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12/04/2018 | FRANCE | N°16NC00127

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 12 avril 2018, 16NC00127


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1500055 du 26 novembre 2015 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2016, M. et MmeB..., représentés par Me

A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1500055 du 26 novembre 2015 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2016, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal relative à la validité des attestations utilisées par l'administration pour fonder les rectifications en litige ;

3°) d'enjoindre à l'administration fiscale d'effectuer un droit de communication complémentaire auprès d'Electricité de France (EDF) ;

4°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges auraient dû surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal saisi de la contestation sur la validité des attestations utilisées par l'administration pour fonder les rectifications en litige dès lors que l'annulation de ces pièces vicierait ab initio la proposition de rectification ; en outre, le Conseil d'Etat a mis fin au principe d'indépendance des procédures pénale et fiscale dans une décision du 15 avril 2015 ; enfin, le respect du principe de bonne administration de la justice, des droits de la défense et du droit à un procès équitable commandent au juge de l'impôt de surseoir à statuer ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse à la demande de sursis à statuer ;

- en utilisant de fausses attestations d'EDF, l'administration a méconnu le principe de loyauté des débats et de la preuve ; la procédure d'imposition est pour ce même motif irrégulière ;

- les premiers juges n'ont pas respecté le principe de dévolution de la charge de la preuve en l'imposant exclusivement au contribuable ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'ils ont établi avoir déposé une demande de raccordement complète auprès d'EDF en 2010 et que la société Sun Hedios était en mesure de raccorder les installations en 2010 si le gouvernement n'avait pas suspendu les obligations de rachat d'électricité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au juge de l'impôt de surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement pénal ;

- l'administration a régulièrement obtenu d'EDF la communication des informations contenues dans le dossier de demande de raccordement au réseau électrique des installations photovoltaïques ; elle n'a pas méconnu le principe de loyauté des débats et la dévolution de la charge de la preuve a été respectée par le juge de première instance ;

- pour ouvrir droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, les centrales photovoltaïques doivent être livrées, installées et en mesure d'être raccordées au réseau, ce qui suppose le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement auprès d'EDF et la certification par le CONSUEL de l'achèvement et de l'état de fonctionnement des installations avant le 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle les investisseurs sollicitent le bénéfice de cette réduction d'impôt.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martinez,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que M. et MmeB..., qui ont souscrit le 24 juin 2010 au capital d'une société en participation (SEP), ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés dans l'île de La Réunion par ladite société consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique ; que cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Electricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement n° 1500055 du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujetti au titre de l'année 2010 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que M. et Mme B...contestent le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leur demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur le litige fiscal dans l'attente du jugement pénal à intervenir à la suite de la plainte pour faux et usage de faux déposée le 10 mars 2014 par la société Hedios Patrimoine à l'effet de faire reconnaître que les attestations délivrées par la société EDF seraient fausses ; que toutefois, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au juge de l'impôt de surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement pénal statuant sur la validité de documents utilisés par l'administration fiscale pour fonder une procédure d'imposition ; qu'il est par ailleurs constant que les requérants n'ont pas présenté devant le juge administratif une demande en inscription de faux prévue à l'article R 633-1 du code de justice administrative ; que si les dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge, ces dispositions n'ont pas pour objet ni pour effet d'imposer au juge de l'impôt de surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement pénal statuant sur la validité de documents utilisés par l'administration fiscale pour fonder une procédure d'imposition ; qu'en outre, l'appréciation des constatations de fait sur lesquelles le service s'est fondé pour procéder à la remise en cause de la réduction d'impôt, nécessaire à la solution du litige soumis au tribunal, ne justifie pas, en l'espèce, qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'intervention d'une décision de justice statuant sur la plainte pénale de la société Hedios Patrimoine ; qu'enfin, la décision de ne pas surseoir à statuer dans le présent litige en matière d'assiette ne saurait préjudicier à l'éventuelle application des dispositions de l'article R 196-1 c) du livre des procédures fiscales prévoyant sous certaines conditions la prorogation du délai de réclamation contentieuse ; qu'il s'ensuit que le tribunal administratif a pu refuser de surseoir à statuer sans méconnaître le principe de bonne administration de la justice, les droits de la défense ou encore le droit à un procès équitable ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées " ; qu'aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L.34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique " ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales a seulement pour objet de permettre à l'administration fiscale, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé ; que ce droit de communication ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité ; qu'un document de service au sens des dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales s'entend de tout document élaboré dans le cadre des missions de l'organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l'autorité administrative ;

4. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que l'administration fiscale, en se fondant sur des attestations d'EDF inexactes, a méconnu le principe de " loyauté des débats " et que la procédure d'imposition est irrégulière ; qu'il résulte des termes de la proposition de rectification que l'administration a exercé son droit de communication auprès d'EDF afin d'obtenir des informations sur les dates de dépôt de demandes de raccordement complètes, de réception du certificat du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL) et de mise en production effective des centrales photovoltaïques acquises par la société en participation dans laquelle M. et Mme B...ont investi ; que les données recueillies par EDF et transmises à l'administration fiscale constituent des documents de service au sens des dispositions de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales dès lors que l'enregistrement des demandes de raccordement et du courrier de transmission des attestations du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité à cette entreprise relève des obligations de service d'EDF ; qu'enfin, il ne ressort pas de l'instruction que la société EDF aurait transmis des informations inexactes à l'administration fiscale ; qu'il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition et de la méconnaissance du principe de " loyauté des débats " ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 / (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa version applicable au litige : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département ou le territoire d'outre-mer, l'immobilisation, au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, peut être effectivement exploitée et par suite être productive de revenus ; que dans le cas d'une livraison effective, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que le juge de l'impôt se prononce sur l'éligibilité des investissements qui lui sont soumis à la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts au regard des éléments apportés par l'une et l'autre partie ;

6. Considérant, en premier lieu, que des panneaux photovoltaïques ne peuvent être effectivement exploités sans être intégrés dans une installation et raccordés au réseau électrique ; que par suite, en relevant l'absence au 31 décembre 2010 d'une attestation de conformité et d'une demande de raccordement au réseau électrique, l'administration n'ajoute pas aux conditions fixées par la loi fiscale mais se borne à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles les investissements réalisés par la société en participation de M. et Mme B...sont soumis pour pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

7. Considérant, en second lieu, que l'administration fiscale, en se fondant sur les informations contenues dans les attestations susmentionnées et obtenues régulièrement, ainsi qu'il a été dit plus haut, dans le cadre du droit de communication, a estimé que les investissements déclarés ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2010, dès lors qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet d'un raccordement au réseau électrique au 31 décembre 2010, et a remis en cause la réduction d'impôt au titre de cette année ; que les requérants, qui ne contestent pas l'absence de raccordement, se bornent à faire valoir, sans d'ailleurs l'établir, qu'une demande complète de raccordement au réseau a été déposée en 2010 ; que la circonstance, à la supposer même établie, que la société EDF ait suspendu toutes les demandes de raccordement en raison du moratoire suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, prévu par le décret du 9 décembre 2010, est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de la reprise litigieuse de la réduction d'impôt pour les motifs énoncés précédemment ; que le tribunal a ainsi pu à juste titre, sans méconnaître le principe de la loyauté de la preuve et sans renverser la charge de la preuve au profit de l'administration, considérer que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la réduction d'impôt pratiquée à raison des investissements en litige au titre de l'année 2010 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'enjoindre à l'administration fiscale d'exercer à nouveau son droit de communication auprès de la société EDF, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 16NC00127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00127
Date de la décision : 12/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BAUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-12;16nc00127 ?
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