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25/09/2018 | FRANCE | N°16NC02123

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16NC02123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain (SOLOREM) et la communauté urbaine du Grand Nancy ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner in solidum les sociétés Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est, Eiffage Construction Métallique et l'Agence Nicolas G...et Associés à leur verser les sommes de :

- 260 429,35 euros HT en réparation des préjudices causés par les désordres affectant les portes de la galerie Artem ;

- 7 740,16 euros HT correspondant aux fra

is d'expertise.

Par un jugement n° 1402036 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain (SOLOREM) et la communauté urbaine du Grand Nancy ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner in solidum les sociétés Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est, Eiffage Construction Métallique et l'Agence Nicolas G...et Associés à leur verser les sommes de :

- 260 429,35 euros HT en réparation des préjudices causés par les désordres affectant les portes de la galerie Artem ;

- 7 740,16 euros HT correspondant aux frais d'expertise.

Par un jugement n° 1402036 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2016 et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 mars 2018, la SOLOREM et la communauté urbaine du Grand Nancy devenue Métropole du Grand Nancy, représentées par Me B...de la SELARL CabinetB... - B... Neveu et Associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 juillet 2016 ;

2°) de condamner in solidum les sociétés Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est, Eiffage Construction Métallique et l'Agence Nicolas G...et Associés à leur verser la somme de 260 429,35 euros HT, assortie des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices causés par les désordres affectant les portes de la galerie Artem ;

3°) de les condamner in solidum au versement de la somme de 7 740,16 euros HT correspondant aux frais d'expertise ;

4°) de mettre à leur charge le versement à chacune d'elles d'une somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient de leur qualité pour agir ;

- dès lors que la convention publique d'aménagement entre le Grand Nancy et la SOLOREM portait exclusivement sur la réalisation d'ouvrages et d'équipements devant revenir à la personne publique, c'est à tort que les premiers juges ont écarté la théorie du mandat pour considérer que le litige relevait de la compétence de l'ordre judiciaire ;

- la responsabilité de la société Eiffage Construction Métallique est engagée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement en application de l'article 44-1 du cahier des clauses administratives générales " travaux " et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale, dès lors que les désordres affectant les vantaux des six portes de passage de la galerie Artem rendent l'ouvrage impropre à sa destination, et enfin, à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement dès lors que ces désordres sont intervenus avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage ;

- la responsabilité de la société Egis Concept, de la société Egis Bâtiments Grand Est et de l'Agence Nicolas G...et Associés est engagée, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle à raison de leur défaillance lors des opérations de réception dès lors qu'elles n'ont pas attiré l'attention du maître d'ouvrage sur les réserves précises devant assortir la réception, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale à raison de leurs carences dans l'exécution de leurs prestations, précisément identifiées dans le rapport d'expertise ;

- les désordres sont imputables aux maîtres d'oeuvre dès lors que, selon le rapport d'expertise, la société Egis Concept a fait le choix, validé par l'Agence Nicolas G...et Associés, de remplacer les portes automatiques coulissantes, solution technique mieux adaptée, par des portes battantes ;

- les désordres sont également imputables à l'entrepreneur qui a accepté le choix technique de portes de passage non adaptées et finalement défectueuses ;

- le préjudice s'élève à la somme totale de 260 429, 35 euros HT, correspondant au coût des travaux de reprise incluant le montant du marché passé avec la société Laugel pour le remplacement des portes de passage et des portes de secours et le coût de la prestation de gardiennage de février à décembre 2013 ;

- le principe de la condamnation in solidum des défendeurs doit être retenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 18 avril 2018 et 19 juin 2018, l'Agence Nicolas G...et Associés, représentée par MeA..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SOLOREM

et de la Métropole du Grand Nancy le versement par chacune de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre plus subsidiaire, à ce que les sociétés Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est,

Eiffage Metal, venant aux droits de Eiffage Construction Métallique, et le Bureau Veritas soient condamnés à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et déboutées de l'ensemble de leurs conclusions ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, après avoir en tout état de cause limité le montant des

désordres aux sommes de 42 113,10 euros pour le remplacement de six portes de passage et les travaux d'adaptation des trois portes de secours, à prononcer à son encontre une condamnation retenant que sa part de responsabilité ne saurait excéder 5 %.

