Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 24 octobre 2014 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin a partiellement rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un abattement supplémentaire définitif sur le produit brut des jeux au titre de dépenses de construction et d'équipement d'un hôtel situé à Ribeauvillé.
Par un jugement n° 1501859 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 22 décembre 2017 et 1er octobre 2018, la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé, représentée par la SELARL Dadi, Renoux, de Manneville, Savin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501859 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin du 24 octobre 2014 en tant qu'elle a partiellement rejeté la demande tendant au bénéfice d'un abattement supplémentaire définitif sur le produit brut des jeux au titre de dépenses de construction et d'équipement d'un hôtel situé à Ribeauvillé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'indique pas la liste des dépenses qui ont été considérées comme n'étant pas immobilières et ne comporte aucune précision sur les motifs qui ont conduit le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin à estimer que ces dépenses ne présentaient pas un tel caractère ;
- le décret du 29 mai 1997 est illégal, ce qui entraîne l'illégalité de la décision contestée ;
- l'approche comptable et fiscale assimile les dépenses exclues par la décision litigieuse à des dépenses à caractère immobilier ;
- les dépenses pour honoraires de bureaux d'études et frais d'architectes sont un préalable indispensable et obligatoire aux opérations de construction et présentent, par conséquent, un caractère immobilier ; elles présentent également un tel caractère en vertu du paragraphe 20 du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-BIC-AMT-10-30-30-10 qui est opposable à l'administration en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; par ailleurs, l'administration n'est pas fondée à soutenir qu'une partie des dépenses en cause ont été qualifiées, dans la demande d'agrément, comme étant non éligibles au dispositif d'abattement, puisque l'instruction n° 98-047-T34 de la direction générale de la comptabilité publique du 18 mars 1998 précise que les travaux exécutés doivent être pris en compte même s'ils n'ont pas été expressément inclus dans le programme agréé, dès lors qu'ils en constituent le complément logique et n'en modifient pas la nature, ni l'objet, ce qui est le cas en l'espèce ;
- les dépenses pour nettoyage de fin de chantier sont des dépenses d'entretien à caractère immobilier et sont le prolongement obligatoire des travaux immobiliers ; elles doivent être prise en compte en application de l'instruction du 18 mars 1998 ;
- les dépenses de miroirs, appliques et luminaires constituent des dépenses à caractère immobilier ;
- les dépenses de papier peint présentent un caractère immobilier et ont été agrées ;
- les dépenses pour cabines et casiers présentent également un tel caractère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 2 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 2 novembre 2018 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a été enregistré le 23 novembre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 ;
- le décret n° 97-663 du 29 mai 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé, qui exploite un casino, a décidé de construire un hôtel et un centre de balnéothérapie à Ribeauvillé. Par une décision du 3 février 2009, le préfet du Haut-Rhin lui a accordé le bénéfice de l'abattement supplémentaire de 5 % sur le produit brut des jeux correspondant aux dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier que les casinos réalisent dans les établissements thermaux et hôteliers leur appartenant ou appartenant à une collectivité territoriale et dont ils assurent la gestion, abattement supplémentaire qui est prévu par l'article 34 de la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 de finances rectificative pour 1995. Après réalisation des travaux et classement de l'hôtel en hôtel de tourisme, la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé a demandé au directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin d'arrêter le montant de l'abattement accordé. Par une décision du 24 octobre 2014, le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin a exclu de la base de calcul de l'abattement, d'une part les dépenses afférentes aux factures payées après le 3 février 2012, au motif qu'elles avaient été payées au délai du délai de trois ans prévu par l'article 13 du décret du 29 mai 1997 pris en application de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 et, d'autre part des dépenses qui ne présentaient pas, selon lui, un caractère immobilier. La société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé a formé un recours gracieux contre cette décision, s'agissant des dépenses considérées comme n'étant pas immobilières, qui a été rejeté par une décision du directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin du 3 février 2015. La société requérante a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin du 24 octobre 2014 en tant qu'elle n'a que partiellement fait droit à sa demande. Par un jugement rendu le 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. La société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé, qui doit être regardée comme demandant l'annulation de la décision du 24 octobre 2014 en tant qu'elle exclut les dépenses pour honoraires de bureaux d'études et frais d'architectes, les dépenses pour nettoyage de fin de chantier, les dépenses de miroirs, appliques, luminaires et papier peint et les dépenses pour cabines et casiers de la base de