Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...E...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de désigner un expert chargé de se prononcer sur les désordres affectant leur habitation à la suite de fortes précipitations survenues dans leur commune.
Par une ordonnance n° 1700514 du 8 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, et un mémoire enregistré le 19 juillet 2017, M. et MmeE..., représentés par MeD..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 8 juin 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de faire droit à leur demande d'expertise ;
3°) de dire et juger que la commune de Montreuil-sur-Barse et l'association foncière de Montreuil-sur-Barse supporteront la charges des dépens et, par conséquent, les frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil-sur-Barse et de l'association foncière de Montreuil-sur-Barse une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur maison d'habitation a fait l'objet de plusieurs inondations ;
- les fortes précipitations survenues au printemps 2013 et en mai 2016 ont mis en évidence que le réseau d'évacuation des eaux pluviales est inadapté ;
- la circonstance qu'ils n'aient pas été les seules victimes des inondations n'est pas de nature à dénier le caractère utile à leur demande ;
- l'utilité de l'expertise sollicitée est démontrée ;
- ils justifient d'un préjudice réel, actuel, certain et direct dans la mesure où la commune a refusé la prise en charge des dommages subis, notamment, la réfection du chemin d'accès à leur habitation ;
- la mesure d'expertise sollicitée se rattache à une éventuelle action en responsabilité dirigée contre la commune ;
- l'expert pourrait être amené à se prononcer sur les mesures nécessaires afin de prévenir toute autre inondation ou fait dommageable en lien avec le système d'évacuation des eaux pluviales ;
- l'association foncière de Montreuil-sur-Barse est appelée en la cause dans la mesure où la commune impute les désordres à des fossés appartenant à celle-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2017, la commune de Montreuil-sur-Barse et l'association foncière de Montreuil-sur-Barse, représentées par MeC..., demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de M. et MmeE... ;
2°) de confirmer l'ordonnance attaquée ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme E...les dépens et une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le premier juge a procédé à une juste analyse des faits de la cause tant en fait qu'en droit ;
- l'orage qui s'est produit le 20 juin 2013 était d'une ampleur exceptionnelle ;
- les requérants ne justifient pas d'un défaut d'entretien des ouvrages publics qui serait à l'origine des dommages ;
- l'expertise sollicitée ne présente pas un caractère utile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeE..., propriétaires d'une maison d'habitation sise dans la commune de Montreuil-sur-Barse, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à désigner un expert chargé de se prononcer sur les désordres affectant leur habitation à la suite de fortes précipitations survenues dans leur commune. Ils interjettent appel de l'ordonnance du 8 juin 2017 par laquelle le juge des référés a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé de la demande d'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ".
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne.
4. Il résulte de l'instruction que le 20 juin 2013 s'est abattu sur la commune de Montreuil-sur-Barse un orage d'une violence exceptionnelle. La maison d'habitation des requérants a été inondée et le retrait des eaux a entraîné des dégâts à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment. Les époux E...ayant déclaré le sinistre à leur compagnie d'assurance, ils ont accepté, le 29 novembre suivant, l'évaluation de leur préjudice faite par l'expert missionné à cette fin par l'assureur et ont été indemnisés à hauteur de 6 037,68 euros. Ils se plaignent, toutefois, de ce que la réfection du chemin d'accès à leur maison d'habitation à l'intérieur de leur propriété n'a pas été prise en compte pour un montant de 1 570,74 euros. Par courrier du 2 mars 2016, ils ont saisi la commune de Montreuil-sur-Barse d'une demande indemnitaire de ce montant qui a fait l'objet d'un rejet par lettre du 8 mars 2016.
5. Les époux E...doivent être regardés comme sollicitant une expertise aux fins de déterminer l'origine des désordres causés à leur propriété lors des inondations survenant à l'occasion de fortes précipitations. Il est soutenu que ces désordres sont imputables à des ouvrages publics appartenant à la commune de Montreuil-sur-Barse et à l'association foncière de Montreuil-sur-Barse. En l'état de l'instruction, ce lien de causalité ne peut être totalement écarté et les requérants se prévalent d'au moins un chef de préjudice. Le litige éventuel pouvant en découler ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre administratif. Par suite, l'expertise sollicitée présente un caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.
6. Les requérants sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Il y a donc lieu d'annuler ladite ordonnance et de faire droit à la demande d'expertise.
Sur les dépens :
7. En vertu des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, lorsqu'une expertise a été ordonnée sur le fondement du Titre III du livre V, c'est le président de la cour qui fixe les frais et honoraires de l'expert par une ordonnance et désigne la ou les parties qui en assumeront la charge. Par suite, les conclusions présentées par les épouxE..., dans le cadre de la présente instance, tendant à ce que les dépens et les frais d'expertise soient mis à la charge de la commune de Montreuil-sur-Barse et de l'association foncière de Montreuil-sur-Barse ne peuvent qu'être rejetée ainsi que celles de la commune de Montreuil-sur-Barse et de l'association foncière de Montreuil-sur-Barse tendant à ce que les dépens soient mis à la charge des requérants.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et MmeE..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclament la commune de Montreuil-sur-Barse et l'association foncière de Montreuil-sur-Barse au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme E...présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du 8 juin 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée.
Article 2 : Il sera procédé à une expertise au contradictoire de M. et MmeE..., de la commune de Montreuil-sur-Barse et de l'association foncière de Montreuil-sur-Barse. L'expert aura pour mission de :
- visiter le site en cause, convoquer les parties et recueillir contradictoirement leurs observations ;
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera nécessaire à l'accomplissement de sa mission ;
- entendre tous sachants qu'il jugera utile ;
- décrire l'état des parcelles du site ;
- décrire les désordres résultant des inondations consécutives aux précipitations survenues le 20 juin 2013 et en mai 2016 ;
- déterminer l'origine exacte de ces inondations ;
- préciser, si cela ressort du point précédent, quel est, dans la réalisation des dommages, le rôle des différents ouvrages qui appartiennent respectivement à la commune de Montreuil-sur-Barse et à l'association foncière de Montreuil-sur-Barse ;
- déterminer et évaluer les travaux nécessaires propres à remédier aux phénomènes d'inondations et en chiffrer le coût ;
- déterminer et chiffrer les préjudices subis par la propriété des consorts E...en rapport avec les inondations précitées ;
- fournir tous les éléments permettant au juge du fond, éventuellement saisi, de se prononcer sur les responsabilités ;
- concilier les parties si faire se peut à l'issue des opérations d'expertise.
Article 3 : M. B...A..., demeurant..., est désigné pour procéder à l'expertise.
Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 5 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Il notifiera lui-même les copies aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.
Article 6 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme B...E..., à la commune de Montreuil-sur-Barse, à l'association foncière de Montreuil-sur-Barse et à M. B...A..., expert.
Fait à Nancy, le 13 septembre 2017
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17NC01450