Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2007 sous le n° 07NC01272, complétée par mémoire enregistré le 6 juin 2008, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) LE CLIP, dont le siège est rue des Faines à Noidans-les-Vesoul (70000), par Me Di Dio ; la SARL LE CLIP demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501076 en date du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge, d'une part, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999, 2000 et 2001, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2001 par avis de mise en recouvrement du 1er octobre 2004, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure de contrôle de la billetterie dissimulait une vérification de comptabilité, ce qui a conduit à un détournement de procédure et à une méconnaissance des articles L. 26, L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales, en raison de l'absence de remise d'un avis de vérification et de la durée supérieure à 3 mois de la vérification de comptabilité ;
- l'article L. 48 du livre des procédures fiscales est méconnu pour les années 1998 à 2000, dès lors que les impositions recouvrées sont d'un montant différent de ceux indiqués dans la notification de redressements et dans la réponse aux observations du contribuable ;
- la comptabilité ne comportait pas de défauts suffisants pour justifier son rejet ;
- la reconstitution des recettes est erronée ;
- c'est à tort que l'administration a considéré qu'il y avait un changement d'activité et a remis en cause les reports déficitaires sur le fondement de l'article 221-5 du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2008, complété par des mémoires enregistrés les 17 avril et le 16 septembre 2008, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'administration n'a pas méconnu les articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales, dès lors que les opérations menées par les agents de la BCR ne peuvent être assimilées à un début de vérification de comptabilité ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 48 du livre des procédures fiscales est fondé pour l'exercice 2001, mais inopérant pour les exercices 1998, 1999 et 2000 ;
- la comptabilité de la société était irrégulière et non probante ;
- la société ne justifie pas du caractère exagéré de l'imposition ;
- c'est à juste titre que l'administration a remis en cause les reports déficitaires dès lors qu'il y a bien eu un changement d'activité ;
Vu l'arrêt n° 07NC01272 en date du 15 janvier 2009 par lequel la Cour a, d'une part, déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la SARL LE CLIP à concurrence d'une somme de 5 475 euros et déchargé dans cette mesure ladite société des compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1998, d'autre part, rejeté en son article 3 le surplus des conclusions de sa requête ;
Vu la décision n° 326616 du 5 octobre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'article 3 de l'arrêt susvisé de la Cour et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la Cour ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 7 février 2012, présenté pour la SARL LE CLIP, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que l'administration n'a jamais établi, ni même allégué, être en possession d'indices sérieux d'infraction à la législation relative à la billetterie lors de l'engagement de la procédure de contrôle prévue à l'article L. 26 du livre des procédures fiscales et qu'ainsi le détournement de procédure allégué est établi ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 15 mars 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et soutient en outre que :
- préalablement à l'engagement de leur contrôle au titre de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, les agents de l'administration avaient constaté, en fréquentant la discothèque, l'existence et l'utilisation d'un système informatisé de billetterie alors que ce système n'avait fait l'objet d'aucune déclaration de mise en service et que les billets édités à l'entrée de la discothèque n'étaient pas conformes ; que l'administration disposait ainsi d'ores et déjà de la certitude d'une infraction à la législation ;
- la circonstance que les opérations de contrôle diligentées en application de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales n'ont pas donné lieu à l'engagement de poursuites pénales n'est pas de nature à établir l'existence d'un détournement de procédure ;
- les critères tenant à l'absence de poursuites pénales ou de transmission de procès-verbaux au parquet et au défaut d'indices sérieux permettant de soupçonner l'existence d'infractions ne peuvent en tout état de cause établir un détournement de procédure qu'à l'égard des procédures ne revêtant pas un caractère fiscal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les éléments recueillis par les agents de la brigade de contrôle et de recherches pouvant ainsi être régulièrement utilisés pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires ; qu'ainsi le droit de contrôle prévu à l'article L. 26 du livre des procédures fiscales ne peut être regardé comme ayant fait l'objet d'un détournement de procédure au seul motif que les constatations relevées lors de sa mise en oeuvre ont été utilisées lors de la vérification de comptabilité ultérieure pour établir les impositions éludées ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 avril 2012, présenté pour la SARL LE CLIP, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient en outre qu'elle n'a en l'espèce commis aucune infraction à la législation sur la billetterie et n'a pas recouru à une billetterie informatisée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :
- le rapport de M. Vincent, président de chambre,
- et les conclusions de MmeGhisu-Deparis, rapporteur public ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de procédure et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après l'intervention, le 16 juin 2001, dans les locaux de la discothèque exploitée par la SARL LE CLIP, des agents de la brigade de contrôle et de recherches de la direction des services fiscaux de la Haute-Saône, sur le fondement de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, au titre du contrôle de l'application de la législation sur les contributions indirectes, ladite société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, laquelle s'est déroulée du 14 novembre 2001 au 13 février 2002 pour les années 1998 à 2000 et du 22 janvier 2002 au 13 février 2002 pour l'année 2001, à la suite de l'envoi d'avis de vérification respectivement les 26 octobre 2001 et 11 janvier 2002 ; qu'il ressort des notifications de redressements adressées à la contribuable les 12 et 16 avril 2002 que les constatations opérées par les agents de la brigade de contrôle et de recherches et consignées dans le procès-verbal précité ont été utilisées pour fonder le redressement du chiffre d'affaires " entrées " ; que si le contrôle opéré par les agents de la brigade de contrôle et de recherches a donné lieu à la constatation d'infractions à la réglementation consignées dans un procès-verbal établi le 3 juillet 2001, ce procès-verbal n'a été suivi d'aucune poursuite pénale ni proposition de transaction avec la requérante ; que si le ministre soutient, dans le dernier état de ses écritures, par mémoire enregistré le 15 mars 2012, que le service compétent aurait préalablement disposé d'indices d'infraction à la législation sur les contributions indirectes de nature à motiver l'intervention des agents de la brigade de contrôle et de recherches dès lors que lesdits agents auraient auparavant fréquenté l'établissement en tant que clients et auraient à cette occasion constaté l'existence et l'utilisation d'un système informatisé de billetterie n'ayant pas fait l'objet de la déclaration requise en pareil cas, l'administration ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir d'informations que ses agents auraient recueillies à titre personnel ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que la procédure de contrôle prévue à l'article L. 26 du livre des procédures fiscales revête un caractère fiscal ne saurait de ce seul fait autoriser les agents de l'administration fiscale chargés des vérifications de comptabilité à utiliser les éléments recueillis par leurs collègues, dont ils ont eu connaissance par voie d'exercice de leur droit de communication, pour procéder au redressement des résultats imposables des entreprises ayant fait l'objet de tels contrôles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL LE CLIP est fondée à soutenir que les redressements litigieux dont elle a fait l'objet procèdent d'un détournement de la procédure de contrôle prévue à l'article L. 26 du livre des procédures fiscales en tant que les circonstances précitées doivent la faire regarder comme ayant eu pour seule fin de contrôler l'impôt sur les sociétés et les taxes sur le chiffre d'affaires dont elle est redevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL LE CLIP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge, d'une part, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999, 2000 et 2001, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2001 par avis de mise en recouvrement du 1er octobre 2004, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL LE CLIP et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 5 juillet 2007 est annulé.
Article 2 : La SARL LE CLIP est déchargée, d'une part, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999, 2000 et 2001, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2001 par avis de mise en recouvrement du 1er octobre 2004, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) à la SARL LE CLIP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LE CLIP et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.
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