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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC01823

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC01823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MeB..., liquidateur de la société par actions simplifiée (SAS) Sky Aircraft et de la société anonyme (SA) Geci Aviation, a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard y afférent et des pénalités correspondantes, mis à leur charge au titre des années 2008 et 2009 et, d'autre part, de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 000 euros à la SAS Sky Aircraft au titre des

préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise en recouvrement de ces ra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MeB..., liquidateur de la société par actions simplifiée (SAS) Sky Aircraft et de la société anonyme (SA) Geci Aviation, a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard y afférent et des pénalités correspondantes, mis à leur charge au titre des années 2008 et 2009 et, d'autre part, de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 000 euros à la SAS Sky Aircraft au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise en recouvrement de ces rappels.

Par un jugement n° 1602354 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge des pénalités infligées sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts et rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2018, MeB..., agissant en qualité de liquidateur de la SAS Sky Aircraft et de la SA Geci Aviation, représenté par Mes Boverie et Leclere, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602354 du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

2°) d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard, mis à leur charge au titre des années 2008 et 2009 et, d'autre part, de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 000 euros à la SAS Sky Aircraft au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mise en recouvrement de ces rappels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la première intervention a eu lieu le 8 mars 2012, dans les locaux de la SAS Sky Aircraft, et uniquement en présence du directeur administratif et financier et de la contrôleuse de gestion ; son représentant légal n'était, par conséquent, pas présent et aucune des deux personnes présentes n'avait été mandatée pour représenter la société ; ce n'est qu'au cours d'une visite, qui a eu lieu le 29 novembre 2012 dans les locaux de la SAS Sky Aircraft, que le vérificateur a discuté avec un représentant de la SAS Sky Aircraft ; ce dialogue a été de courte durée, puisqu'il s'est clôturé à l'issue d'une réunion de synthèse 16 jours plus tard et a conduit à la rédaction d'une proposition de rectification 6 jours après ; une " entrevue " a eu lieu le 11 décembre 2012 dans les mêmes locaux ; une réunion de synthèse a eu lieu le 14 décembre 2012 ; la seule présence effective du vérificateur s'est limitée à un rendez-vous le 8 mars 2012 et ce, sans le représentant légal de la société ; par ailleurs, le vérificateur a choisi de s'écarter de l'avis rendu par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; ainsi, la SAS Sky Aircraft n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire ;

- l'administration ne s'est pas conformée à l'avis favorable du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, alors qu'il résulte d'une pratique constante qu'elle suit son avis ; l'administration n'a réalisé aucune diligence tendant à démontrer que l'avis du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est erroné ;

- c'est à tort que l'administration a exclu la totalité des dotations aux amortissements de la base de calcul du crédit d'impôt des années 2008 et 2009 ; en effet, les activités de recherche de la SAS Sky Aircraft nécessitaient des aménagements spécifiques des locaux et l'utilisation de matériels exclusivement dédiés à la recherche ;

- les rémunérations versées au chef du service clients doivent être prises en compte dans la base de calcul du crédit d'impôt ; la rémunération de Mme P., responsable du service achats, en 2009 doit également être prise en compte, dès lors qu'elle assurait un soutien indispensable aux chercheurs de la SAS Sky Aircraft ; elle recueillait des informations sur les contraintes auxquelles les clients et prospects de la SAS Sky Aircraft étaient confrontés ; sans ces informations, la SAS Sky Aircraft n'aurait pu développer son programme de recherche ; concernant M. D., apprenti en 2009, il participait activement aux travaux de recherche et de développement et assurait le soutien technique aux projets de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche ;

