Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1403340 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée, le 16 juin 2017, M. et Mme D...C..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ;
Ils soutiennent que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait pas écarter la comptabilité de la société Nes Trans Eood mais était tenue de mettre en oeuvre la procédure de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales afin de réunir les éléments manquants ; que le choix de l'administration a eu une incidence sur la charge de la preuve ;
- le dirigeant de la société n'a pas personnellement demandé que la vérification de la comptabilité de la société ne se déroule pas sur place ; en ne réalisant pas la vérification dans les locaux de la société, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;
- la société Nes Trans Eood n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de la comptabilité dès lors que l'administration avait admis l'existence d'un établissement stable de la société Nes Trans Eood en France avant de débuter le contrôle ;
- l'imposition résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société est exagérée ;
- les rappels d'imposition au titre de l'impôt sur le revenu ne sont fondés ni sur une déclaration des contribuables ni sur une procédure de rectification concernant le foyer fiscal ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que la société Nes Trans Eood, société unipersonnelle à responsabilité limitée de droit bulgare dont M. C...est gérant et associé unique, exerce une activité de transport routier de marchandises ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, par une proposition de rectification du 31 août 2012, l'administration a considéré que la société disposait d'un établissement stable en France ; qu'après avoir qualifié ladite société de société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, l'administration a évalué d'office les bénéfices industriels et commerciaux et les a imposés au titre de l'impôt sur le revenu entre les mains de M. C...; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu, pour l'écarter, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales soulevé par M. et Mme C..., en indiquant que l'administration pouvait se fonder sur les éléments obtenus au cours de la vérification de comptabilité et dans le cadre de l'exercice du droit de communication pour établir les impositions litigieuses ; que par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que l'administration était tenue de mettre en oeuvre la procédure de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales afin d'obtenir les éléments qui lui étaient nécessaires pour justifier de l'existence d'un établissement stable de la société Nes Trans Eood en France ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a mis en oeuvre ses pouvoirs de contrôle dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société Nes Trans Eood en exerçant son droit de communication, en adressant des demandes de renseignements non contraignantes et en sollicitant des demandes d'assistance administrative internationale ; que l'administration n'était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure de la visite domiciliaire et de saisie de documents prévue par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a pu disposer des documents et informations lui permettant de déterminer les rehaussements en litige ; que la société Nes Trans Eood pouvait, au cours de la vérification de la comptabilité, apporter tous éléments utiles complémentaires qu'elle estimait nécessaire de porter à la connaissance de l'administration ; que par suite, la procédure est sur ce point régulière ;
4. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la présente procédure : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; que ces dispositions ont pour conséquence que la vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, en présence de personnes habilitées à la représenter, sauf dans le cas où l'administration, à la demande du contribuable, procède à cette vérification dans un lieu extérieur à l'entreprise, où se trouve la comptabilité ;
5. Considérant d'une part, qu'il n'est pas contesté que par courrier du 2 décembre 2011, le cabinet d'avocats Hincker a informé l'administration fiscale que la société Nes Trans Eood était sa mandante en vue notamment de la représenter au cours des opérations de contrôle diligentées par l'administration ; que plusieurs courriers ont été échangés entre M. B...et l'administration fiscale tout au long de la vérification de la comptabilité ; que si les requérants contestent la qualité d'avocat de M.B..., agissant au nom du cabinet d'avocats Hincker, ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause la réalité du mandat et la qualité dudit cabinet en tant que personne habilitée à représenter la société Nes Trans Eood ; qu'il suit de là que l'administration fiscale a régulièrement pu considérer que M. B...représentait la société contribuable au cours de la procédure d'imposition ; que, d'autre part, les requérants soutiennent que la société Nes Trans Eood n'a pas été informée des demandes d'assistance internationale et de leurs résultats au cours de la vérification de la comptabilité la concernant ; qu'ils considèrent que l'administration avait admis dès le début des opérations de contrôle l'existence d'un établissement stable en France et qu'ils ont été privés d'un débat oral et contradictoire ; qu'il résulte de l'instruction que le représentant de la société Nes Trans Eood s'est vu remettre un avis de vérification de comptabilité le 9 novembre 2011, reçu le 10 novembre 2011 ; qu'une copie de l'avis de vérification a également été adressée au siège de la société en Bulgarie ; que les deux premières interventions se sont déroulées les 1er décembre 2011 et 2 février 2012 dans les locaux dont dispose en France la société Nes Trans Eood ; que par courrier électronique du 1er mars 2012, le cabinet d'avocats Hincker a demandé à l'administration fiscale que l'intervention prévue le 7 mars 2012 se déroule dans les locaux du cabinet d'expertise comptable ; que la réunion de synthèse du 28 août 2012 s'est déroulée dans les locaux de l'administration ; que M.C..., gérant de la société Nes Trans Eood a été présent à chacune de ces quatre interventions et ne s'est pas opposé à ce que la rencontre du 7 mars 2012 et le dernier entretien ne se déroulent pas dans les locaux de l'entreprise ; qu'en outre, au cours des deux premières rencontres avec le vérificateur, les indices de l'existence d'un établissement stable en France ont été discutés avec M. C...et son conseil ; qu'après la première intervention, un courrier du 16 janvier 2012 a été adressé par l'administration au cabinet d'avocats Hincker