Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 4 127 667,95 euros, en réparation des préjudices subis du fait de la contamination par une infection nosocomiale lors de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Besançon le 19 août 2005.
Par un jugement n° 1101603 du 12 novembre 2013, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'ONIAM à verser à M. D...la somme de 1 300 173,74 euros en réparation de ses préjudices.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2014, et un mémoire, enregistré le 2 mars 2015, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2013 en ce qu'il a limité à 1 300 173,74 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM ;
2°) de porter cette somme à 4 127 667,95 euros ;
3°) d'ordonner une mesure d'expertise afin d'apprécier l'aggravation de son état de santé ;
4°) de surseoir à statuer sur le poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé futures ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en retenant une somme inférieure à celle proposée par l'ONIAM, le tribunal, qui était lié par les écrits du défendeur, a statué ultra petita ;
- en ce qui concerne le poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé futures, la cour devra surseoir à statuer dans l'attente de la production de factures acquittées pour certains appareillages ou, à défaut, prendre en compte pour le calcul de ces frais l'âge du requérant à la date de consolidation et fixer l'indemnité à la somme de 709 427,67 euros ;
- le prix de l'euro de rente doit être fixé en fonction du barème publié par la Gazette du Palais en 2011 ;
- les sommes suivantes devront lui être allouées : 2 389 462,20 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne, 908 940 euros au titre du préjudice personnel, 42 530,25 euros au titre de l'aménagement de son domicile, 27 307,43 euros au titre de l'aménagement de son véhicule et 50 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel ;
- l'aggravation de son état de santé justifie qu'une nouvelle expertise soit ordonnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me B..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'indemnité mise à sa charge n'excède pas la somme de 1 623 484,43 euros.
Il soutient que :
- pour fixer le montant de l'indemnisation, le tribunal n'était limité ni par l'offre émise dans le cadre de la procédure amiable, ni par les écrits présentés en défense ;
- en ce qui concerne les dépenses de santé futures, la somme de 439 207,97 euros apparaît justifiée et le prix de l'euro de rente viager doit être fixé à la date du devis ou de la facture et non à la date de consolidation ;
- le montant de 42 530,25 euros correspondant aux frais d'aménagement de son domicile n'est pas remis en cause par M.D... ;
- en ce qui concerne les frais d'aménagement de son véhicule, seul le surcoût de la boîte de vitesse automatique devrait être pris en compte, déduction faite de la valeur de revente du véhicule au moment de son remplacement ;
- le montant de l'indemnisation pour les frais d'assistance par une tierce personne ne pourront excéder 1 059 103,53 euros, déduction faite des allocations et aides perçues, soit une somme de 757 725,39 euros ;
- le préjudice professionnel sera réparé à hauteur de 341 432,07 euros et le prix de l'euro de rente ne sera pas viager mais temporaire, à l'âge de la retraite soit 65 ans ;
- la somme de 25 000 euros sera versée au titre du préjudice permanent exceptionnel.
Par une ordonnance du 23 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M.D....