Elle soutient que :

- les juridictions administratives sont incompétentes pour connaître du litige dès lors que la SOLOREM, personne morale de droit public, agissait pour son propre compte ;

- l'obligation de parfait achèvement ne pèse que sur les entrepreneurs, tandis que la responsabilité du maître d'oeuvre ne peut être recherchée dès lors que les désordres n'étaient pas apparents à la date de la réception et que le maître d'oeuvre n'en avait pas eu connaissance au préalable ; en tout état de cause, elle est totalement étrangère aux désordres affectant les portes en litige, lesquelles relèvent de la seule maîtrise d'oeuvre de la société Egis Concept ;

- les sociétés Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est, Eiffage Construction Métallique et le Bureau Véritas doivent, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, délictuelle voire quasi-délictuelle, la garantir intégralement des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires ;

- les sociétés Egis Concept et Egis Bâtiments Grand Est doivent la garantir au titre de leur responsabilité contractuelle et, subsidiairement, au titre de leur responsabilité délictuelle voire quasi-délictuelle si le tribunal considérait que le groupement était contractuellement lié au seul maître d'ouvrage et non aux membres entre eux ;

- la société Egis Concept était seule en charge de la maîtrise d'oeuvre complète du lot ;

- la société Eiffage Construction Métallique doit la garantir au titre de sa responsabilité délictuelle ;

- l'entrepreneur a un devoir de conseil envers le maître d'ouvrage qui n'est pas notoirement expert en matière de construction ;

- l'entrepreneur n'est pas un exécutant aveugle mais un exécutant technique qui doit avoir pleine connaissance des matériaux qu'il emploie ;

- la société Eiffage Construction Métallique, qui avait la charge des études d'exécution et a conçu les portes, n'a jamais émis la moindre difficulté, ni réserve quant à l'impossibilité d'installer des portes sans butée de sorte que sa responsabilité est prépondérante ;

- le Bureau Véritas doit la garantir au titre de sa responsabilité délictuelle ;

- le contrôleur technique n'a jamais fait état d'un problème de solidité des portes et de sécurité des personnes, ce qui relevait bien de sa mission " solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables " et, en tout état de cause, de sa mission " sécurité des personnes " ;

- un éventuel partage de responsabilité entre l'Agence Nicolas G...et les sociétés Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est, Eiffage Construction Métallique et le Bureau Véritas, ne pourra excéder 5% à son encontre ;

- la SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy sollicitent la condamnation des défendeurs à leur payer diverses sommes alors que seule l'une d'entre elles à vocation à supporter le paiement des travaux de reprise, du gardiennage et les frais de l'expertise ;

- le montant des travaux de reprise des désordres nécessaires ne saurait excéder la somme totale de 42 113, 10 euros HT correspondant au remplacement des six portes de passage et aux travaux d'adaptation des trois portes de secours ;

- la SOLOREM et la communauté urbaine du Grand Nancy sont seules responsables des frais de gardiennage, évalués à hauteur de 194 252, 35 euros, puisqu'elles n'ont pas laissé le temps aux entreprises d'intervenir dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et qu'il n'était pas nécessaire de procéder à la dépose des portes ; les conditions d'engagement de sa responsabilité in solidum ne sont pas réunies dès lors que ce préjudice ne lui est pas imputable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 juin 2018, les société Egis Bâtiments Grand Est et Egis Concept, représentées par MeE..., concluent :

1°) au rejet de la requête, à ce que les opérations d'expertise soient déclarées nulles et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SOLOREM et de la Métropole du Grand Nancy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°) à titre plus subsidiaire, à ce que les sociétés SOLOREM, l'Agence Nicolas G...et associés, la société Eiffage Construction Métallique et le Bureau Véritas soient condamnées in solidum à les garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre, en limitant leur responsabilité à 5 % ;

3°) au rejet des appels en garantie formés à leur encontre et à ce que la SOLOREM, l'Agence Nicolas G...et Associés, la société Eiffage Construction Métallique et le Bureau Véritas soient condamnées à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre.

