Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... et Mme F...D...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 24 juin 2015 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.
Par un jugement nos 1501864 - 1501866 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2015, M. et Mme D..., représentés par la SELARL Guitton et Grosset et Blandin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 24 juin 2015 pris à leur encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à leur conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
S'agissant des arrêtés pris dans leur ensemble :
- ils ont été pris par une autorité incompétente ;
- les premiers juges n'ont pas répondu à leur moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés au regard de l'absence de délégation spéciale du préfet ;
S'agissant des décisions de refus de titre de séjour :
- elles sont entachées d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elles méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ;
- le directeur de l'agence régionale de santé n'a pas été consulté quant à l'existence d'une circonstance humanitaire exceptionnelle ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'est pas suffisamment détaillé et n'a pas tenu compte de la spécificité de sa pathologie ;
- ce médecin n'était pas compétent en l'absence de désignation par le directeur général de l'agence régionale de santé ;
- les décisions contestées méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- elles ne sont pas motivées conformément aux exigences de l'article 12 de la directive 2008/115/CE ;
- elles méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
S'agissant des décisions fixant un délai de départ volontaire :
- les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en instituant un délai de départ volontaire automatique de trente jours méconnaissent l'article 7 de la directive 2008/115/ CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- les décisions d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours ne sont pas motivées quant au refus du préfet d'accorder un délai supplémentaire ;
- leur situation personnelle justifie que leur soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- ces décisions méconnaissent l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elles méconnaissent l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'ils n'ont pu, préalablement à leur édiction, présenter des observations ;
- elles méconnaissent l'article 14 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que les pièces médicales produites par les requérants ne permettent pas de déterminer la gravité de leur pathologie.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 24 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. E... D... et Mme F...D..., originaires du Kosovo, relèvent appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 24 juin 2015 du préfet de Meurthe-et-Moselle refusant de leur délivrer un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le jugement du tribunal administratif de Nancy en litige précise à son point 5 que M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, disposait d'une délégation de signature prise par un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 20 août 2013, pour signer les décisions contestées ; que cet arrêté a fait l'objet, le 23 août 2013, d'une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle ; que les premiers juges ont ainsi répondu et de manière suffisamment motivée au moyen soulevé par M. et Mme D...tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés et notamment à la branche du moyen tenant à l'exigence d'une délégation par une décision spéciale du préfet du 20 juin 2013 ;
Sur les arrêtés contestés pris dans leur ensemble :
3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, M. B... disposait d'une délégation par une décision spéciale régulièrement publiée du préfet de Meurthe-et-Moselle pour signer les arrêtés du 24 juin 2015 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté ;
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
En ce qui concerne les refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux arrêtés contestés : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays " ;
5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant, en premier lieu, que les avis des médecins de l'agence régionale de santé de Lorraine des 4 décembre 2014 et 16 décembre 2014 concernant respectivement M. et Mme D...comportent la signature et le nom lisible de leurs auteurs permettant de les identifier ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que ces médecins, M. A...et MmeC..., ont reçu en qualité de médecin de l'agence régionale de santé, par un arrêté du 23 juillet 2014, publié le 12 août 2014 suivant au recueil n° 23 des actes administratifs des services de l'Etat en Meurthe-et-Moselle, délégation du directeur général de l'agence régionale de santé de Lorraine pour donner un avis sur la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les avis des 4 décembre 2014 et 16 décembre 2014 comportent les mentions requises par les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 et sont ainsi suffisamment motivés ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de leurs demandes de titre de séjour en qualité d'étranger malade que M. et Mme D..., en se prévalant de leur état de santé, de la présence en France de leur famille ainsi que de la durée de leur séjour sur le territoire français, ce qui, selon eux, ferait obstacle à ce qu'ils puissent recevoir des soins au Kosovo, aient ainsi justifié, auprès du préfet de Meurthe-et-Moselle, d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle était tenu de saisir pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé doit être écarté ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes des décisions de refus de titre de séjour contestées que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. et Mme D...au regard de leur état de santé et se serait ainsi cru, à tort, lié par les avis rendus par les médecins de l'agence régionale de santé ;
12. Considérant, en sixième lieu, s'agissant de Mme D...que par un avis du 16 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié à cet état de santé dans son pays d'origine ; que les pièces médicales produites par Mme D...en première instance et en appel qui font état de son traitement pharmacologique et mentionnent qu'elle est plus particulièrement suivie pour une cardiopathie obstructive symptomatique nécessitant un traitement et un suivi médical régulier et constant, ainsi que le certificat du 29 juin 2015 de son médecin généraliste selon lequel l'accès aux soins " apparaît fortement compromis en dehors d'un pays dont l'offre de soins équivaut à celle de la France " ne comportent aucun élément permettant de démontrer l'absence de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, par suite, et alors que Mme D...ne peut utilement se prévaloir de l'insuffisance de ses ressources pour accéder aux soins dans son pays d'origine, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