précisant les éléments ayant justifié l'ouverture d'une vérification de comptabilité ; que lors de l'entrevue du 7 mars 2012, les réponses des clients de la société Nes Trans Eood obtenues dans le cadre des demandes de renseignements non contraignantes ont été discutées avec M. C...et son conseil ; qu'au cours de la réunion de synthèse du 28 août 2012, la vérificatrice a exposé les résultats de la demande d'assistance internationale auprès des autorités allemandes ; que l'administration n'ayant pu obtenir de réponses des autorités bulgares, elle n'était pas en mesure de porter les résultats à la connaissance de M. C... ; que les requérants n'établissent pas ni même n'allèguent sérieusement que la vérificatrice se serait opposée à tout échange de vue avec M. C...ou aurait eu un point de vue partial ; qu'eu égard aux conditions dans lesquelles s'est déroulée la vérification de la comptabilité de la société Nes Trans Eood, la société a bénéficié d'un débat oral et contradictoire et la procédure n'est pas entachée d'irrégularité ;
6. Considérant enfin que les requérants soutiennent que la réunion de synthèse a eu lieu dans les locaux de l'administration où ne se trouvait pas la comptabilité ; qu'il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été signé le 2 février 2012 ; que le 7 mars 2012, M. C...a produit un courrier du cabinet comptable gérant la comptabilité de la société en Bulgarie indiquant que les documents comptables ne peuvent quitter la Bulgarie ; que si la réunion de synthèse du 28 août 2012 s'est déroulée dans les locaux de l'administration, il est constant qu'aucun document comptable n'a été examiné au cours de cette dernière entrevue ; que dans ces conditions, l'administration n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales en portant à la connaissance de M.C..., en sa qualité de gérant, les résultats de son contrôle dans des locaux où ne se trouvait pas la comptabilité de l'entreprise ;
7. Considérant en troisième lieu que M. et Mme C...soutiennent que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été irrégulièrement mises à leur charge dès lors qu'ils n'ont pas fait l'objet d'un contrôle de leurs déclarations et d'une proposition de rectification adressée à leur foyer fiscal ;
8. Considérant d'une part qu'aux termes du 3 de l'article 206 du code général des impôts : " Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues par l'article 239 : (...) e) les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique (...) " ; qu'aux termes de l'article 239 du même code : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. Dans ce cas, l'impôt sur le revenu dû par les associés en nom, commandités, coparticipants, l'associé unique de société à responsabilité limitée et les associés d'exploitations agricoles est établi suivant les règles prévues aux articles 62 et 162. / L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés. (...) Dans tous les cas, l'option exercée est irrévocable " ; qu'aux termes de l'article 8 du même code : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société " ;
9. Considérant d'autre part, que les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondants à leurs droits dans la société ; que d'après l'article 60 de ce code, les sociétés de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels ; qu'en vertu de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci ; que les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles d'une part, les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une proposition de rectification motivée, et d'autre part, le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur le redressement notifié, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des résultats sociaux régulièrement déclarés par cette société, au regard de la comptabilité qu'elle doit tenir en vertu de l'article 60 du code général des impôts ; que l'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés ; que toutefois, dans le cas d'une société à responsabilité limitée, dont le gérant était l'unique associé, l'administration n'a pas à réitérer à son égard la notification précédemment adressée à la société ;
11. Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Nes Trans Eood a disposé d'un établissement stable en France au titre des années 2009 et 2010, comme l'établit l'administration fiscale ; que la société Nes Trans Eood est une société unipersonnelle à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ; qu'ainsi, la société peut, par sa forme sociale et ses caractéristiques, être assimilée à une société de personnes ; qu'en outre, elle n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ; que par conséquent, en application des articles 239 et 8 du code général des impôts, M.C..., en sa qualité d'associé unique de la société Nes Trans Eood est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux réalisés en France correspondant à ses droits dans la société ; que par une même proposition de rectification du 31 août 2012 adressée au représentant de la société Nes Trans Eood, au domicile de M. et MmeC..., l'administration a notifié les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Nes Trans Eood au titre de son établissement stable en France et les rehaussements d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. C... ; qu'eu égard à ses fonctions exercées dans le cadre de la gérance de la société Nes Trans Eood, M. C...a ainsi été informé des rectifications concernant son foyer fiscal ; qu'une telle information était opposable à l'ensemble du foyer fiscal en application de l'article 6 du code général des impôts, quand bien même Mme C...ne disposait pas de droits sociaux propres dans la société ; qu'il suit de là que l'administration, qui a tiré les conséquences du contrôle de la société Nes Trans Eood, n'était pas tenue de réitérer à l'égard de M. et Mme C...la notification précédemment adressée à ladite société ;
En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 " ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'absence de tout document comptable produit par la société Nes Trans Eood lors des opérations de contrôle, l'administration, après avoir dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité le 2 février 2012, a procédé, dans le cadre de la procédure d'évaluation d'office, à la reconstitution de son chiffre d'affaires à partir des relevés bancaires de ladite société ; qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il incombe aux requérants, ainsi que l'a admis à juste titre le tribunal, d'établir l'exagération des impositions ;
14. Considérant que le moyen tiré de l'exagération des bases d'imposition résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société Nes Trans Eood n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
2
N° 17NC01418