Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. M'sa Hamadi Abas a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 août 2015 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1501461 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2016 et des pièces produites le 15 juin 2016, M. M'sa Hamadi Abas, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me C...d'une somme de 1 5000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet lui a opposé l'absence de visa de long séjour, dès lors que sa possession n'est pas requise par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit au regard de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux en France notamment avec son enfant né sur le territoire national ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par suite de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. M'sa Hamadi Abas, de nationalité comorienne et né le 31 décembre 1969, est entré irrégulièrement en France le 15 novembre 2011, selon ses déclarations. Le 23 décembre 2013, il a demandé un titre de séjour qui lui a été refusé par arrêté du préfet du Doubs du 18 août 2015. M. M'sa Hamadi Abas interjette appel du jugement du 8 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Le requérant soutient qu'il justifie de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux en France, qu'il vit avec Mme A...B...depuis décembre 2011, qu'il a conclu avec elle un pacte civil de solidarité le 28 novembre 2013, que les deux enfants de sa compagne sont orphelins de père et de nationalité française et qu'il les considère comme ses propres enfants, que l'enfant commun du couple est né en France le 24 juillet 2015. Le requérant soutient également qu'il est intégré dans la société française.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. M'sa Hamadi Abas, a conclu le 28 octobre 2013 un pacte civil de solidarité avec Mme D...A...B..., de nationalité comorienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 21 mars 2022 dont le mari est décédé le 25 novembre 2007 à Mulhouse. Le requérant produit, en ce qui concerne la période antérieure à l'arrêté préfectoral contesté, une carte d'admission à l'aide médicale de l'Etat valable du 3 octobre 2012 au 2 octobre 2015, des factures d'électricité à compter du 25 août 2013 ainsi que des attestations de paiement d'allocations familiales à compter du 7 mai 2014, qui mentionnent que M. M'sa Hamadi Abas et Mme A...B...habitaient à ces dates à la même adresse. Une assistante sociale atteste, en précisant les dates, qu'elle a reçu à huit reprises et chaque année M. M'sa Hamadi Abas et sa compagne depuis février 2012 jusqu'en septembre 2015, date de signature du document. De plus, le couple a eu un enfant né le 24 juillet 2015 à Montbéliard. Il résulte d'attestations d'un généraliste que M. M'sa Hamadi Abas l'a consulté à partir du 10 décembre 2012 et qu'il a régulièrement accompagné à son cabinet d'abord les enfants de Mme A...B...depuis la fin de 2011, puis également sa fille. Des attestations d'enseignants et de directeurs d'école certifient également que le requérant accompagne régulièrement les enfants de Mme A...à l'école depuis l'année 2011-2012, qu'il suit leur scolarité et assiste aux réunions de parents d'élèves.
7. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que M. M'sa Hamadi Abas justifie d'une communauté de vie avec Mme A...B...depuis octobre 2012 au plus tard, en s'occupant depuis cette période des enfants de celle-ci, puis de leur fille commune et en ayant avec eux une vie familiale réelle et stable. Si le préfet soutient que l'appelant pourrait demander des visas pour venir voir son enfant, l'exécution du refus de titre de séjour aurait pour conséquence de le séparer de sa compagne et de sa fille, alors que Mme A...B...a une carte de résident en France et qu'il n'est pas contesté que ses enfants ont la nationalité française. Ainsi, le refus de titre de séjour contesté a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. M'sa Hamadi Abas une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et est, en outre, de nature à porter atteinte aux droits de la fille du requérant. Il s'ensuit qu'il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et que l'arrêté préfectoral du préfet du Doubs est, par suite, dans sa totalité entaché d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que M. M'sa Hamadi Abas est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
9. Sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer la demande de M. M'sa Hamadi Abas dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. M. M'sa Hamadi Abas a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...de la somme de 1 500 euros qu'elle demande.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 décembre 2015 et l'arrêté contesté du préfet du Doubs du 18 août 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la demande de M. M'sa Hamadi Abas dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'sa Hamadi Abas, au ministre de l'intérieur et au préfet du Doubs.
Copie en sera adressée au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Montbéliard.
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N° 16NC00038