Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... Del Popolo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg sur sa demande du 8 octobre 2015 tendant à l'obtention d'un avancement d'échelon.
Par un jugement n° 1507013 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2016, un mémoire ampliatif enregistré le 25 juillet 2018 et deux mémoires en réplique enregistrés le 18 septembre 2018 et le 8 octobre 2018, M. B... Del Popolo, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 septembre 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision contestée ;
3°) de prononcer une astreinte à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral résultant des agissements discriminatoires dont il a fait l'objet au cours de sa carrière.
Il soutient que :
- le signataire du mémoire en défense n'a pas qualité pour agir ;
- l'arrêté du 8 août 2013 prononçant son licenciement pour abandon de poste a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 juin 2018 qui a enjoint à l'administration de prendre les mesures nécessaires à la reconstitution de sa carrière ;
- la fiche individuelle de carrière et l'arrêté du 29 mai 2009, produits en défense par l'administration, comporte des informations nominatives qui ont été recueillies sans la consultation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;
- il est fondé à demander la reconstitution de sa carrière.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2018, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'annulation, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 juin 2018, de l'arrêté du 8 août 2013 prononçant le licenciement de M. Del Popolo pour abandon de poste emporte l'annulation par voie de conséquence de la décision lui refusant un avancement d'échelon dès lors que celle décision n'aurait pu être prise en l'absence de l'arrêté annulé.
Par un mémoire enregistré le 7 novembre 2018, M. Del Popolo a présenté ses observations sur le moyen relevé d'office.
Par une ordonnance du 20 septembre 2018, l'instruction a été close à la date du 9 octobre 2018.
M. Del Popolo a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2016 modifiée le 20 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2009-1389 du 11 novembre 2009 ;
- le décret n° 2011-1252 du 7 octobre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. Del Popolo, secrétaire administratif affecté à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg, a été licencié pour abandon de poste par un arrêté de la ministre de la justice du 8 août 2013. L'intéressé a saisi la direction interrégionale le 8 octobre 2015 en vue de bénéficier des avancements d'échelon auxquels il estime avoir droit depuis le 11 janvier 2011. En l'absence de réponse de l'administration, M. Del Popolo a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en vue d'obtenir l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande, ainsi que la condamnation de l'Etat à réparer ses préjudices pour un montant de 50 000 euros. Il relève appel du jugement du 28 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté l'ensemble de ses conclusions.
Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par la ministre de la justice :
2. Par une décision du 6 juillet 2018 publiée au Journal officiel de la République française du 12 juillet 2018, M. D...A..., adjoint au chef du bureau du contentieux administratif, a reçu délégation pour signer au nom de la ministre de la justice l'ensemble des actes relevant du bureau du contentieux administratif et du conseil de la sous-direction des affaires juridiques générales et du contentieux, à l'exclusion des décrets. La fin de non recevoir opposée par M. Del Popolo au mémoire en défense présenté par l'administration ne peut donc qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. Del Popolo a été classé, le 23 avril 2010, au 7ème échelon de la classe normale de son grade de secrétaire administratif, laquelle compte treize échelons. Il n'est pas contesté par l'administration que l'intéressé n'a plus fait l'objet d'avancement d'échelon par la suite, dès lors qu'il a été licencié pour abandon de poste le 8 août 2013. Eu égard à la durée du 7ème échelon, M. Del Popolo aurait bénéficié d'un avancement d'échelon avant le 8 octobre 2015, date de sa demande, s'il n'avait pas été licencié le 8 août 2013. La décision refusant cet avancement au requérant n'aurait donc pu être prise en l'absence de l'arrêté du 8 août 2013 prononçant le licenciement de M. Del Popolo. Par suite, l'annulation de cet arrêté, par un arrêt de la présente cour du 5 juin 2018, emporte l'annulation de la décision contestée.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
5. M. Del Popolo a demandé l'indemnisation de ses préjudices devant le tribunal administratif sans avoir préalablement adressé une demande ayant cet objet à l'administration. Devant les premiers juges, la ministre de la justice a conclu au rejet des conclusions indemnitaires de l'intéressé en invoquant leur irrecevabilité à titre principal pour défaut de liaison du contentieux, et en ne défendant au fond qu'à titre subsidiaire. Par suite et en l'absence de décision préalable, les conclusions indemnitaires de M. Del Popolo sont irrecevables.
Sur les conclusions tendant à ce que la cour prononce une astreinte :
6. A supposer que M. Del Popolo ait entendu saisir la cour de conclusions à fin d'injonction, le présent arrêt, qui annule la décision refusant de procéder à son avancement d'échelon, n'implique pas d'autres mesures, pour son exécution, que celles qui ont déjà été ordonnées par la cour en exécution de son arrêt annulant l'arrêté du 8 août 2013 prononçant son licenciement et qui visent à la reconstitution de sa carrière. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas soutenu par le requérant que l'administration se serait refusée à prendre lesdites mesures. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que la cour prononce une astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. Del Popolo est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation.
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite rejetant la demande de M. Del Popolo du 8 octobre 2015 est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1507013 du 28 septembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Del Popolo et à la ministre de la justice, garde des sceaux.
Copie en sera adressée à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg.
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N° 16NC02449