Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Brosseau, avocat ;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100416 en date du 10 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président de la Communauté de communes de Verdun en date du 18 février 2011 portant exercice du droit de préemption sur un immeuble situé 4 bis rue du Rû à Verdun ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler l'arrêté susmentionné du président de la Communauté de communes de Verdun en date du 18 février 2011 ;
3°) d'enjoindre à la Communauté de communes de Verdun de lui rétrocéder le bien préempté à un prix rétablissant les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;
4°) de mettre à la charge de la Communauté de communes de Verdun le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A...soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte a fait l'objet d'une dénaturation et n'a pas été examiné par le tribunal ; l'arrêté préfectoral du 18 août 2006 mentionné par le tribunal n'est pas visé par l'arrêté litigieux ; le tribunal n'a pas régulièrement répondu au moyen tiré de l'absence de projet correspondant aux objectifs visés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- la Communauté de communes de Verdun n'est en tout état de cause pas compétente pour exercer le droit de préemption en l'absence de texte lui attribuant cette compétence et en l'absence de toute zone d'aménagement concernant le bien en cause ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et le projet est insuffisamment précis, le jugement énonçant des objectifs de développement des loisirs et de sauvegarde du patrimoine bâti que l'arrêté ne comporte pas ; le projet est présenté comme s'inscrivant dans le cadre d'un projet plus global dont la poursuite est toutefois restée incomplète sinon lettre morte ;
- l'arrêté en date du 18 février 2011 est contradictoire avec la position affichée de la Communauté de communes de Verdun concernant sa politique d'aide financière au profit de la restauration du petit patrimoine privé alors que le projet de M. A...permet de créer des emplois et de restaurer le patrimoine en ouvrant l'immeuble au public, ce qui correspond également à la poursuite de l'intérêt général ; le projet de M. A...est plus approprié et plus abouti que celui de la Communauté de communes de Verdun ; l'arrêté en date du 18 février 2011 est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- l'immeuble litigieux est compris dans un plan de cession et le soustrait à l'exercice du droit de préemption au regard de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2013, présenté pour la Communauté de communes de Verdun, par Me Marty, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La Communauté de communes de Verdun soutient que le jugement n'est pas irrégulier et que le président de la Communauté de communes de Verdun était bien compétent pour exercer le droit de préemption litigieux au regard de la compétence déléguée par le conseil communautaire et des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme; l'arrêté est suffisamment motivé et le droit de préemption a été exercé conformément aux dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; le projet est réel est s'inscrivait dans une de politique générale de valorisation des bords de Meuse ; le projet répond à un intérêt général suffisant et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2013 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,
- et les observations de Me Conti, avocat de M. B...A..., ainsi que celles de Me Marty, avocat de la Communauté de communes de Verdun ;
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant qu'il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que les premiers juges aient omis de statuer sur l'un des moyens invoqués par M. A...ni qu'ils aient dénaturé les écritures du requérant ou insuffisamment motivé leur réponse auxdits moyens, notamment en ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte tel qu'il était articulé devant le Tribunal ; que les autres moyens invoqués par M. A...n'ayant pas trait à la régularité dudit jugement, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ce même jugement est entaché d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 18 février 2011 portant exercice du droit de préemption :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de la Communauté de communes :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale est compétent, de par la loi ou ses statuts, pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation de zones d'aménagement concerté, cet établissement est compétent de plein droit en matière de droit de préemption " ; qu'aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales : " I.-La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres, pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, des compétences relevant de chacun des deux groupes suivants : / 1° Aménagement de l'espace... " ; que l'arrêté du préfet de la Meuse du 18 août 2006 a confié à la Communauté de communes de Verdun, au titre de ses compétences obligatoires, l'" élaboration et la gestion de l'évolution du schéma de cohérence territoriale / [l']élaboration et [la] gestion de l'évolution du plan local d'urbanisme (PLU) intercommunal, [la] gestion et l'évolution des plans d'occupation des sols (POS) communaux en cours jusqu'à leur disparition. / [la] création et [la] réalisation de zones d'aménagement concerté (ZAC) " ; qu'il résulte de ces dispositions, lesquelles n'ont ni pour objet ni pour effet d'obliger une communauté de communes usant de son droit de préemption à inscrire le bien préempté dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté, que la Communauté de communes de Verdun est devenue compétente de plein droit en matière de préemption ; que le requérant ne peut pas utilement invoquer la circonstance, à la supposer établie, que la commune de Verdun n'aurait pas accepté de déléguer sa compétence à cet établissement public de coopération intercommunale ou que l'arrêté litigieux n'ait pas visé ni comporté les statuts de la Communauté de communes de Verdun ; que le moyen tiré de l'incompétence de la Communauté de communes aux fins de préempter l'immeuble litigieux ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
En ce qui concerne la régularité et le bien-fondé de l'exercice du droit de préemption par la Communauté de communes :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs (...) de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier si le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit ;
4. Considérant, en premier lieu, que, s'agissant du moyen tiré du défaut de motivation au regard des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et alors que l'arrêté en date du 18 février 2011 comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Nancy sur son argumentation de première instance ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ; qu'il en va de même du moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme , M. A...ne produisant aucun élément de nature à établir que le bien préempté était compris dans un plan de cession ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la Communauté de communes de Verdun a exercé son droit de préemption sur l'immeuble dénommé " Moulin l'Evêque ", ancien moulin utilisant l'eau de la Meuse jouxtant le canal des Augustins, dans le souci de préserver ce patrimoine bâti et de le réhabiliter afin d'y créer un lieu culturel d'exposition temporaire et de création artistique dans une zone accueillant déjà plusieurs bâtiments présentant un attrait architectural; que ce projet est ainsi au nombre des actions d'aménagement visées à l'article L.300-1 du code de l'urbanisme relatives notamment au développement des loisirs et du tourisme, et à la sauvegarde et mise en valeur du patrimoine bâti ; qu'il s'inscrit dans le cadre d'une politique communautaire visant à réorganiser et optimiser l'offre culturelle au sein de la ville de Verdun , laquelle a notamment été réaffirmée par une délibération du conseil communautaire du 18 mai 2009, la réhabilitation du " Moulin l'Evêque " ayant fait l'objet d'une note émise par la direction générale des services le 10 février 2011 à l'attention du président de la Communauté de communes de Verdun indiquant l'opportunité et les conditions de réalisation de cette opération de " réhabilitation de l'ancienne usine électrique en salle d'exposition temporaire et espace de création artistique " ; que M. A...n'est ainsi pas fondé à soutenir que la Communauté de communes de Verdun ne justifiait pas, à la date à laquelle la délibération litigieuse est intervenue, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
6. Considérant, en dernier lieu , qu'alors même que M.A..., acquéreur évincé, souhaitait proposer un projet créateur d'emplois et visant à restaurer le patrimoine tout en ouvrant l'immeuble au public et fait valoir que la communauté de communes poursuit également l'objectif de participer au financement de projets privés de réhabilitation du patrimoine, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la mise en oeuvre par la délibération litigieuse du droit de préemption vis-à-vis du " Moulin l'Evêque ", eu égard à la nature et à la situation de ce bien et pour un coût d'acquisition de 10 000 euros, ne répondrait pas à un intérêt général suffisant ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 10 juillet 2012, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 février 2011 ; que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent ainsi et par voie de conséquence qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Communauté de communes de Verdun qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. A...le paiement de la somme de 1 500 euros à la Communauté de communes de Verdun au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera à la Communauté de communes de Verdun une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la Communauté de communes de Verdun.
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