Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour la commune de Joeuf, représentée par son maire, par la SCP d'avocats Somlai-Jung et Iochum ;
La commune de Joeuf demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201340 du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 840 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2012 et de leur capitalisation, en réparation des dommages qu'elle estime avoir subis du fait des contraintes d'urbanisme restrictives fixées par le plan de prévention des risques miniers, en conséquence des activités minières précédemment exercées sur son territoire ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 840 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2012 et augmentée de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- par un arrêté préfectoral du 13 septembre 2006, elle a été soumise à un plan de prévention des risques miniers ayant eu pour effet de rendre inconstructible la quasi-totalité de son territoire ;
- les juges judiciaires ayant écarté la responsabilité de la société Lormines, dernier titulaire du titre minier, et les concessionnaires antérieurs ayant disparu, l'indemnisation de son préjudice doit être prise en charge par l'Etat au titre de la garantie prévue par l'article 75-1 du code minier ;
- l'étendue de son préjudice a été chiffrée de façon précise par l'expert judiciaire ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les contraintes d'urbanisme restrictives qui pèsent sur elle sont la résultante de l'exploitation minière antérieure, ce qui caractérise bien l'existence d'un lien de causalité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2013, présenté par le ministre du redressement productif, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la commune de Joeuf n'établit pas que les conditions d'application de l'article 75-1 du code minier sont remplies et qu'elle aurait entrepris toutes les actions amiables et juridictionnelles de nature à démontrer la défaillance des exploitants et du titulaire du titre minier ;
- la commune de Joeuf n'établit ni la réalité des préjudices qu'elle invoque ni l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les dommages allégués et l'exploitation minière ;
- l'indemnisation des contraintes urbanistiques découlant de l'adoption du plan de prévention des risques miniers ne peut, en vertu de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, donner lieu à aucune indemnisation car ce document vaut servitude d'utilité publique en matière d'urbanisme ;
Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 7 mai 2014, présenté pour la commune de Joeuf ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code minier ;
Vu le nouveau code minier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :
- le rapport de M. Pommier, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me Cassaro, avocat de la commune de Joeuf ;
1. Considérant que, par lettre du 3 août 1999, le préfet de Meurthe-et-Moselle a transmis au maire de Joeuf la carte des zones à risques hiérarchisés d'affaissement minier concernant le territoire communal et lui a indiqué que ce document sera pris en compte par les services de l'Etat chargés d'instruire les demandes d'autorisation d'urbanisme ; que, par un arrêté du 13 septembre 2006, le préfet a, en application de l'article 94 du code minier, prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risque miniers couvrant le territoire de la commune de Joeuf ; que ce plan approuvé par arrêté préfectoral du 24 novembre 2009 a pour effet de rendre inconstructible environ 80% du territoire de la commune de Joeuf ; que celle-ci, estimant avoir subi de ce fait des pertes de recettes fiscales et une atteinte à son image, qu'elle a chiffrés à la somme de 840 000 euros, en a demandé réparation à l'Etat, sur le fondement du principe posé par l'article 75-1 du code minier repris à l'article 155-3 du nouveau code minier, après avoir recherché vainement la responsabilité du dernier titulaire du titre minier devant les tribunaux judiciaires ; qu'elle relève appel du jugement du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 75-1 du code minier, repris aujourd'hui à l'article 155-3 du nouveau code minier : " L'explorateur ou l'exploitant, ou à défaut le titulaire du titre minier, est responsable des dommages causés par son activité. Il peut toutefois s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d'une cause étrangère. Cette responsabilité n'est pas limitée au périmètre du titre minier ni à la durée de validité du titre. En cas de disparition ou de défaillance du responsable, l'Etat est garant de la réparation des dommages mentionnés au premier alinéa ; il est subrogé dans les droits de la victime à l'encontre du responsable " ; qu'aux termes de l'article 94 du code minier, dont les dispositions sont reprises à l'article 174-5 du nouveau code minier : " L'Etat élabore et met en oeuvre des plans de prévention des risques miniers, dans les conditions prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-7 du code de l'environnement, relatifs aux plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces plans emportent les mêmes effets que les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Toutefois, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ne leur sont pas applicables " ;
3. Considérant que les préjudices dont la commune de Joeuf demande à être indemnisée par l'Etat ne procèdent pas directement de l'exploitation minière et ne peuvent être regardés, comme le seraient des dommages matériels causés à des immeubles après affaissements ou accidents miniers, comme entrant dans le champ d'application de l'article 75-1 du code minier ; qu'en effet, les préjudices qu'elle invoque et qui résultent de l'inconstructibilité de la majeure partie de son territoire trouvent leur origine dans l'édiction de la carte de hiérarchisation des risques d'affaissement minier puis du plan de prévention des risques miniers ; que la circonstance que ces documents aient été élaborés et mis en oeuvre en raison des risques découlant de l'exploitation qui a été faite par le passé du sous-sol du territoire communal dans le cadre de concessions minières ne peut faire regarder les restrictions apportées au droit de construire au vu de cette carte puis les règles d'inconstructibilité instituées par ce plan de prévention comme un dommage causé par l'exploitant ou le titulaire du titre minier, au sens des dispositions de l'article 75-1 du code minier ; qu'ainsi et en tout état de cause, la commune de Joeuf n'est pas fondée à se prévaloir de la garantie de l'Etat prévue en cas de disparition ou de défaillance de l'exploitant ou du titulaire du titre minier par les dispositions de l'article 75-1 du code minier afin d'obtenir réparation desdits préjudices ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Joeuf n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Joeuf est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Joeuf, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
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N° 13NC01129