13. Considérant, s'agissant de M. D..., que par un avis du 4 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que son état de santé ne nécessite pas de prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si M. D... se prévaut d'un certificat médical de son médecin généraliste du 29 juin 2015 selon lequel il présente " une réaction anxio-dépressive nécessitant des soins continus et constants jusqu'à la guérison et qu'en l'absence de traitement, son trouble dépressif peut se compliquer gravement (suicide) ", il ressort des pièces du dossier que M. D... a fait valoir à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade d'autres affections en faisant état d'antécédents d'hépatite virale B et de gastrite chronique ; que la nouvelle pathologie dont se prévaut l'intéressé est postérieure à la décision contestée et ne comporte en tout état de cause aucun élément quant à une absence de traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, et alors que M. D... ne peut utilement se prévaloir de l'insuffisance de ses ressources pour accéder aux soins dans son pays d'origine, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
En ce qui concerne la vie privée et familiale :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
15. Considérant que si M. et Mme D...sont arrivés en France en 2001 accompagnés de leurs deux enfants mineurs, ils se sont maintenus sur le territoire français au bénéfice de demandes successives de titre de séjour ; qu'ils ont par ailleurs quitté la France en 2006 pour l'Allemagne où ils ont sollicité l'asile et ont fait l'objet d'une réadmission en France en 2009 ; que si leurs deux enfants, devenus majeurs, séjournent régulièrement en France, M. et MmeD..., qui n'allèguent d'ailleurs pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine, n'établissent pas une insertion particulière dans la société française ; que, par suite, les décisions de refus de séjour contestées n'ont pas porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ; que, pour les mêmes motifs, et en l'absence de tout autre élément invoqué par les requérants, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme D...doit être écarté ;
En ce qui concerne la consultation de la commission du titre de séjour :
16. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que s'agissant des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. et Mme D..., comme il a été précédemment dit, ne remplissent pas effectivement les conditions énoncées pour bénéficier d'un titre de séjour sur ces fondements ;
17. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;
18. Considérant que M. et MmeD..., entrés selon leurs déclarations en France en 2011, n'établissent pas par les pièces qu'ils produisent, résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date des décisions contestées du 24 juin 2015, alors d'ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils ont quitté en 2006 la France pour l'Allemagne où ils ont sollicité l'asile et ont fait l'objet d'une réadmission en France en 2009 ; que, par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'était pas tenu de soumettre le cas des requérants à la commission du titre de séjour avant de rejeter leurs demandes ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
19. Considérant, en premier lieu, que, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; qu'en l'espèce, les décisions de refus de séjour opposées à M. et Mme D... indiquent de manière précise et circonstanciée la situation des requérants ainsi que les motifs de droit et de fait pour lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté leurs demandes de titre de séjour ; que les arrêtés en litige mentionnent le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que M. et Mme D..., qui ne peuvent utilement se prévaloir directement, à l'appui de leurs recours, des objectifs fixés par l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'à la date des décisions contestées, ce texte avait été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français en litige ne sont pas motivées ;
20. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
21. Considérant que M. et Mme D...ne produisent aucun élément permettant d'établir qu'ils ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé dans le pays de renvoi mentionné dans les arrêtés préfectoraux en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
22. Considérant, en troisième lieu, qu'un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ; que si les requérants soutiennent qu'ils justifient de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen, pour les motifs exposés au point 15, ne peut qu'être écarté ;
23. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions de refus de titre de séjour et en l'absence de tout autre élément, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme D...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle ont été prises et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
24. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes du II de cet article, dans sa rédaction alors applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;
25. Considérant qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est égal à la limite supérieure prévue à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers, dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'incompatibilité des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;
26. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir directement, à l'appui de leur recours, des objectifs fixés par l'article 14 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'à la date des décisions attaquées, ce texte avait été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;
27. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a, par suite, pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les décisions octroyant à M. et Mme D...un délai de départ volontaire de trente jours seraient insuffisamment motivées doit être écarté ;
28. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peut être utilement invoqué M. et Mme D... à l'encontre des décisions contestées ;
29. Considérant, en cinquième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ; que, toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; que ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, cependant, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
30. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire de trente jours qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
31. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas expressément informé M. et Mme D...qu'en cas de rejet de leurs demandes de titre de séjour, ils seraient susceptibles d'être contraints de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en les invitant à formuler leurs observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder les intéressés comme ayant été privés de leur droit à être entendu, qui figure au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ;
32. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des termes mêmes des décisions contestées, qui mentionnent qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de trente jours imparti aux requérants, que le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en décidant d'assortir les décisions portant obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire de trente jours ; que si les requérants soutiennent qu'en raison de la durée de leur séjour en France et de la nécessité d'y poursuivre des soins il appartenait au préfet de fixer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, ces éléments ne suffisent pas à considérer que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation, en limitant le délai de départ volontaire à trente jours ;
33. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Mme F...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC02200