Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A..., l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Bas-Rhin et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 septembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a autorisé le licenciement de Mme A..., la décision implicite née le 28 mars 2015 du silence gardé par le ministre du travail et rejetant le recours hiérarchique formé contre l'autorisation de licenciement et la décision expresse du 16 avril 2015 par laquelle le ministre du travail a confirmé le rejet du recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1502853 du 10 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2017, Mme C...A..., l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Bas-Rhin et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 mai 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 25 septembre 2014, 28 mars 2015 et 16 avril 2015 ;
3°) de mettre le versement d'une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat et d'une somme de même montant à la charge de la société Garage Louis Grasser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le ministre du travail ne pouvait, par sa décision du 16 avril 2015, confirmer l'autorisation de licenciement, en retenant une meilleure motivation, sans procéder au retrait de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique ;
- la décision du ministre du travail du 16 avril 2015 est tardive ;
- la décision de l'inspecteur du travail est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire, en l'absence de transmission de la demande d'autorisation de licenciement à Mme A... ;
- cette décision est entachée de partialité dès lors que l'inspecteur du travail s'est référé à des faits prescrits survenus en 2009, que ces faits ont donné lieu à une sanction annulée par le juge administratif, que l'enquête a été conduite à charge dans les locaux de l'entreprise, qu'il est établi que la société Garage Louis Grasser a commis un délit d'entrave ;
- l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en prenant en compte dans sa décision des faits qui n'étaient pas mentionnés à l'appui de la demande de licenciement ;
- la réalité des faits reprochés à Mme A...n'est pas établie ;
- elle n'a pas commis de faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- le licenciement de Mme A...présente un lien avec l'exercice de ses mandats de représentation ;
- la circonstance que l'intéressée soit la seule représentante élue sur une liste présentée par un syndicat constitue un motif d'intérêt général qui s'oppose à son licenciement.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2017, la société Garage Louis Grasser, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Garage Louis Grasser soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.
La requête a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour la société Garage Louis Grasser.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...a été recrutée par la société Garage Louis Grasser le 4 janvier 2002 pour exercer, en dernier lieu, les fonctions de magasinière. Elle occupe au sein de l'entreprise les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise, de déléguée du personnel suppléante, de déléguée syndicale et de représentante syndicale de droit au comité d'entreprise. Le 6 août 2014, son employeur a saisi l'inspecteur du travail de la 5ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin en vue d'obtenir l'autorisation de la licencier à titre disciplinaire. L'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement par une décision du 25 septembre 2014. Le recours hiérarchique formé contre cette autorisation a été rejeté par une décision implicite du ministre du travail intervenue le 28 mars 2015, confirmée par une décision expresse du 16 avril 2015. MmeA..., l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Bas-Rhin et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT relèvent appel du jugement du 10 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 25 septembre 2014, du 28 mars 2015 et du 16 avril 2015.
Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2014 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
3. Par un courrier du 8 août 2014, l'inspecteur du travail a convoqué Mme A...à l'enquête contradictoire, qui s'est déroulée le 28 août 2014 et le 4 septembre 2014. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de ce courrier, qu'une copie de la demande d'autorisation de licenciement présentée par son employeur était jointe à la convocation adressée à MmeA..., incluant les trente-deux témoignages de salariés de l'entreprise annexés à la demande. L'intéressée n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle n'aurait jamais été destinataire de ces éléments. Assistée d'un représentant de son syndicat aux entretiens prévus le 4 septembre 2014, elle a été en mesure de prendre connaissance des griefs qui lui étaient reprochés. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'inspecteur du travail aurait méconnu le principe du contradictoire au cours de l'enquête.