Elles soutiennent que :

- la Métropole du Grand Nancy, qui n'était signataire d'aucune des deux conventions d'aménagement et qui n'était pas partie en première instance, ne justifie pas d'une qualité pour agir ;

- la Métropole du Grand Nancy n'est pas recevable à rechercher la responsabilité des locateurs d'ouvrages ;

- faute de production des conventions de mise à disposition et de prolongation de gestion, la SOLOREM ne justifie pas d'une qualité pour agir ;

- les appelants doivent justifier des faits et des fondements juridiques de leur action ;

- les opérations d'expertise sont entachées de nullité dès lors que la règle du contradictoire n'a pas été respectée, que l'expert n'a pas cerné la mission qui lui était dévolue, que les conclusions contenues dans son rapport méconnaissent la situation contractuelle des parties, qu'il n'a pas analysé leurs dires, qu'il a justifié à tort les dépenses de gardiennage et qu'il s'est abstenu de donner son avis sur les causes des désordres ;

- en outre, la SOLOREM n'ayant pas qualité pour agir en référé, l'ordonnance doit être déclarée nulle et les opérations d'expertise également ;

- eu égard au caractère privé des conventions d'aménagement comme des marchés de travaux et de maîtrise d'oeuvre passés entre la SOLOREM et les entreprises et la maîtrise d'oeuvre, le litige relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

- la convention de 2004 est nulle, de sorte que la SOLOREM et la Métropole de Nancy ne peuvent se prévaloir d'un mandat ;

- en diligentant une expertise et en déposant les portes sans ménagement, la SOLOREM n'a pas mis la société Eiffage en mesure de remédier aux désordres dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ;

- la première convention d'aménagement notifiée à la SOLOREM le 30 mars 2004 est illégale ;

- en faisant remplacer les portes par d'autres, la SOLOREM a supprimé l'ouvrage dont elle revendique la garantie de parfait achèvement ;

- les appelantes n'apportent pas la preuve de la nécessité de changer les portes ;

- en tout état de cause, seule l'entreprise Eiffage est responsable de la garantie de parfait achèvement ;

- faute de lien contractuel entre la maîtrise d'oeuvre et la Métropole du Grand Nancy, l'action en responsabilité contractuelle est fermée à cette dernière ;

- il appartient à la SOLOREM de justifier des fondements de son action à leur encontre sur le fondement de la garantie décennale ;

- il appartenait à l'entreprise d'alerter le maître d'oeuvre et le maître de l'ouvrage de l'impossibilité de répondre à la demande de portes sans butées au sol mais avec des butées en tête ;

- dès lors qu'elles avaient donné instruction de supprimer les butées en pieds mais de les reporter en tête de porte et que les défauts n'étaient pas détectables, aucun défaut de conseil lors des opérations de réception ne peut être reproché à Egis ;

- la Conception des portes relevait de l'entreprise Eiffage, qui a accepté de les réaliser avec le visa de l'Agence Nicolas G...et Associés sur les plans de l'entreprise ;

- leur responsabilité décennale ne saurait être engagée ;

- le démontage et le remplacement de toutes les portes par de nouvelles au mécanisme différent n'était pas justifié et elles n'établissent pas leur demande ;

- les frais de gardiennage n'auraient pas été utiles si la SOLOREM avait mis en demeure la société Eiffage de remédier à ses frais aux désordres et n'avaient pas démonté toutes les portes en faisant fi des solutions qui lui étaient proposées ;

- les désordres survenus ne sont pas imputables à la maîtrise d'oeuvre et la part de responsabilité d'Egis Concept ne saurait excéder 5 % ;

- aucune condamnation solidaire ne saurait être prononcée dès lors que la maîtrise d'oeuvre n'a pas de responsabilité dans la conception des portes et qu'elle n'est pas réalisatrice de l'ouvrage ;

- la responsabilité du Bureau Veritas est engagée ;

- l'appel en garantie de l'Agence Nicolas G...et Associés à leur encontre devra être rejeté dès lors qu'il ne repose sur aucun grief et que le lot en cause était principalement à sa charge, avec la participation d'Egis Concept ;

- l'appel en garantie éventuel de la société Eiffage à leur encontre, qui ne repose sur aucune faute, devra être rejeté ;

- l'appel en garantie éventuel du Bureau Veritas à leur encontre, qui ne repose sur aucune faute, devra être rejeté ; en tout état de cause, il n'y a pas de responsabilité extra contractuelle entre les deux sociétés Egis ;

- elles sont en revanche bien fondées à appeler en garantie l'Agence Nicolas G...et Associés, qui avait en charge le lot incriminé et a procédé au choix des portes automatiques ainsi qu'au visa des plans d'exécution de la société Eiffage, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

- elles sont également fondées à appeler en garantie la société Eiffage, qui a conçu les portes et les a réalisées par l'intermédiaire de son sous-traitant, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;

