Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société des Etablissements Moncassin a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a déclaré cessible la parcelle cadastrée AH 172 au profit de la communauté de communes Moselle et Madon pour la réalisation d'un centre aquatique dans la commune de Neuves-Maisons.
Par un jugement n° 1403157 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de la société des Etablissements Moncassin.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2016 sous le n° 16NC01038 et des mémoires enregistrés le 17 novembre 2016, le 7 décembre 2016 et le 13 avril 2017, la société des Etablissements Moncassin, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403157 du 29 mars 2016 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 septembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société des Etablissements Moncassin soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle a été présentée par l'intermédiaire de l'application télérecours ;
- le tribunal a commis des erreurs de droit et de fait en écartant son moyen relatif à l'existence d'une servitude de passage et aux inconvénients découlant de cette opération ;
- l'arrêté est illégal dès lors que les dispositions des articles L. 11-8 et R. 11-31 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique relatifs à la désignation des terrains faisant l'objet de l'opération d'expropriation ont été méconnues en l'absence de toute référence, dans l'arrêté de cessibilité, à la servitude de passage existant sur la parcelle AH 292 p ;
- l'arrêté est illégal par voie d'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique dès lors que l'opération prévue n'est pas compatible avec les dispositions du règlement de la zone AU du plan local d'urbanisme et ne peut donc être déclarée d'utilité publique au regard des dispositions de l'article L. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; le règlement du plan local d'urbanisme ne peut autoriser en l'espèce que les abris de jardin compte tenu des dispositions de l'article R.123-6 du code de l'urbanisme ; le bilan de l'opération est négatif compte tenu notamment du risque d'inondation et des atteintes aux intérêts économiques de la société des Etablissements Moncassin.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que la requête est irrecevable en l'absence de signature de son auteur et que les moyens de la société des Etablissements Moncassin ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 et 29 novembre 2016 et le 10 février 2017 la communauté de communes Moselle et Madon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société des Etablissements Moncassin au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
La communauté de communes Moselle et Madon soutient que les moyens soulevés par la société des Etablissements Moncassin ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la société des Etablissements Moncassin.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 28 novembre 2013, le conseil communautaire de la communauté de communes Moselle et Madon a autorisé son président à solliciter du préfet de Meurthe-et-Moselle l'ouverture, d'une part, d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à la construction d'un centre aquatique sur la parcelle cadastrée AH 172, propriété de la SA Moncassin, située dans la commune de Neuves-Maisons, et, d'autre part, d'une enquête parcellaire.
2. A l'issue des deux enquêtes, le préfet de Meurthe-et-Moselle a déclaré d'utilité publique les travaux de réalisation de ce centre aquatique par un arrêté du 9 septembre 2014 et, par un arrêté du même jour, a déclaré cessible la parcelle AH 172 au profit de la communauté de communes Moselle et Madon.
3. La SA Moncassin relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2014 déclarant la cessibilité de sa parcelle.
Sur la régularité du jugement :
4. La circonstance que le tribunal aurait commis des erreurs de droit et de fait n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement litigieux, l'analyse de ces moyens relevant en l'espèce de l'analyse du bien fondé du jugement et de l'arrêté du 9 septembre 2014.
Sur la légalité de l'arrêté de cessibilité du 9 septembre 2014 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de mention de la servitude de passage et de plans relatifs à cette servitude :
5. La société des Etablissements Moncassin fait valoir que les dispositions des articles L. 11-8 et R. 11-31 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, relatifs à la désignation des terrains faisant l'objet de l'opération d'expropriation, ont été méconnues en l'absence de toute référence, dans l'arrêté de cessibilité, à la servitude de passage existant sur la parcelle AH 292p.
6. Aux termes de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " Le préfet détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier si cette liste ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique. (...) " et aux termes de l'article R.11-31 du même code, alors en vigueur : " Lorsque l'expropriation d'un droit réel immobilier a été requise sans qu'il soit nécessaire d'exproprier l'immeuble grevé, l'expropriant procède à la recherche du titulaire de ce droit à l'aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière ou par tous autres moyens. Il dresse le plan de la propriété grevée et, s'il y a lieu, de la propriété à laquelle ce droit profite. Ces pièces sont ensuite déposées à la mairie de la situation des biens pour permettre l'ouverture de l'enquête dans les conditions précisées par la présente section. Toutefois, dans les communes à cadastre rénové, il n'est pas dressé de plan et un extrait du plan cadastral délivré par le service du cadastre en tient lieu ".
