Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 23 août 2016 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1604981 du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M.B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2016, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1604981 du 9 novembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 23 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me C... d'une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. B...soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2017, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité congolaise, déclare être entré irrégulièrement en France le 7 octobre 2009. Le statut de réfugié lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 mars 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 octobre 2011. A la suite d'une demande de réexamen, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont à nouveau rejeté sa demande d'asile respectivement les 19 mars 2013 et 10 décembre 2013. Par un arrêté du 22 décembre 2015, le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 12 janvier 2016, M. B...a sollicité un titre de séjour le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 30 mars 2016, le préfet du Haut-Rhin a confirmé l'obligation de quitter le territoire français. A la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Strasbourg de cette dernière décision, et après avoir réexaminé la situation de M.B..., le préfet a, par une décision du 23 août 2016, enjoint à l'intéressé de quitter le territoire et fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 9 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2016.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :
2. M. B...soutient que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée, le préfet du Haut-Rhin n'ayant porté aucune appréciation sur sa capacité à effectuer le voyage sans risque.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
4. Ces dispositions ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé de l'étranger, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Si, depuis l'intervention de l'arrêté du 9 novembre 2011, le médecin de l'agence régionale de santé n'est plus tenu d'indiquer dans son avis si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, cette modification est sans influence sur l'étendue des obligations du préfet.
5. Il ressort des motifs de l'arrêté litigieux et des précisions données dans les écritures en défense que le préfet, saisi d'un nouvel avis du médecin de l'agence régionale de santé du 1er juillet 2016, a statué à nouveau dans son arrêté du 23 août 2016 sur le droit de M. B... à obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, malgré l'absence d'article dédié au refus de titre de séjour dans le dispositif de cet arrêté. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier qu'aux termes de l'avis précité du 1er juillet 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que l'état de santé de M. B...ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine, le même médecin ayant déjà conclu en ce sens dans un avis du 3 février 2016. Il ressort enfin des pièces du dossier et des motifs de l'arrêté litigieux qu'avant de refuser de délivrer un titre de séjour à M. B...sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin s'est abstenu d'apprécier sa capacité à voyager sans risque vers le pays dont le requérant est originaire en dépit des conclusions en sens contraires formulées par le médecin de l'agence régionale de santé. M. B... est dès lors fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin n'a pas statué en toute connaissance de cause sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine dans le cadre du réexamen de sa demande de titre de séjour présentée au regard de son état de santé et que, par voie de conséquence et en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, l'obligation de quitter le territoire français, ainsi que la décision fixant le pays de destination dont il demande l'annulation, sont elles-mêmes entachées d'illégalité.
6. En conclusion de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 août 2016 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a assorti son refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Le présent arrêt implique seulement que le préfet du Haut-Rhin procède au réexamen de la demande de M.B.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1604981 du 9 novembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination du 23 août 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.
Article 3 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N°16NC02668