- elles sont enfin fondées à appeler en garantie le Bureau Veritas, qui a contrôlé le fonctionnement des portes ;

- les condamnations intervenant sur leurs appels en garantie devront être prononcées in solidum ;

- en déposant les portes et en les stockant dans des conditions anormales, la SOLOREM a commis une faute justifiant qu'elles l'appellent en garantie ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2018, la société Eiffage Métal, venant aux droits de la société Eiffage Construction Métallique, représentée par MeF..., conclut :

1°) au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la SOLOREM et de la Métropole du Grand Nancy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°) à titre subsidiaire, à ce que l'Agence Nicolas G...et Associés, la société Egis Bâtiment Grand Est, la société Egis Concept et la société Bureau Veritas soient condamnées à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, au rejet des demandes de ces mêmes sociétés en tant qu'elles seraient dirigées contre elle et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à leur charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3°) à titre plus subsidiaire, à ce que, dans l'éventualité d'un partage de responsabilité, la part retenue à son encontre n'excède pas 5 %, en limitant à 42 113,10 euros le montant des réparations auxquelles les appelantes principales pourraient avoir droit.

Elle soutient que :

- dès lors que la SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy ne précisent pas qui serait le destinataire des sommes sollicitées, leur requête est irrecevable ;

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige ;

- elle devra être mise hors de cause dès lors que la SOLOREM l'a empêchée de remédier, comme elle s'y était engagée, au désordre qui était apparu dans le délai de la garantie de parfait achèvement ;

- la société Eiffage Construction Métallique est totalement étrangère au choix de mise en oeuvre des portes battantes sur pivot de sol ;

- les conclusions de l'expert sont sujettes à caution dès lors que la SOLOREM a détruit tous les éléments de preuve en procédant à la dépose des portes sans convoquer contradictoirement les parties ;

- ses appels en garantie sont fondés dès lors que les responsabilités pèsent exclusivement ou, à tout le moins, de façon extrêmement majoritaire, sur la maîtrise d'oeuvre et le contrôleur technique ;

- les appelantes ne sont en tout état de cause pas fondées à demander une somme excédant la somme de 42 113,10 euros retenue par l'expert judiciaire ;

- elles ne justifient pas du caractère avéré des frais de gardiennage, décidés unilatéralement et qui n'étaient pas utiles.

Un mémoire, présenté par le Bureau Veritas, représenté par MeH..., a été enregistré le 23 avril 2018.

Le Bureau Veritas demande sa mise hors de cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., de la SELARL Cabinet B...-B...Neveu et Associés, pour la SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy, de MeD..., pour les sociétés Egis Bâtiments Grand Est et Egis Concept, et de Me C..., pour la société Agence Nicolas G...et Associés.

Une note en délibéré présentée pour la SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy a été enregistrée le 5 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 mars 2004, la communauté urbaine du Grand Nancy a conclu avec la Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain (SOLOREM) une convention d'aménagement du quartier Haussonville-Blandan à Nancy, sur une surface d'environ 10,5 hectares comportant l'acquisition par cette société des biens immobiliers situés dans le périmètre de la zone d'aménagement, la mise en oeuvre d'un programme destiné à installer le projet universitaire " Artem " conçu autour du regroupement de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Nancy, de l'Institut Communal de Nancy, de l'Ecole Supérieure d'Art de Nancy, de diverses composantes ou de laboratoires de recherches dépendant de l'Université de Nancy 2 ou de l'Institut National Polytechnique de Lorraine, ainsi que la réalisation des équipements d'accompagnement associés à ce projet. Par un contrat conclu le 22 novembre 2006, la SOLOREM a confié la maîtrise d'oeuvre urbaine de ce projet, comprenant notamment la maîtrise d'oeuvre des espaces publics intérieurs et extérieurs de l'ouvrage intitulé " galerie Artem " situé en bordure de la rue du sergent Blandan, à un groupement ayant pour mandataire la société Agence Nicolas G...et Associés et dont faisaient partie les sociétés OTH Est, devenue Egis Bâtiments Grand Est et Patmo, devenue Egis Concept. Le Bureau Veritas a été chargé par la SOLOREM du contrôle technique de la construction de la galerie par contrat du 15 septembre 2008. La société Eiffage Construction Métallique a été chargée par la SOLOREM de réaliser les travaux de superstructure de la galerie Artem, composés d'une tranche ferme, relative à la réalisation des tronçons A et B de la galerie, et de deux tranches conditionnelles, relatives aux tronçons C et D de la galerie, par un marché conclu le 16 mars 2010. Postérieurement à la réception des travaux, des désordres, liés aux chutes des portes de la galerie, ont affecté l'ouvrage. La SOLOREM et la communauté urbaine du Grand Nancy ont demandé au tribunal administratif de Nancy la condamnation in solidum des sociétés Agence Nicolas G...et Associés, Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est et Eiffage Construction Métallique à leur verser la somme globale de 260 429,35 euros en réparation du coût des travaux de reprise et de gardiennage consécutifs à ces désordres. Par un jugement du 21 juillet 2016, dont relèvent appel la SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy, qui a succédé à la communauté urbaine du Grand Nancy, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

