Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 2 février 2015 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 15000402 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2015, M.C..., représenté par
MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté doit être annulé en raison de l'erreur de droit commise par le préfet ;
l'avis recueilli par le préfet auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Champagne-Ardenne devait lui être communiqué ;
- le préfet a méconnu les stipulations des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français, privée de base légale, et la décision fixant le pays de destination seront annulées par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2015, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et demande à la cour de substituer les stipulations de l'article 3.2.3 précité de l'accord franco-capverdien aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cap Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé le 24 novembre 2008 et entré en vigueur le 1er avril 2011;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre.
1. Considérant que M.C..., ressortissant Cap-verdien, relève appel du jugement du 9 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2015 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que M. C...se borne à reprendre à l'identique, sans contester le bien-fondé de la réponse des premiers juges, le moyen tiré de ce que l'avis recueilli par le préfet auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Champagne-Ardenne devait lui être communiqué ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3.2.3. de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cap Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé le 24 novembre 2008 et entré en vigueur le 1er avril 2011 : " Un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée d'un an renouvelable est délivré à un ressortissant capverdien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire métropolitain de la France, de l'un des métiers énumérés en annexe II au présent accord sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) Le nombre de titre de séjour temporaires mentionnés au premier alinéa du présent paragraphe susceptible d'être délivré chaque année par la France à des ressortissants du Cap-Vert est limité à 500 " ; qu'aux termes de l'article 3.2.4. du même accord : " Les ressortissants cap-verdiens, qui ne pourraient bénéficier des dispositions prévues aux paragraphes 3.2.1. à 3.2.3 pour la seule raison d'un dépassement des contingents indiqués dans ces paragraphes, pourront toutefois bénéficier des dispositions de droit commun prévues par la législation française en matière d'immigration professionnelle " ; que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3.2.3. de l'accord entre la France et le Cap-Vert prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant cap-verdien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord précité ; qu'en faisant application de ses dispositions pour rejeter la demande de titre de séjour " salarié " de M.C..., sans examiner sa situation au regard des stipulations précitées, le préfet de la Marne a commis, comme l'ont relevé les premiers juges, une erreur de droit ;
5. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;
6. Considérant que l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 3.2.3 précité de l'accord franco-capverdien, qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en l'espèce, M. C...ne disposant pas d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente, il se trouvait dans la situation où, en application de l'article 3.2.3. de l'accord susvisé entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cap Vert, le préfet pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour ; que le préfet de la Marne aurait pris la même décision en examinant la demande de M. C...sur le seul fondement des stipulations de l'article 3.2.3 de l'accord franco-capverdien ; que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie alors qu'en outre, l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; qu'il s'ensuit que M. C...n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé doit être annulé pour erreur de droit ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que si M. C...se prévaut de sa présence en France depuis quatorze années, il n'en justifie cependant pas ; que, dans ces conditions, le préfet de la Marne n'a pas porté au droit de l'intéressé, célibataire, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale alors même que celui-ci a un fils de douze ans vivant en France ; que le préfet, qui a procédé à un examen particulier de la situation de M.C..., n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de l'intéressé ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen, très imprécis, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas plus articulé en appel qu'en première instance et ne peut dès lors qu'être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, que pour l'ensemble des motifs précédemment exposés, M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 15NC01519