1. Considérant que M.D..., né le 26 décembre 1983, a été victime le 19 août 2005 d'un accident domestique lui ayant causé des brûlures des deux mains, ainsi que de la partie supérieure de l'hémiface droit ; qu'il présentait une dégradation de son état général lors de son hospitalisation et a été diagnostiqué, le 6 septembre 2005, en état de choc septique, qui a entraîné dans les jours suivants la nécrose des extrémités de ses membres et un début de nécrose des tendons rotuliens ; qu'au cours des mois de septembre à novembre 2005, M. D...a été amputé des deux mains au niveau transmétacarpien et des deux membres inférieurs au niveau du tiers moyen ; que, par un premier avis du 10 novembre 2006, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a considéré que les dommages subis par le requérant étaient imputables à une infection nosocomiale rare due à l'effet d'une toxine sécrétée par un staphylocoque doré et que les préjudices en résultant étaient susceptibles d'ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale ; qu'après deux expertises, dont les rapports ont été déposés les 8 août 2006 et 27 novembre 2008, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a, par un second avis du 18 juin 2009, déterminé l'étendue des préjudices et transmis ces éléments à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) afin que celui-ci propose une indemnisation ; que deux protocoles transactionnels ont été signés le 14 mai 2007 portant sur une première indemnisation à hauteur de 118 062 euros ; que l'ONIAM, qui ne conteste pas l'imputabilité des préjudices subis par le requérant à l'infection nosocomiale dont celui-ci a été victime, ni l'obligation d'indemnisation qui lui incombe au titre de la solidarité nationale, a proposé le 9 septembre 2011 un dernier protocole transactionnel, pour un montant de 1 623 484,43 euros, lequel a été refusé par M. D...; que le requérant relève appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2013 en ce qu'il a limité à 1 300 173,74 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges n'étaient liés ni par la proposition d'indemnisation faite par l'ONIAM dans le cadre amiable, ni par la somme que l'office a indiqué, dans le cadre de ses écrits de première instance, être disposé à verser à l'intéressé en réparation des préjudices subis ; que le tribunal administratif n'a pas omis de se prononcer sur les conclusions présentées devant lui ; qu'ainsi, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une omission à statuer ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale complémentaire :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;
4. Considérant que M. D...sollicite l'organisation d'une nouvelle expertise afin que puisse être prise en compte l'aggravation récente de son état de santé ; que, par son mémoire enregistré le 2 mars 2015, il verse aux débats, pour la première fois en appel, un compte-rendu opératoire en date du 22 avril 2014 relatif à l'arthroplastie de resurfaçage de sa hanche gauche subie en raison d'une ostéonécrose de la tête fémorale, ainsi qu'un courrier d'un patricien hospitalier universitaire, exerçant au pôle de l'appareil locomoteur orthopédie et traumatologie du centre hospitalier régional universitaire de Lille, selon lequel l'ostéonécrose très avancée avec qualité osseuse médiocre dont souffre M. D... est " probablement due à un séjour, malheureusement très long en réanimation, avec les traitements toxi-choc syndrome qui ont probablement altéré la vascularisation de l'épiphyse distale " ; que, compte tenu de ces nouveaux éléments, l'état du dossier ne permet pas à la cour administrative d'appel de déterminer la date de consolidation, l'étendue de l'aggravation de l'état de santé de M. D...imputable à l'ostéonécrose constatée, ni si cette aggravation est ou non en lien avec l'infection nosocomiale contractée par l'intéressé ; que, dès lors, il y a lieu avant de statuer sur la requête d'ordonner une expertise médicale complémentaire ;
D E C I D E :
Article 1er : Avant de statuer sur la requête, il sera procédé à une expertise médicale complémentaire aux fins :
- de déterminer l'étendue de l'aggravation de l'état de santé de M.D..., en particulier en précisant si l'infection nosocomiale dont a été victime l'intéressé au cours du mois de septembre 2005 est à l'origine de l'ostéonécrose des hanches dont il souffre et dans quelle mesure cette pathologie entraîne une aggravation des préjudices de toute nature qu'il a subis ;
- de dire si l'état de santé de M. D...est consolidé et, le cas échéant, de fixer la date de consolidation ; de dire si l'état de santé de celui-ci est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration et, dans l'affirmative, de fournir toutes précisions utiles sur cette évolution et son degré de probabilité ; dans l'hypothèse où son état de santé ne serait pas consolidé, de fixer l'échéance à l'issue de laquelle cette consolidation pourra intervenir ;
- d'actualiser, le cas échéant, les conclusions des précédentes expertises, dont les rapports ont été déposés les 8 août 2006 et 27 novembre 2008 et de mettre à jour, notamment, les évaluations alors faites relatives aux prothèses et appareillages nécessaires à M.D... ;
- de fournir à la cour tout autre élément utile à la solution du litige.
Article 2 : L'expert sera désigné par la présidente de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant la présidente de la Cour. Il déposera son rapport dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
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N° 14NC00054