Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1800980 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2018, le préfet de l'Aube demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeC....
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que son arrêté du 5 avril 2018 était contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, MmeC..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté du 5 avril 2018 était contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante turque née le 10 février 1968, a déclaré être entrée en France le 19 avril 2012. Elle a demandé le 11 janvier 2018 au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour. Par un arrêté du 5 avril 2018, le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par jugement du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté. Le préfet de l'Aube relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé qu'il était contraire aux stipulations et dispositions précitées aux motifs que Mme B...était entrée en France le 19 avril 2012, que ses deux fils de nationalité turque, Ahmet et Mehmet Ali, séjournaient sur le territoire français sous couvert de cartes de résident, que son ancien conjoint, M. D...B..., qui est le père de ses quatre enfants et avec lequel elle s'est remariée au consulat turc de Paris le 26 avril 2018, vivait en France depuis 2002 et détenait une carte de résident valable.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a déclaré le 11 janvier 2018, dans sa demande de titre de séjour formulée, avoir vécu chez Saban B...à Sens puis chez sa nièce à Bar-sur-Aube. Dans sa requête de première instance du 3 mai 2018, la défenderesse a déclaré vivre chez son fils aîné Ahmet à Sens. Elle ne produit aucun élément permettant d'attester de l'existence d'une vie commune avec M. D...B..., qui réside à Troyes, l'attestation rédigée par son fils aîné le 24 avril 2018 étant muette sur ce point. Son second fils est en situation irrégulière et a fait l'objet de deux décisions l'obligeant à quitter le territoire français assorties d'une interdiction de retour sur le territoire français les 28 janvier 2015 et 3 février 2016 et d'une assignation à résidence le 28 janvier 2016. Enfin, Mme B...n'est pas dépourvue de toute attache familiale en Turquie où résident ses deux filles nées en 1985. Par suite, et quand bien même Mme B...est présente en France depuis 2012, le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que son arrêté du 5 avril 2018 était contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions du 7° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ainsi que les moyens qu'elle a soulevés devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par MmeC... :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B...avant d'édicter l'arrêté attaqué.
7. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 4, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Aube aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce qu'il aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme B...doivent être écartés.
8. En troisième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des orientations générales dont Mme B...ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 5 avril 2018. Par suite, le préfet de l'Aube est fondé à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que le rejet de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, tandis que les conclusions à fin d'annulation, d'injonction présentées par cette dernière, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800980 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B...en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 18NC02272