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15/12/2016 | FRANCE | N°16NC00528

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 15 décembre 2016, 16NC00528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de Bulgnéville a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 8 août 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bulgnéville a retiré sa délibération du 4 septembre 2009 décidant de lui céder plusieurs parcelles de son domaine privé pour un euro symbolique.

Par un jugement n° 1402908 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à sa demande en prononçant l'annulation de la délibération du 8 août 2014.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de Bulgnéville a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 8 août 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bulgnéville a retiré sa délibération du 4 septembre 2009 décidant de lui céder plusieurs parcelles de son domaine privé pour un euro symbolique.

Par un jugement n° 1402908 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à sa demande en prononçant l'annulation de la délibération du 8 août 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars et 5 septembre 2016, la commune de Bulgnéville, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 février 2016 ;

2°) de rejeter la requête de la communauté de communes de Bulgnéville ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bulgnéville une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du 4 septembre 2009 n'a pas créé de droits au profit de la communauté de communes de Bulgnéville car la cession était, implicitement mais nécessairement, conditionnelle ;

- la délibération du 4 septembre 2009 pouvait être légalement retirée en l'absence de projet d'aménagement et d'implantation d'entreprises présenté par la communauté de communes de Bulgnéville.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2016, la communauté de communes de Bulgnéville, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande le versement par la commune de Bulgnéville d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Bulgnéville.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 4 septembre 2009, le conseil municipal de la commune de Bulgnéville a décidé de vendre à la communauté de communes de Bulgnéville, moyennant un euro symbolique, quatre parcelles, section ZI n° 262, 263, 264 et 242, d'une superficie totale de 8 551 m² au lieu-dit " Derrière le Moulin ". Par une délibération du 8 août 2014, le même conseil municipal a décidé de retirer cette délibération.

2. La commune de Bulgnéville relève appel du jugement du 16 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a, à la demande de la communauté de communes de Bulgnéville, prononcé l'annulation de la délibération du 8 août 2014.

Sur la légalité de la délibération du 8 août 2014 :

3. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle expresse créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Par ailleurs, la délibération par laquelle un conseil municipal décide de vendre un bien immobilier à un tiers créé des droits au profit de celui-ci dès lors qu'elle n'est pas assortie d'une condition.

4. La commune fait en premier lieu valoir que la délibération litigieuse n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits dès lors que, même si elle ne mentionne expressément aucune condition à laquelle serait subordonnée la cession des parcelles pour un euro symbolique, celle-ci était, implicitement mais nécessairement, subordonnée à la réalisation d'un projet d'implantation d'une station service et d'un établissement de restauration rapide dans le cadre d'une extension de la zone d'activités économiques du Moulin, qui n'a pas abouti, ainsi qu'à la réalisation de la vente dans un délai raisonnable. Elle souligne à cet égard, d'une part, qu'elle n'a pu que prévoir la première condition dès lors que la vente d'un bien à l'euro symbolique sans justification est illégale, d'autre part, que la communauté de communes ne peut pas devenir propriétaire des terrains.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des délibérations du conseil communautaire de la communauté de communes de Bugnéville des 19 mars et 15 octobre 2009, que l'extension de la zone d'activités avait pour objectif de permettre l'aménagement d'un centre de transit routier accueillant notamment une station-service et une activité de restauration rapide. Si le rapprochement de ces délibérations avec celle du 4 septembre 2009 met en évidence cet objectif, cette circonstance ne suffit pas à considérer que la commune a effectivement entendu subordonner la cession des parcelles à la réalisation du projet particulier d'aménagement décrit ci-dessus.

6. Par ailleurs, la commune ne peut utilement se prévaloir, pour la réalisation de la vente, de l'existence d'une condition de " délai raisonnable " dès lors que la délibération ne le prévoit pas et qu'un tel délai ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire ni d'aucun principe.

7. D'autre part, si la cession d'un bien immobilier à un prix symbolique ne peut être légalement consentie par une personne publique que dans un but d'intérêt général, aucune disposition légale ou réglementaire ni aucun principe général n'impose que cette cession soit en outre subordonnée à la réalisation d'une condition. Par suite, la commune n'est pas fondée à tirer de son souci légitime de respecter la légalité la démonstration du fait qu'elle n'a pu que prévoir une telle condition.

8. Enfin, si la commune fait valoir que la communauté de communes ne peut gérer les accès et les réseaux dès lors qu'elle ne dispose pas de la compétence voirie, réseaux, ni de pouvoirs de police et qu'elle ne peut devenir propriétaire des terrains, elle n'apporte aucune précision quant à l'incidence qu'elle prête à cet argument sur le caractère créateur de droits ou non de la délibération du 4 septembre 2009.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la délibération du 4 septembre 2009 a le caractère d'une décision expresse créatrice de droits ne pouvant être légalement retirée plus de quatre mois après son adoption.

10. La commune soutient en second lieu que le conseil municipal a pu, pour retirer la délibération en cause, se fonder légalement sur des circonstances postérieures à son adoption, constituées par le défaut de réalisation du projet d'aménagement décrit ci-dessus et l'absence d'un autre projet économique sérieux.

11. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit au point 9, ces circonstances ne suffisent en tout état de cause pas à justifier le retrait de la délibération litigieuse qui était créatrice de droits.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Bugnéville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 8 août 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de Bugnéville qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Bugnéville demande au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bugnéville, une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes de Bugnéville au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bugnéville est rejetée.

Article 2 : La commune de Bugnéville versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la communauté de communes de Bugnéville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bugnéville et à la communauté de communes de Bugnéville.

4

N° 16NC00528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00528
Date de la décision : 15/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait.

Domaine - Domaine privé - Régime - Aliénation.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP JOUBERT et DEMAREST

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-12-15;16nc00528 ?
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