2. Le titulaire d'une convention conclue avec une collectivité publique pour la réalisation d'une opération d'aménagement ne saurait être regardé comme un mandataire de cette collectivité. Il ne peut en aller autrement que s'il résulte des stipulations qui définissent la mission du cocontractant de la collectivité publique ou d'un ensemble de conditions particulières prévues pour l'exécution de celle-ci, telles que le maintien de la compétence de la collectivité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisation de l'opération ou la substitution de la collectivité publique à son cocontractant pour engager des actions contre les personnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats, que la convention doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel la collectivité publique demande seulement à son cocontractant d'agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure les contrats nécessaires.

3. Par la convention conclue le 23 mars 2004, la communauté urbaine du Grand Nancy a chargé la SOLOREM, de réaliser l'opération d'aménagement décrite ci-dessus. Ni la définition des missions confiées à la SOLOREM, qui devait procéder aux opérations foncières nécessaires à l'opération, administrer la vente des terrains équipés, les céder, les concéder ou les louer à leurs différents utilisateurs, au nombre desquels pouvaient figurer des collectivités publiques, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme mais également des concessionnaires de services publics ainsi que d'autres bénéficiaires de cessions, locations ou concessions d'usage des terrains aménagés, ni les conditions prévues pour leur exécution, lesquelles permettaient notamment de couvrir les charges supportées par la SOLOREM pour la réalisation de l'opération par le produit des cessions, concessions d'usage et des locations des terrains acquis par elle et viabilisés, ne permettent de regarder cette convention comme ayant en réalité pour objet de confier à la SOLOREM le soin d'agir au nom et pour le compte de la communauté urbaine du Grand Nancy, devenue Métropole du Grand Nancy. La circonstance, alléguée par les requérantes, selon laquelle l'opération d'aménagement n'a finalement comporté la construction d'aucun bâtiment destiné à être remis à des personnes privées n'est pas, par elle-même, de nature à faire regarder la convention comme un contrat de mandat. Par conséquent, les contrats passés par la SOLOREM, personne morale de droit privé, pour les opérations de construction au sein de la zone d'aménagement du quartier Haussonville / Blandan, que celles-ci aient ou non le caractère d'opérations de travaux publics, sont des contrats de droit privé. En conséquence, les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

4. Il résulte de ce qui précède que la SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement du 21 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il n'y a pas lieu, par suite, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires présentées par les autres parties.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Agence NicolasG..., Egis Concept, Egis Bâtiments Grand Est, Eiffage Construction Métallique, qui ne sont pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement des sommes que la SOLOREM, la Métropole du Grand Nancy et le Bureau Veritas demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SOLOREM et de la Métropole du Grand Nancy le versement d'une somme de 1 500 euros, d'une part, à la société Agence Nicolas G...et Associés, d'autre part, à la société Eiffage Construction Métallique, enfin aux sociétés Egis Concept et Egis Bâtiments Grand Est sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOLOREM et de la Métropole du Grand Nancy est rejetée.

Article 2 : La SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy verseront à la société Agence Nicolas G...et Associés une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy verseront à la société Eiffage Construction Métallique une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La SOLOREM et la Métropole du Grand Nancy verseront aux sociétés Egis Concept et Egis Bâtiments Grand Est une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOLOREM, à la Métropole du Grand Nancy, à la société Agence Nicolas G...et Associés, à la société Eiffage Construction Métallique, à la société Egis Concept, à la société Egis Bâtiments Grand Est et au Bureau Veritas.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

No 16NC02123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02123
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-03-01-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Contrats. Contrats de droit privé. Contrats conclus entre personnes privées.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : HOFMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-09-25;16nc02123 ?
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