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02/08/2012 | FRANCE | N°12NC00189

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 août 2012, 12NC00189


Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour Mme Nazlie B épouse A, domiciliée CIMADE 13 quai Saint Nicolas à Strasbourg (67000), par Me Chebbale ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104397-1104399 du 10 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 29 juin 2011, par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°)

d'annuler cet arrêté du préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lu...

Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour Mme Nazlie B épouse A, domiciliée CIMADE 13 quai Saint Nicolas à Strasbourg (67000), par Me Chebbale ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104397-1104399 du 10 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 29 juin 2011, par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jour à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Me Chebbale la somme de 2 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Mme A soutient que :

Sur le refus de séjour :

- la décision n'a pas été signée par une autorité compétente ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie par le préfet alors qu'elle remplit les conditions des articles L.313-11, 7° et 11° du CESEDA pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle établit que l'absence de soins en France pour le traitement de son affection psychiatrique aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- elle ne pourra être soignée dans son pays d'origine ;

- le fait de lui refuser le droit au séjour, pour elle-même, son époux et leur deux enfants, porte atteinte à ses droits au respect de sa vie privée et familiale ;

- il y a violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- il y a violation des dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle viole les dispositions des articles L.313-11 7° et L.511-4 10° du CESEDA ;

- il y a violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

Sur le pays de destination :

- elle risque, en cas de retour, en Serbie d'être soumise à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu, enregistré le 10 mai 2012, le mémoire présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- sa délégation de signature est limitée dans le temps et quant à son objet ;

- la commission de séjour n'avait pas à être consultée ;

- le maintien de l'appelante sur le territoire français n'est pas justifié par son état de santé et elle peut recevoir en Serbie les soins qui lui sont nécessaires ;

- l'appelante et sa famille ne sont pas dans une situation leur permettant de se réclamer des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article L.313-11 7° du CESEDA ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;

- la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de séjour et l'article 12 de la directive 2008/115/CE n'a pas été méconnu ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale au motif de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- aucun élément personnel particulier ne justifiait que le délai de 30 jours donné pour quitter le territoire français soit prolongé et il n'était pas tenu de consulter l'appelante sur la durée de ce délai ;

- la réalité des risques évoqués par Mme A en cas de retour en Serbie n'est pas établie ;

Vu, enregistré le 25 juin 2012, le nouveau mémoire présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date 19 janvier 2012, accordant à Mme A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller ;

Considérant que Mme A, ressortissante serbe, est entrée en France le 3 août 2009 accompagnée de son époux et de leurs deux enfants mineurs ; qu'après rejet de sa demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, elle a sollicité la délivrance d'une carte temporaire de séjour pour raison de santé ; que par arrêté en date du 29 juin 2011, le préfet du Bas-Rhin a refusé de la lui délivrer, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient Mme A, l'arrêté en date du 28 janvier 2011, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture du Bas-Rhin, qui donne délégation au secrétaire général pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, dispose que cette délégation est donnée jusqu'à cessation de ses fonctions et à l'exception des arrêtés de conflits ; qu'elle est ainsi limitée dans sa durée et son objet et n'est entachée d'aucune illégalité ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, qui ne comporte à cet égard aucune erreur de droit ou de fait, d'écarter les moyens de la requête tirés de ce que l'état de santé de Mme A nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, de ce que la décision de refus de séjour méconnaîtrait son droit au respect de sa vie privée et familiale, de ce que cette décision violerait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle comporterait sur sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Considérant, enfin, que compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le préfet du Bas-Rhin n'était pas tenu de soumettre le cas de Mme A à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision du 29 juin 2011, par laquelle le préfet du Bas-Rhin a fait obligation à Mme A de quitter le territoire français, doit être annulée comme dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant d'accorder un titre de séjour à l'intéressée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) " ; qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté en litige : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) / - refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 sont précises et inconditionnelles ; que, par suite, le délai de transposition de ladite directive ayant expiré le 24 décembre 2010, elles sont d'effet direct ; que les dispositions précitées de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec celles précitées du 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 et, qu'en conséquence, ces dispositions législatives doivent demeurer inappliquées ; que, toutefois, trouvent, dès lors, à s'appliquer les dispositions précitées des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, qui imposent la motivation des décisions refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou retirant un tel titre, mais également celles faisant obligation de quitter le territoire français, lesquelles constituent des mesures de police ; que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elles s'appliquent à une telle obligation, sont propres à assurer la transposition du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, et ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ce paragraphe, ce qui n'est au demeurant pas contesté ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dispositions légales au regard desquelles doit être apprécié le caractère suffisant ou non de cette motivation ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que, comme cela a été dit précédemment, Mme A ne pouvait se voir attribuer de plein droit une carte de séjour temporaire au titre de son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa " ; qu'aux termes du troisième alinéa du même I : " L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration " ;

Considérant que ces dispositions laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai d'un mois s'entend comme une période minimale de trente jours, telle que prévue par l'article 7 de la directive à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que les dispositions de l'article L. 511-1 ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont compatibles avec les objectifs des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ; que si la requérante fait valoir que le préfet aurait dû prolonger le délai de départ volontaire afin de tenir compte de ce que son époux bénéficiait d'une promesse d'embauche et de ce que leurs enfants étaient scolarisés, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier que Mme A aurait demandé une prolongation au préfet du Bas-Rhin ; qu'elle n'établit d'ailleurs pas que le délai de départ volontaire d'un mois qui lui a été accordé n'aurait pas été approprié à sa situation à la date de la décision en litige alors qu'il est constant que le préfet du Bas-Rhin a procédé à un examen de sa situation personnelle ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requérante tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet du Bas-Rhin sous astreinte de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nazlie B épouse A et au ministre de l'intérieur.

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N° 12NC00189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00189
Date de la décision : 02/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : CHEBBALE ; CHEBBALE ; CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-08-02;12nc00189 ?
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