Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ambulance Bridoux Fils a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 10 juillet 2013 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes l'a informée de la décision de la commission départementale de concertation de procéder à son déconventionnement et de condamner solidairement la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, le régime social des indépendants et la mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse à lui verser les sommes de 157 516,60 euros en réparation de son préjudice financier et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1301297 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 10 juillet 2013 et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistré le 7 août 2015 et le 31 octobre 2016, la société Ambulance Bridoux Fils, représentée par la SELARL Ahmed Harir, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 juin 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner solidairement la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, le régime social des indépendants et la mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse à lui verser les sommes de 157 516,60 euros en réparation de son préjudice financier et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge conjointe de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, du régime social des indépendants et de la mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en plus d'être entachée d'incompétence, la décision de déconventionnement en litige est entachée d'erreur de droit ;
- dès lors que la société a été placée en redressement judiciaire, elle ne pouvait s'acquitter du paiement de ses cotisations URSSAF antérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
- la sanction de déconventionnement est manifestement disproportionnée ;
- cette décision est à l'origine d'un préjudice financier et moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse, représentées par la SCP Delgènes-Vaucois-Justine-Delgenes, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2015 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 10 juillet 2013 ;
2°) de rejeter la requête présentée par la société Ambulance Bridoux Fils ;
3°) de mettre à la charge de la société Ambulance Bridoux Fils le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le moyen tiré de l'interdiction des poursuites en raison de la procédure de redressement judiciaire est inopérant ;
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée est infondé ;
- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation est irrecevable car nouveau en appel ;
- les conclusions indemnitaires de la société requérante sont irrecevables car tardives ;
- les préjudices invoqués par la société requérante ne sont pas justifiés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la convention nationale des transporteurs sanitaires privés prévue à l'article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la société Ambulance Bridoux Fils.
1. Considérant que la société Ambulance Bridoux Fils relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, après avoir annulé la décision du 10 juillet 2013 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes lui a fait part de son déconventionnement, rejeté ses conclusions indemnitaires ; que, par la voie de l'appel incident, la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse relèvent appel du même jugement en tant que le tribunal a annulé la décision précitée du 10 juillet 2013 ;
Sur les conclusions d'appel incident :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les entreprises de transports sanitaires sont définis par une convention nationale conclue (...) entre une ou plusieurs organisations syndicales nationales les plus représentatives des ambulanciers et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Cette convention détermine notamment : 1° Les obligations respectives des organismes qui servent les prestations d'assurance maladie et des entreprises de transports sanitaires ; 2° Les modalités du contrôle de l'exécution par les entreprises de transports sanitaires des obligations qui découlent pour elles de l'application de la convention ; 3° Les conditions à remplir par les entreprises de transports sanitaires pour être conventionnées ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés prévue à l'article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale : " (...) Une fois par an, au cours du second trimestre de l'année, le transporteur sanitaire adresse à la CPAM de son lieu d'exercice une attestation [de l'URSSAF dont dépend son entreprise, qui mentionne qu'il est à jour de ses cotisations sociales salariales et patronales]. Seuls les transporteurs sanitaires qui fournissent ce document de l'URSSAF gardent leur conventionnement. Dans le cas contraire, la CPAM déclenche la procédure de déconventionnement en respect des dispositions de l'article 17. (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 de la même convention : " (...) La commission départementale de concertation doit donner son avis dans le délai d'un mois suivant sa date de saisine. / Après avis de la commission départementale de concertation, les caisses adressent à l'ambulancier, par lettre recommandée avec avis de réception, la notification de leur décision, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 18. Elles informent la commission de cette décision. (...) " ;
3. Considérant que la décision du 10 juillet 2013 indique " qu'après concertation et conformément à l'article 20 de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés, la commission a pris la décision de procéder au déconventionnement de la SARL Bridoux Fils " ; qu'il ressort de ces termes que, contrairement à ce que soutiennent la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse, c'est la commission départementale de concertation qui a pris la décision de déconventionner la société requérante et non les caisses en méconnaissance des dispositions de l'article 20 de la convention précitée ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de leurs conclusions à fin d'appel incident, que la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 10 juillet 2013 ;
Sur les conclusions d'appel principal :
5. Considérant que si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise ;
6. Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que la société ait été placée en redressement judiciaire n'empêchait pas l'application des stipulations de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés, notamment de celles prévoyant les mesures pouvant être prononcées lorsque l'entreprise cesse de remplir les conditions lui permettant d'être conventionnée ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 20 de la convention précitée prévoit que la procédure de déconventionnement est mise en oeuvre pour les entreprises ne produisant pas, dans l'année, une attestation de l'URSSAF dont elle dépend, qui mentionne qu'elle est à jour de ses cotisations sociales salariales et patronales ; que le déconventionnement est ainsi la seule mesure pouvant être prononcée à l'égard d'une société qui ne produirait pas cette attestation ; que cette mesure n'est pas une sanction mais la conséquence du fait que l'entreprise ne remplit plus les conditions pour être conventionnée ; que l'échelle des sanctions prévue à l'article 18 de la convention ne trouve dès lors pas à s'appliquer ; que, dans ces conditions, la société Ambulance Bridoux Fils ne peut utilement se prévaloir de ce que la mesure prise à son encontre serait manifestement disproportionnée ;
8. Considérant toutefois que cette mesure de déconventionnement doit prendre fin dès que l'entreprise justifie qu'elle est à jour de ses cotisations sociales salariales et patronales ; que la décision en litige ne pouvait donc pas prévoir un terme déterminé mais aurait dû indiquer que le déconventionnement prendrait fin dès que la société établirait être à jour de ses cotisations ;
9. Considérant qu'il est constant que la société Ambulance Bridoux Fils n'a pas versé ses cotisations sociales entre les mois de juillet 2009 et septembre 2012 ; que l'intervention de la procédure de redressement judiciaire, au cours de laquelle l'URSSAF a déclaré auprès du mandataire judiciaire sa créance relative à ces cotisations impayées, n'a pas eu pour effet de faire disparaître l'existence de cette dette ; que la société Ambulance Bridoux Fils n'établit ainsi pas avoir été à jour de ses cotisations salariales et patronales au cours de l'année durant laquelle son déconventionnement a été prononcé ; que, dans ces conditions, les préjudices dont elle se prévaut ne sont pas directement en lien avec le fait que la décision en litige a prévu une durée déterminée de déconventionnement ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Ambulance Bridoux Fils n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la société Ambulance Bridoux Fils, d'une part, et la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse, d'autre part, présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Ambulance Bridoux Fils est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ambulance Bridoux Fils, à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, à la caisse du régime des indépendants de Champagne-Ardenne et à la caisse de mutualité sociale agricole Marne-Ardennes-Meuse.
Copie en sera adressée à Me B...C..., mandataire judiciaire de la société et à Me A...E..., administrateur judiciaire de la société.
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N° 15NC01802