calcul de l'abattement supplémentaire, relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 78-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article 3 de cette loi, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dispose que : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 30 décembre 1995 : " I. - Outre l'abattement préalable sur le produit brut des jeux prévu à l'article 1er du décret-loi du 28 juillet 1934, les casinos peuvent bénéficier, à compter du début de la saison 1995-1996, d'un abattement supplémentaire de 5 p. 100 sur ce produit correspondant au déficit résultant des manifestations artistiques de qualité qu'ils organisent. Au-delà de l'abattement préalable et de l'abattement susmentionné, les casinos peuvent également bénéficier d'un abattement supplémentaire de 5 p. 100 sur le produit brut des jeux correspondant aux dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier qu'ils réalisent dans les établissements thermaux et hôteliers leur appartenant ou appartenant à une collectivité territoriale et dont ils assurent la gestion. Ces établissements doivent être situés dans la commune ou les communes limitrophes. L'abattement est plafonné à 1 060 000 euros par an et par casino et ne peut excéder 50 p. 100 du montant de chaque opération d'investissement réalisée (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 29 mai 1997 : " Pour ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu au présent titre, les dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien doivent : a) Présenter un caractère immobilier (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce décret : " En ce qui concerne les dépenses d'équipement, et d'entretien, dont la construction, les travaux et équipements susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu à l'article 34 de la loi de finances du 30 décembre 1995 susvisée, sont : I.-Les travaux de gros oeuvre, immeubles par nature, afférents aux établissements proprement dits ou à leurs annexes et dépendances ; II.-Les équipements considérés comme les accessoires ou les compléments des travaux de gros oeuvre, qui ne peuvent être détachés sans détérioration grave ou révélant par leur genre de construction, leur importance et leurs caractéristiques particulières, le but spécial dans lequel ils ont été construits : Lorsque les travaux et équipements sont effectués dans des immeubles affectés à plusieurs usages, seuls ceux concernant les locaux et installations exclusivement affectés à l'exploitation hôtelière ou de restauration seront pris en compte ".
3. La décision par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin a arrêté, en application des dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1995 et du décret du 29 mai 2997, le montant de l'abattement supplémentaire définitif sur le produit brut des jeux est au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, et doit, par suite être motivée en application de cette loi. Pour satisfaire à cette exigence, le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé, outre les dispositions en application desquelles la décision d'abattement définitif est prise, les considérations de fait sur lesquels il se fonde pour décider de son principe et en fixer le montant.
4. Dans la décision contestée, le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin a indiqué que devaient être exclues de la base de calcul de l'abattement supplémentaire prévues par les dispositions de l'article 34 de la loi du 30 décembre 1995, d'une part, les dépenses afférentes aux factures acquittées postérieurement au 3 février 2012, au motif qu'elles avaient été payées au-delà du délai de trois ans à compter de la décision d'agrément des dépenses du préfet du Haut-Rhin du 3 février 2009, et, d'autre part, " les dépenses ne présentant pas un caractère immobilier au sens des articles 8 et 9 du décret du 29 mai 1997 (soit un montant de 4 045 260,15 euros) dont les dépenses afférentes aux honoraires des bureaux d'études, frais d'architecte (soit un montant de 2 272 892,00 euros) ". A l'exception des dépenses afférentes aux honoraires des bureaux d'études et aux frais d'architecte, la décision attaquée n'indique pas la liste des dépenses qui, selon l'administration, ne présenteraient pas un caractère immobilier. En outre, elle ne comporte aucune précision sur les motifs qui ont conduit le directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin à estimer que ces dépenses ne présentaient pas un caractère immobilier au sens des articles 34 de la loi du 30 décembre 1995 et 8 du décret du 29 mai 1997. Dans ces circonstances, la décision du 24 octobre 2014 est insuffisamment motivée sur ce point. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision du 24 octobre 2014 doit être annulée en tant qu'elle a partiellement rejeté la demande de la société requérante tendant au bénéfice de l'abattement supplémentaire susmentionné.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation partielle de la décision attaquée.
Sur les conclusions présentées par la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501859 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La décision du directeur départemental des finances publiques du Haut-Rhin du 24 octobre 2014 est annulée en tant qu'elle a partiellement rejeté la demande de la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé tendant au bénéfice d'un abattement supplémentaire définitif sur le produit brut des jeux au titre de dépenses de construction et d'équipement d'un hôtel situé à Ribeauvillé.
Article 3 : L'Etat versera à la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation hôtelière du complexe touristique de Ribeauvillé et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC03080