Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Leuco production a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge partielle des cotisations foncières des entreprises et des taxes assimilées et des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et des taxes assimilées auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014 dans les rôles de la commune de Beinheim.
Par un jugement n° 1303610, 1303660, 1401670, 1504064, 1504192 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé un non-lieu à statuer partiel à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance, a prononcé une décharge partielle des rappels effectués au titre des années 2010 à 2014 et a rejeté le surplus des demandes de la société requérante.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés les 24 mars 2017, 24 octobre 2017 et 12 mars 2018, la SAS Leuco Production, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1303610,1303660,1401670,1504064,1504192 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les installations électriques et les travaux d'électricité en litige constituent des équipements démontables et mobiles ; ils constituent des biens meubles non bâtis qui n'auraient pas dû être inclus dans le champ d'application des impositions contestées ; ce réseau utilise de nombreux transformateurs qui sont, par principe, démontables et mobiles ; il ne fait pas corps avec le bâti ; l'imputation comptable est sans incidence ;
- les installations informatiques et assimilées sont démontables et déplaçables et ne font, par conséquent, pas corps avec ses bâtiments.
- s'agissant des équipements de sécurité, ce sont des biens meubles ; ils sont aisément démontables et déplaçables et ne font pas corps avec le bâtiment ;
- la tuyauterie industrielle et le calorifugeage sont dissociables du bâti, comme l'établissent les pièces du dossier ;
- le climatiseur B. E fraises et le klaxon pour téléphone constituent des biens mobiliers ; ils sont aisément démontables et déplaçables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort s'agissant des taxes foncières et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Leuco production exerce une activité de fabrication d'outillages pour le travail du bois à Beinheim (Haut-Rhin). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé que des biens, figurant au compte 2157 " agencement et aménagements du matériel et outillage industriels ", avaient été exclus à tort de ses bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à la cotisation foncière des entreprises et aux taxes assimilées au titre de l'année 2009. L'administration en a tiré les conséquences en les intégrant dans la base de ces impôts au titre des années 2010 à 2014. La SAS Leuco Production a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge des cotisations foncières des entreprises et des taxes assimilées et des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et des taxes assimilées dues au titre des années 2010 à 2012. Ses réclamations relatives aux impositions des années 2013 et 2014 ont été soumises d'office au tribunal par l'administration. Par un jugement rendu le 7 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé un non-lieu à statuer partiel à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance ainsi qu'une décharge partielle des rappels effectués au titre des années 2010 à 2014 et a rejeté le surplus des demandes de la société requérante. La SAS Leuco Production relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année (...) ". Aux termes de l'article 1467 A du code général des impôts : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. ".
3. Il résulte des dispositions du 5° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et de l'article R. 811-1 du même code que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.
4. Le tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, statué sur les conclusions de la SAS Leuco Production portant sur les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014, et a statué, par ce même jugement, sur des conclusions relatives aux cotisations foncières des entreprises au titre des mêmes années lesquelles sont, en vertu de l'article 1467 A du code général des impôts, assises sur les bases d'imposition de l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition. Par conséquent, en vertu des dispositions précitées, la cour de céans est compétente pour statuer sur les conclusions relatives aux taxes foncières sur les propriétés bâties dues au titre des années 2010, 2011 et 2012, ces impositions reposant sur la valeur des même biens appréciée pour le calcul des cotisations foncières des entreprises dues au titre des années 2012 à 2014. En revanche, la cour n'est pas compétente pour connaître du jugement attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SAS Leuco Production a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 dès lors que le tribunal administratif a statué sur lesdites conclusions en premier et dernier ressort. Par suite, il y a lieu de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
5. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation (...) ". Aux termes de l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 (...) ". Aux termes de l'article 1467 du même code : " La cotisation foncière des entreprises a pour base (...) la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 (...) ". Aux termes de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation. ". Aux termes de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " (...) II. Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation (...) ".
