Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 janvier, 13 octobre et 21 novembre 2017, la société Arbois-Dis, représentée par la SCP Aleo Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2016 par lequel le maire d'Arbois a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Anciens établissements Georges Schiever et fils (AEG Schiever et fils) en vue de la construction d'un nouveau magasin et la réhabilitation d'un magasin existant ;
2°) de mettre à la charge des sociétés AEG Schiever et fils et SCI de la Cuisance le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Arbois-Dis soutient que le projet, qui consomme beaucoup d'espace, qui présente des risques en termes de circulation routière et d'accès, qui n'est pas desservi par des modes de transport alternatifs à la voiture, qui contribue à l'imperméabilisation des sols et qui aura ainsi un impact sur l'écoulement des eaux, qui ne prévoit aucune disposition en matière de gestion des déchets de chantier et qui va générer des conflits d'usage entre clients et livreurs, n'est pas conforme aux objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par un mémoire enregistré le 22 mars 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial a transmis les pièces de l'instruction.
Par des mémoires en défense enregistrés les 7 novembre et 5 décembre 2017, la SA Anciens Etablissements Georges Schiever et fils conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Arbois-Dis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société AEG Schiever et fils soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la SCI de la Cuisance et à la commune d'Arbois qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 21 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société Arbois-Dis, ainsi que celles de Me B..., pour la société AEG Schiever et Fils.
Une note en délibéré présentée par la société Arbois-Dis a été enregistrée le 14 février 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée en mairie d'Arbois le 3 juin 2016, la SA Anciens Etablissements Georges Schiever et Fils (AEG Schiever et fils) a sollicité la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue du transfert du supermarché qu'elle exploitait jusqu'alors dans cette ville, route de Besançon, dans un bâtiment à construire sur un terrain contigu et de la réhabilitation de l'ancien supermarché afin d'y créer un magasin spécialisé dans le bricolage. La commission départementale d'aménagement commercial du Jura a émis un avis favorable sur ce projet le 21 juillet 2016. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), saisie sur recours de la société Arbois-Dis, qui exploite à Arbois un supermarché sous l'enseigne U, a également émis un avis favorable le 27 octobre 2016. Par un arrêté du 2 décembre 2016, le maire d'Arbois a délivré à la société AEG Schiever et fils le permis de construire sollicité. La société Arbois-Dis demande l'annulation de ce permis.
Sur la légalité de l'arrêté du maire d'Arbois du 2 décembre 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 23 septembre 2015 : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ;d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ;b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code du commerce que la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs. A titre accessoire, elle peut également prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. Lorsqu'elle est saisie, la CNAC émet un avis sur la conformité du projet aux mêmes critères. Il suit de là que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être accordée que si, eu égard à ses effets, le projet ne compromet pas la réalisation des objectifs prévus par la loi.
En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :
4. La société Arbois-Dis soutient que le projet consomme trop d'espace, qu'il entraînera un accroissement de la circulation routière de nature à rendre ses accès difficiles et dangereux aux heures de pointe et qu'il n'est pas desservi par des transports collectifs et des modes de déplacement économes en émission de dioxyde de carbone.
5. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier que le terrain d'assiette, d'une superficie totale de 31 513 m², est situé entre la route de Besançon et le ruisseau de la Cuisance. Le projet prévoit l'aménagement en espaces verts de la partie du terrain d'assiette longeant les berges de la Cuisance, située en zone inondable et actuellement colonisée par la renouée du Japon, une plante invasive détruisant la flore et la faune indigènes et déstabilisant les berges du cours d'eau. La partie de la parcelle supportant l'ancien bâtiment et sur laquelle devrait être construit le nouveau supermarché se situe quant à elle le long de la route de Besançon dans une zone déjà urbanisée, relativement proche du centre ville d'Arbois et qui formait jusqu'alors une dent creuse dans le bâti environnant assez dense. L'implantation d'un nouveau bâtiment dans cette zone participera ainsi à la densification du tissu urbain. Par ailleurs, la réhabilitation du bâtiment de l'ancien supermarché permettra d'éviter l'apparition d'une friche. Enfin l'aménagement de 42,80 % du terrain d'assiette en espaces verts devrait contribuer à réduire l'impact de la renouée du Japon sur l'environnement d'Arbois. Dans ces conditions, et alors même qu'il est constant que l'emprise au sol des surfaces affectées aux aires de stationnement a augmenté plus que proportionnellement à l'augmentation de la surface de vente, la société Arbois-Dis n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaît l'objectif de consommation économe de l'espace.
6. En deuxième lieu, il ressort du dossier de demande ainsi que des avis émis par la direction départementale du territoire et par le ministre en charge du commerce que le projet devrait engendrer une hausse limitée du trafic automobile, de l'ordre de 371 véhicules supplémentaires par jour. Dans ces conditions, le projet ne devrait pas avoir d'incidence significative sur les axes de circulation environnants, dont la route de Besançon, pas plus que sur ceux de la zone de chalandise, qui sont dimensionnés pour recevoir cette légère augmentation de trafic. Par ailleurs, cette hausse limitée du trafic automobile ne devrait pas rendre plus dangereux les deux accès déjà existants situés au nord et au sud de la parcelle d'assiette.