7. Il ressort des pièces du dossier que par son arrêté du 9 septembre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a déclaré cessible la seule parcelle AH 172 au nombre des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier conformément aux dispositions de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
8. La circonstance que cet arrêté n'ait pas mentionné l'existence de la servitude de passage qui a été instituée au bénéfice de la parcelle AH 172 sur la parcelle voisine AHp 192 et incluse dans le projet déclaré d'utilité publique n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions des articles L.11-8 et R. 11-31 précités dès lors que la parcelle AH 172, déclarée cessible en vue de son expropriation, constitue le fonds dominant de la servitude en cause et que le fonds servant a, en tout état de cause, été acquis par voie amiable en pleine propriété au bénéfice de l'établissement public foncier de Lorraine agissant pour le compte de la communauté de communes.
9. Il s'ensuit qu'en l'absence de toute nécessité d'exproprier un droit réel immobilier indépendamment de l'expropriation de l'immeuble grevé d'un tel droit, la société des Etablissements Moncassin n'est pas fondée à soutenir qu'en se bornant à mentionner la parcelle AH 172 dans son arrêté sans relever l'existence de la servitude instituée à son profit ni établir de plan relatif à cette servitude, le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions des articles L. 11-8 et R. 11-31 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique :
S'agissant de la compatibilité de la déclaration d'utilité publique avec le plan local d'urbanisme de Neuves-Maisons :
10. La société des Etablissements Moncassin soutient que l'arrêté litigieux est illégal au regard des dispositions de l'article L. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dès lors que la déclaration d'utilité publique n'est pas compatible avec le règlement de la zone 2AU du plan local d'urbanisme de Neuves-Maisons, lequel ne peut lui-même être régulièrement appliqué au regard des dispositions de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme.
11. Aux termes de l'article L. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Ainsi qu'il est dit : à l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : " La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les prescriptions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si l'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique et sur la modification du plan et si, en outre, l'acte déclaratif d'utilité publique est pris dans des conditions conformes aux prescriptions concernant l'approbation des plans d'occupation des sols. La déclaration d'utilité publique comporte alors modification du plan ; " à l'article L. 124-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 123-8 et les textes pris pour son application sont applicables à un projet d'aménagement ou un plan d'urbanisme approuvé, lorsque doit être prononcée la déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les prescriptions de ce plan (...) ".
12. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Les actes, déclarations d'utilité publique et arrêtés de cessibilité, tendant à l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une opération ne sont pas des actes pris pour l'application du plan local d'urbanisme, lequel ne constitue pas davantage leur base légale. La société requérante ne peut donc utilement se prévaloir de l'illégalité du règlement de la zone 2 AU du plan local d'urbanisme de la commune de Neuves-Maisons.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier et la société appelante ne produit aucun commencement de preuve de ce que le projet visé par la déclaration d'utilité publique, consistant en la réalisation d'une piscine, serait incompatible avec le règlement de la zone AU du règlement du plan local d'urbanisme qui autorise les équipements de superstructure et les constructions liées à la réalisation de ceux-ci, en cohérence avec le fonctionnement et la vocation de la zone, sans qu'il soit besoin de procéder à une modification ou révision du document d'urbanisme. La société des Etablissements Moncassin ne justifie donc pas de l'incompatibilité de la déclaration d'utilité publique avec le plan local d'urbanisme de Neuves-Maisons.
14. La société des Etablissements Moncassin n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté de cessibilité est illégal compte tenu de la méconnaissance, par la déclaration d'utilité publique du projet envisagé dans la zone AU, des dispositions de l'article L. 11-4 précité.
S'agissant de l'utilité publique du projet :
15. La société des Etablissements Moncassin soutient que le risque d'inondation n'a pas été suffisamment pris en compte et que, compte tenu des désagréments économiques que lui cause l'opération contestée, l'expropriation litigieuse présente un bilan négatif de nature à lui ôter son caractère d'utilité publique. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nancy dans les points 12 à 17.
16. En conclusion de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, la société des Etablissements Moncassin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a déclaré cessible la parcelle cadastrée AH 172 au profit de la communauté de communes Moselle et Madon pour la réalisation d'un centre aquatique dans la commune de Neuves-Maisons.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société des Etablissements Moncassin demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
18. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la société des Etablissements Moncassin le paiement de la somme de 1 500 euros à la communauté de communes Moselle et Madon au titre des frais que celle-ci a exposés pour sa défense.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société des Etablissements Moncassin est rejetée.
Article 2 : La société des Etablissements Moncassin versera à la communauté de communes Moselle et Madon une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société des Etablissements Moncassin, à la communauté de communes Moselle et Madon et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC01038