6. D'une part, les bâtiments mentionnés au 1° de l'article 1381 comprennent également les aménagements faisant corps avec eux. D'autre part, les outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels exonérés de taxe foncière sur le fondement du 11° de l'article 1382 s'entendent de ceux qui participent directement à l'activité industrielle de l'établissement et sont dissociables des immeubles.
En ce qui concerne les installations électriques et des travaux d'électricité :
7. La SAS Leuco Production soutient que ses installations électriques, et en particulier son réseau électrique, constituent des équipements démontables et mobiles et qu'elles ne font pas corps avec le bâti. A supposer que ces installations eussent présenté, avant leur incorporation au bâtiment industriel, le caractère de meubles, ils constituent désormais des accessoires du fonds auquel ils sont durablement affectés et sont, par conséquent, des immeubles par destination au sens de l'article 524 du code civil. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des photographies et factures figurant au dossier, que les installations électriques de la société requérante seraient dissociables de ses bâtiments. Au surplus, la SAS Leuco Production ne soutient pas que ces installations seraient spécifiquement adaptées au processus industriel qu'elle met en oeuvre et qu'elles ne pourraient, par conséquent, être utilisées à d'autres activités en cas de changement d'affectation de ses locaux. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces installations ne devaient pas être comprises dans la base d'imposition de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe foncière sur les propriétés bâties et des taxes assimilées à ces impositions.
En ce qui concerne les installations informatiques et les équipements de sécurité :
8. Il ne résulte pas de l'instruction que les installations informatiques et les équipements de sécurité de la SAS Leuco Production, qui constituent des aménagements faisant corps avec les bâtiments assujettis à la taxe foncière foncière en application du 1° de l'article 1381 du code général des impôts, puissent être regardés comme des équipements spécifiquement adaptés au processus industriel qu'elle met en oeuvre et, par conséquent, insusceptibles d'être utilisés en cas d'affectation de ses locaux à d'autres activités. En outre, ils constituent également des accessoires du fonds auquel ils sont durablement affectés et, par conséquent, des immeubles par destination au sens de l'article 524 du code civil. Par suite, ces biens devaient être pris en compte pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe foncière sur les propriétés bâties et des taxes assimilées à ces impositions des années 2010 à 2014.
En ce qui concerne la tuyauterie industrielle et le calorifugeage :
9. A supposer que la tuyauterie industrielle et le calorifugeage, qui servent à l'alimentation en air, en eau adoucie et en eau glacée des machines de production, soient directement liés au processus de production de la SAS Leuco Production, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites par la société requérante, que ces immobilisations ne peuvent être matériellement dissociées du bâti. Par suite, l'administration fiscale était fondée à les prendre en compte pour le calcul de la valeur locative ayant servi de base aux impositions litigieuses.
En ce qui concerne le climatiseur B. E fraises et le klaxon pour téléphone :
10. Il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier des factures, des photographies en première instance non identifiables et de la photographie d'une armoire électrique pour pompes produite en appel par la société requérante, que les biens en litige seraient aisément démontables et déplaçables comme le soutient la SAS Leuco Production. Ces biens constituent au contraire des accessoires du fonds auquel ils sont durablement affectés et, par conséquent, des immeubles par destination. Au surplus, la société requérante ne soutient pas que ces biens seraient spécifiquement adaptés à ses activités et, par conséquent, qu'ils ne pourraient plus être utilisés en cas de changement d'affectation des locaux à d'autres activités. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces installations ne devaient pas être comprises dans la base d'imposition des cotisations litigieuses.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions dirigées contre la cotisation foncière des entreprises et les taxes assimilées ainsi que la taxe foncière sur les propriétés bâties dues au titre de l'année 2010, que la SAS Leuco Production n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de ses demandes de décharge des impositions litigieuses.
Sur les conclusions présentées par la SAS Leuco Production au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la SAS Leuco Production tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1303610, 1303660, 1401670, 1504064, 1504192 du 7 février 2017, en tant qu'il a rejeté ses demandes relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, sont renvoyées au Conseil d'État.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de SAS Leuco Production est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Leuco Production et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC00716