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30/12/2014 | FRANCE | N°14NC00712

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2014, 14NC00712


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée pour Mme A...E..., M. C... E..., M. B...E...et M. F...E..., demeurant..., représentés par MeD... ;

Mme E...et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704333 du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait des fautes commises par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville lors de la prise en charge de la grossesse de Mme E...au cours de l'année 1978 ;

2°) de

condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser :

- à chac...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée pour Mme A...E..., M. C... E..., M. B...E...et M. F...E..., demeurant..., représentés par MeD... ;

Mme E...et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704333 du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait des fautes commises par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville lors de la prise en charge de la grossesse de Mme E...au cours de l'année 1978 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser :

- à chacun des épouxE..., parents de Mourad, la somme de 50 000 euros, au titre du préjudice moral et du préjudice d'accompagnement ;

- à M. F...E..., frère de Mourad, la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

Ils soutiennent que :

- la prescription quadriennale ne peut leur être opposée dès lors qu'ils pouvaient légitimement ignorer l'existence de leur créance ;

- les premiers juges ne pouvaient estimer que le dommage était consolidé en 1991, alors que la maladie de Mourad n'a cessé d'évoluer dans le temps, et en déduire que leur action était prescrite ;

- le consulat français d'Alger les a informés, en 1982, de la nécessité d'attendre la majorité de Mourad avant d'intenter un recours, ce qu'ils n'ont matériellement pas pu faire compte tenu des évènements tragiques se déroulant à l'époque en Algérie, cette circonstance devant être regardée comme un cas de force majeure au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;

- le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a commis des erreurs en ne diagnostiquant pas, au cours de sa grossesse, l'état rubéolique de MmeE..., ou, à tout le moins, en ne l'informant pas du risque qu'elle puisse contracter la maladie, les privant ainsi de la possibilité de mettre fin à cette grossesse ;

- compte tenu de l'absence totale d'autonomie de leurs fils, les parents de Mourad sollicitent le versement d'une somme de 50 000 euros chacun au titre de leurs préjudices professionnel et moral ;

- Sofiène, frère aîné de Mourad, s'occupe quotidiennement de celui-ci, ce qui a de nombreuses incidences sur sa vie privée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2014, présenté pour le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, par MeG..., qui conclut au rejet de la requête ;

Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville soutient que :

- la prescription décennale issue de la loi du 4 mars 2002 ne s'applique pas aux créances déjà prescrites à l'entrée en vigueur cette loi ;

- les requérants ne pouvaient ignorer l'existence de leur créance dès la naissance de leur enfant et, au plus tard, en 1982 lorsqu'ils ont pour la première fois cherché à engager la responsabilité de l'administration ;

- l'allégation selon laquelle le consulat de France en Algérie leur aurait délivré une information erronée en 1982 n'est pas établie ;

- outre qu'il n'est pas établi que le consulat de France aurait eu une activité réduite en 1996, ces circonstances ne sauraient être regardées comme un cas de force majeure susceptible d'interrompre le cours de la prescription quadriennale ;

- il est acquis que l'état de Mourad était consolidé en 1991, ce qui ne saurait être remis en cause au regard de la seule attestation établie par le docteur Mellah, cette date constituant le point de départ du délai de la prescription quadriennale ;

- le lien de causalité entre le défaut d'information allégué et le préjudice subi en raison de l'impossibilité d'interrompre en temps utile la grossesse n'est pas établi, dans la mesure où la requérante ne se trouvait pas dans l'un des cas prévu légalement pour une interruption thérapeutique de grossesse ;

- le caractère hautement improbable d'une interruption de la grossesse de Mme E...ne pourrait conduire à une indemnisation du préjudice moral des époux que sur la base d'un très faible taux de perte de chance ;

- les préjudices d'agrément et professionnels ne pourront être indemnisés faute d'être établis ;

- les préjudices de M. F...E...ne sont pas établis ;

Vu les pièces, dont il résulte que la requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle, laquelle n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

1. Considérant que, le 4 décembre 1978, Mme E...a donné naissance à un fils, Mourad, qui est affecté de très graves malformations consécutives à son atteinte, in utero, par le virus de la rubéole ; que M. B...E...et ses parents, Mme A...E...et M. C...E..., ainsi que M. F... E..., son frère ainé, relèvent appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'indemnisation des préjudices subis, qu'ils imputent à une erreur de diagnostic prénatal, en retenant le moyen de défense tiré de la prescription quadriennale opposé par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise daté du 15 novembre 2012, que tous les examens médicaux obligatoires ont été réalisés au cours de la grossesse de MmeE... ; que lors de son premier rendez-vous de suivi de sa grossesse au centre hospitalier universitaire de Lyon, le 26 avril 1978, la sérologie de rubéole pratiquée, ni aucun autre élément ne permettait de craindre sérieusement une atteinte par cette maladie ; qu'alors qu'un contrôle sérologique était néanmoins recommandé dans un délai de quinze jours, plus de sept semaines se sont écoulées avant que MmeE..., qui avait entre-temps déménagé, ne se rende au centre hospitalier régional de Metz-Thionville dans le cadre du suivi de sa grossesse ; que si aucune nouvelle sérologie n'a alors été pratiquée, il résulte de l'instruction qu'à cette date, un second dosage des anticorps n'aurait pas permis de détecter une atteinte par le virus de la rubéole ; qu'en outre, la patiente n'avait pas connu d'éruption cutanée suspecte, ni fait mention d'un possible contact avec une personne contagieuse ; que si les requérants soutiennent que les échographies pratiquées présentaient des anomalies qui auraient dû alerter les médecins en charge du suivi de MmeE..., ces allégations ne sont pas établies ; que, dès lors, aucune erreur de diagnostic prénatal ne peut être imputée au centre hospitalier régional de Metz-Thionville quant à l'éventuel risque d'atteinte foetale par le virus de la rubéole ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 162-12 du code de la santé publique en vigueur au moment des faits : " L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins attestent, après examen et discussion, que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic " ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 2, que lors de la prise en charge de Mme E...au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, les examens pratiqués et les informations à disposition des personnels soignants ne permettaient pas d'établir l'existence d'une forte probabilité que l'enfant à naître fût atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ; qu'ainsi, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que le défaut d'information allégué relatif au risque d'atteinte par le virus de la rubéole les aurait privés d'une chance d'interrompre, pour des raisons thérapeutiques, la grossesse de MmeE... ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...E..., M. C... E..., M. B...E...et M. F...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., M. C... E..., M. B... E..., M. F...E..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville et à la caisse primaire d'assurance maladie de Metz.

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N° 14NC00712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00712
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MATHIEU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-30;14nc00712 ?
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