail à M. D, il est constant que ce dernier n'a pas été informé de cette nouvelle demande et n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur les modifications apportées au projet ; que, par suite, il est fondé à soutenir que l'autorisation délivrée par le préfet est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 octobre 2007, par lequel le préfet de la Marne a autorisé le changement de destination des terres cadastrées section YL N° 9 à La Veuve, classées en zone NA du plan local d'urbanisme pour une superficie de 3 ha 70 a ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que M. D demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 17 mars 2011 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ensemble l'arrêté en date du 8 octobre 2007, par lequel le préfet de la Marne a autorisé le changement de destination des terres cadastrées section YL N° 9 à La Veuve, classées en zone NA du plan local d'urbanisme pour une superficie de 3 ha 70 a sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. D la somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier D et au ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
''
''
''
''
4
11NC00787