7. En troisième lieu, il est constant qu'il n'existe actuellement pas de piste cyclable. Par ailleurs, si le site est desservi par le réseau de transport collectif du département, qui assure le transport des scolaires mais également du grand public des communes avoisinantes vers Arbois, les liaisons sont rares. Elles sont surtout quasi inexistantes pendant les vacances scolaires. Enfin, l'arrêt le plus proche se trouve à près de 600 mètres. Le projet est donc difficilement accessible par un moyen de transport autre que la voiture, ce que le pétitionnaire ne conteste d'ailleurs pas puisque, d'après l'étude réalisée à son initiative, la fréquentation des deux magasins sera à 90 % motorisée. Toutefois, Arbois est une commune rurale dans laquelle il n'existe pas de transport intra-urbain. Dans ces circonstances, compte tenu des habitudes de déplacement dans ce secteur accordant une place prépondérance au véhicule individuel, l'absence de desserte du site par une ligne régulière de transport urbain ne saurait suffire pour justifier un refus d'autorisation au regard des dispositions du d) du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce. Au demeurant, le projet essaie de promouvoir la mutualisation des automobiles puisqu'il prévoit la création d'une aire d'auto-partage avec 7 places de stationnement dédiées. Enfin, et en tout état de cause, la zone d'implantation du projet, qui est à une distance du centre-ville comprise entre 400 à 1 000 mètres, est accessible à pied.
En ce qui concerne l'objectif de développement durable :
8. La société Arbois-Dis soutient que l'extension du parking existant va contribuer à l'imperméabilisation des sols, que le projet, qui se situe en zone inondable, aura un impact sur l'écoulement des eaux et sur la sécurité des personnes en cas de crue de la Cuisance, que le projet ne prévoit aucune disposition pour gérer les déchets de chantier et qu'aucune mesure n'a été prise pour limiter les risques de dispersion de la renouée du Japon au cours du chantier.
9. En premier lieu, il ressort du dossier de demande de permis de construire que sur les 95 places de stationnement créées, 22 seront réalisées en dalles perméables engravillonnées. Par ailleurs, la société Arbois Dis a prévu de réserver 42,5 % de la surface du terrain d'assiette aux espaces verts, ce qui est de nature à compenser les inconvénients résultant de l'extension du parking. Par suite, la société Arbois-Dis n'est pas fondée à soutenir que l'artificialisation des sols aurait dû conduire le maire d'Arbois à refuser la délivrance du permis de construire attaqué.
10. En deuxième lieu, le projet se situe en zone 1 AUcz du plan local d'urbanisme, laquelle est réservée aux activités commerciales et de services. Il ressort du règlement applicable qu'une partie de cette zone 1 AUcz est concernée par un risque d'inondation dans laquelle les constructions et extensions sont soumises à des prescriptions spécifiques. Or, le permis de construire en litige impose que le nouveau bâtiment soit implanté hors zone inondable, avec une dalle positionnée au dessus de la côte de référence, sans sous-sol, avec des rayonnages scellés au sol et des clôtures périphériques ajourées. Contrairement aux affirmations de la société Arbois-Dis, le permis de construire est donc assorti d'un certain nombre de prescriptions destinées à assurer la sécurité des personnes en cas d'inondation. Par ailleurs, si la construction d'un nouveau bâtiment et l'extension du parking vont effectivement constituer un obstacle à l'infiltration des eaux en cas de crue de la Cuisance, il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet prévoit la création à l'arrière du nouveau bâtiment d'un bassin de retenue d'une capacité de 150 m3 et que les eaux pluviales et de ruissellement seront évacuées par des tranchées drainantes ou des noues et filtrées par des plantes macrophytes. Le projet prévoit donc des mesures pour pallier une éventuelle crue de la Cuisance.
11. En troisième lieu, il ressort tant du dossier de demande de permis de construire que des explications fournies par le pétitionnaire lors de son audition par la commission départementale d'aménagement commercial du Jura que pour la réalisation des travaux, il sera fait appel à des industriels spécialisés dans le préfabriqué pour éviter les découpes sur place, et donc les déchets, que les poteaux et bardages seront réalisés avec des profils standards, que des bennes seront installées pour faciliter le tri des matériaux, cartons et plastiques, enfin que les bennes à béton seront lavées sur place dans une zone dédiée, la laitance étant ensuite stockée dans des bennes spécialisées avant d'être évacuée en décharge. La gestion des déchets de chantier a donc été prise en considération.
12. En quatrième lieu, lors de son audition devant la commission départementale d'aménagement commercial du Jura, le pétitionnaire a indiqué qu'un trou, creusé à l'arrière du nouveau bâtiment, sera recouvert de géotextile, avant que les plants de renouée du Japon, préalablement broyés, ne soient ensevelis dans ce trou puis recouverts de la terre végétale extraite du terrassement du nouveau bâtiment. Le projet décrit ainsi très précisément les mesures prises pour éviter la prolifération de la renouée du Japon.
En ce qui concerne l'objectif de protection du consommateur :
13. Si la société Arbois Dis soutient que le projet va générer des conflits d'usage entre les clients et les livreurs, il ressort toutefois des affirmations du pétitionnaire, reprises par la direction départementale des territoires que les livraisons s'effectueront en dehors des heures d'ouverture du magasin pour éviter tout croisement entre les poids lourds venant livrer le magasin et les véhicules de la clientèle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Arbois-Dis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2016 par lequel le maire d'Arbois a accordé à la société AEG Schiever et fils un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AEG Schiever et fils, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Arbois-Dis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Arbois-Dis une somme de 1 500 euros à verser à la société AEG Schiever et fils sur le fondement des mêmes dispositions.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Arbois-Dis est rejetée.
Article 2 : La société Arbois-Dis versera à la société AEG Schiever et fils une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arbois-Dis, à la société SA Anciens Etablissements Georges Schiever et fils, à la SCI de la Cuisance, à la commune d'Arbois et à la commission nationale d'aménagement commercial.
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N° 17NC00195