4. En deuxième lieu, la circonstance que l'inspecteur du travail rappelle, dans la motivation de sa décision, les faits qui avaient justifié une précédente autorisation de licenciement délivrée le 1er juillet 2009, laquelle a été annulée pour vice de procédure, n'est pas de nature à révéler un manque d'impartialité de sa part. Il n'est pas établi que l'inspecteur du travail aurait volontairement omis de prendre en compte les éléments produits par Mme A...afin de mener une enquête à charge, alors que les requérantes produisent sur ce point, pour l'essentiel, une attestation établie le 17 novembre 2014 postérieurement à la décision contestée, et plusieurs témoignages établis en 2009 et 2010 à l'occasion de la première procédure de licenciement. Ni la circonstance que l'inspecteur du travail a conduit son enquête dans les locaux de l'entreprise, ainsi qu'il lui était loisible de le faire afin d'entendre l'ensemble des personnes impliquées dans les faits reprochés à MmeA..., ni celle que les services de l'inspection du travail ont eu à se prononcer en 2014 sur un différend opposant l'intéressée à son employeur au sujet d'un délit d'entrave dans le fonctionnement du comité d'entreprise ne sont, en l'espèce, de nature à établir une absence d'objectivité de l'inspecteur du travail à l'égard de la salariée mise en cause. Le moyen tiré du défaut d'impartialité de l'inspecteur du travail doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Aux termes de l'article L. 1332-5 du même code : " Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction ".
6. D'une part, la société Garage Louis Grasser a sollicité l'autorisation de licencier Mme A... en invoquant son comportement injurieux et agressif à l'égard de sa hiérarchie comme de ses collègues, en particulier lors de la journée du 24 juin 2014. Il ne ressort pas de la demande d'autorisation de licenciement présentée à l'inspecteur du travail que la société aurait engagé des poursuites disciplinaires contre Mme A...en se fondant sur des faits prescrits, notamment les griefs qui avaient été retenus à son encontre en 2009. Il n'est pas plus établi que l'employeur aurait invoqué la précédente sanction de licenciement dont Mme A...a fait l'objet en 2009 à l'appui de la nouvelle sanction envisagée.
7. D'autre part, l'inspecteur du travail a, dans la motivation de sa décision, rappelé les faits retenus à l'encontre de l'intéressée en 2009 dans le seul but d'apprécier la gravité des fautes reprochées à Mme A...en 2014, seules prises en compte pour autoriser le licenciement. Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'inspecteur du travail aurait pris en compte des faits qui ne figurent pas dans la demande d'autorisation.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations recueillies par la société Garage Louis Grasser, que Mme A...a fait preuve, au cours de la journée du 24 juin 2014, d'agressivité à l'égard de l'un de ses collègues et a proféré des menaces et des insultes à l'encontre de son supérieur hiérarchique. En fin de journée, après un accrochage sur le parking de la société entre la voiture conduite par l'intéressée et un véhicule de la concession conduit par l'un de ses collègues, la requérante a réagi de façon disproportionnée et a de nouveau fait preuve d'un comportement très agressif et irrespectueux envers son collègue également victime de l'accident puis d'autres salariés de la société présents sur place. Des clients du garage ont assisté à une partie de l'altercation. Mme A...a encore montré une attitude particulièrement agressive et violente vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques lors de l'établissement du constat amiable. Il ressort également des attestations précitées que la présence de Mme A...au sein de la société est à l'origine d'un sentiment d'oppression pour les personnes qu'elle côtoie dans le cadre professionnel, en raison notamment de ses violentes et fréquentes agressions verbales. Les attestations produites à l'instance par MmeA..., dont plusieurs se rapportent à des faits survenus avant 2014, le compte-rendu de son entretien avec l'inspecteur du travail le 4 septembre 2014, rédigé par le représentant de son syndicat, et le témoignage de sa soeur, également impliquée dans l'altercation qui a suivi l'accrochage sur le parking, ne contredisent pas utilement les témoignages concordants recueillis par la société Garage Louis Grasser, notamment sur les incidents du 24 juin 2014. Dans ces conditions, si Mme A...fait encore état de son droit à la liberté d'expression dans le cadre du libre exercice de son mandat syndical, elle ne remet pas sérieusement en cause la réalité des faits retenus à son encontre. Par suite, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail se serait fondé sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.
9. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme A...a présenté, le 24 juin 2014, un comportement particulièrement agressif et violent tant à l'égard de ses collègues que de ses supérieurs hiérarchiques. L'intéressée n'établit pas qu'elle aurait subi un stress post-traumatique lors de l'accident de voitures survenu sur le parking de la société, qui expliquerait le caractère disproportionné de son comportement. Ni les attestations établies par son époux et l'un de ses collègues en 2009 et en 2010, dont il ressort qu'elle aurait alors été victime de harcèlement sexuel, ni le contexte d'extrême tension dans lequel elle inscrit son action syndicale avec la direction de la société, ne sont de nature à atténuer la gravité des faits retenus à son encontre. Dans ces conditions, eu égard aux faits reprochés à l'intéressée le 24 juin 2014, révélateur d'un comportement général violent et agressif, l'inspecteur du travail a pu estimer que les fautes commises par Mme A... étaient d'une gravité suffisante pour autoriser son licenciement.
10. En sixième lieu, Mme A...n'établit pas, par les pièces qu'elle produit à l'instance, qu'elle aurait subi une réduction du montant de ses primes à compter de 2009 en raison de son engagement syndical. Si son employeur a indiqué lors de l'enquête contradictoire que l'intéressée se prévaut de son mandat syndical à la moindre critique et gère son temps de travail selon sa volonté en déposant ses bons de délégation a postériori, il ne résulte pas de ces déclarations que la procédure de licenciement engagée en 2014 présenterait un lien avec ses mandats de représentation et, notamment, la gestion de ses bons de délégation. La concomitance entre la procédure disciplinaire visant Mme A...et l'action engagée contre son employeur par le syndicat qu'elle représente en vue d'assurer le respect des prérogatives du comité d'entreprise ne permet pas d'établir l'existence d'une discrimination syndicale à son endroit. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre la procédure de licenciement litigieuse et les mandats de la requérante doit être écarté.
11. En dernier lieu, les requérantes soutiennent que Mme A...est l'unique représentante élue sur une liste présentée par un syndicat. Toutefois, son licenciement n'a pas pour conséquence l'absence de toute représentation des salariés au sein de l'entreprise, quand bien même les autres représentants n'ont pas été élus sur une liste émanant d'un syndicat. Il n'est pas établi que les autres représentants n'auraient pas la formation suffisante leur permettant d'exercer leurs mandats. Dans ces conditions, le maintien de Mme A...au sein de l'entreprise ne saurait constituer, dans les circonstances de l'espèce, un motif d'intérêt général justifiant que soit refusée l'autorisation de la licencier.
Sur la légalité de la décision du ministre du travail du 16 avril 2015 :
12. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ".
13. Il ressort des pièces du dossier que, le 27 novembre 2014, le ministre du travail a été saisi par Mme A...d'un recours hiérarchique formé contre l'autorisation de licenciement du 25 septembre 2014. Si le ministre a pris une décision implicite de rejet, née du silence qu'il a conservé sur ce recours, il a confirmé ce rejet par une décision expresse le 16 avril 2015. Cette décision, qui s'est substituée à la décision implicite rejetant le recours hiérarchique, n'a eu ni pour objet, ni pour effet de retirer une décision créatrice de droit. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision du 16 avril 2015 serait intervenue tardivement et serait, pour cette raison, entachée d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Bas-Rhin et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Garage Louis Grasser, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme dont les requérantes demandent le versement au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérantes la somme dont la société Garage Louis Grasser demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A..., de l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Bas-Rhin et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Garage Louis Grasser présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Bas-Rhin, à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, à la société Garage Louis Grasser et à la ministre du travail.
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N° 17NC01481