- la SA Oseo s'est engagée à lui accorder une subvention de 7 400 000 euros, payable en trois tranches de 3 000 000 euros, de 2 900 000 euros et de 1 500 000 euros, cette dernière tranche n'ayant pas été versée ; la société requérante a déduit de la base de calcul du crédit d'impôt recherche de 2009 53,3 % de la tranche de 3 000 000 euros et l'intégralité de celle de 2 900 000 euros ; l'administration a estimé que la SAS Sky Aircraft aurait dû déduire de la base de calcul du crédit d'impôt recherche de 2009 la totalité de la tranche de 3 000 000 euros ; dans le cadre d'une réunion du 15 décembre 2008, la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires a relevé que cette subvention de 7 400 000 euros devait être considérée comme un équivalent-subvention, c'est-à-dire une subvention destinée à financer des activités éligibles au crédit d'impôt recherche, à déduire de la base de son calcul, à hauteur de 4 630 000 euros ; par conséquent, le rappel est infondé ;

- les rappels ont contribué au placement de la SAS Sky Aircraft en liquidation judiciaire ;

- la déductibilité des dépenses en litige a été validée par un rescrit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer partiel et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que la rémunération du chef du service client peut être incluse dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche, qu'un dégrèvement sera prononcé en conséquence et qu'aucun des autres moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Sky Aircraft, qui est membre d'un groupe fiscalement intégré dont la société anonyme (SA) Geci Aviation est la société mère depuis le 1er janvier 2010 et qui avait notamment pour objet de réaliser un aéronef, dénommé " Skylander 105 ", destiné au transport de passagers et de fret dans des conditions extrêmes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 2012, à l'issue de laquelle l'administration a procédé, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, à des rappels d'impôt sur les sociétés au motif qu'elle avait bénéficié de remboursements excessifs au titre du crédit d'impôt recherche des années 2008 et 2009. Ces rappels, établis au nom de la Sky Aircraft et de " Geci International Group ", ont été assortis de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré. La SAS Sky Aircraft a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 4 octobre 2012, puis en liquidation judiciaire par un jugement du 16 avril 2013. La SA Geci Aviation a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugements des 26 février et 17 avril 2014. Me B...a été nommé liquidateur de ces deux sociétés. Ce dernier, agissant en cette qualité et pour le compte de ces sociétés, a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge de ces rappels d'impôt et la condamnation de l'Etat à verser à la SAS Sky Aircraft une somme de 2 000 000 euros en réparation des préjudices que cette société estime avoir subis du fait des rappels opérés. Par un jugement du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge des pénalités de 40 % et a rejeté le surplus des demandes. La SAS Sky Aircraft et la SA Geci Aviation relèvent, dans cette mesure, appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 15 mars 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé, au bénéfice de la SAS Sky Aircraft et de la SA Geci Aviation, des dégrèvements des rappels d'impôt sur les sociétés à concurrence de 5 805 euros au titre de l'année 2008 et de 12 602 euros au titre de l'année 2009. Les conclusions de la requête de ces deux sociétés sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge :

S'agissant de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Aux termes de l'article L. 227-6 du code de commerce, relatif à la représentation des sociétés par actions simplifiées : " La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts (...) ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait.

4. M. B. est le président de la SAS Sky Aircraft et le placement en redressement judiciaire de cette dernière, par un jugement du 4 octobre 2012, n'a pas eu pour objet ou pour effet de le dessaisir du pouvoir de représentation de la société que lui confèrent les dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce. Par un acte du 29 novembre 2012, M. B. a donné un mandat à M. R., directeur administratif et financier de la SAS Sky Aircraft, afin de la représenter auprès de l'administration fiscale dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle faisait l'objet. Le vérificateur a effectivement rencontré M. R. notamment les 29 novembre 2012 et 11 décembre 2012 dans les locaux de la SAS Sky Aircraft et lors d'une réunion de synthèse qui a eu lieu le 14 décembre 2012 dans ces mêmes locaux. En se bornant à soutenir que le rendez-vous qui a eu lieu le 29 novembre 2012 " a été de courte durée, puisqu'il s'est clôturé à l'issue d'une réunion de synthèse 16 jours plus tard et a conduit à une rectification quasi-immédiate de la société, 6 jours après " et que le vérificateur a choisi de s'écarter de l'avis rendu par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, les sociétés requérantes n'établissent pas que ce dernier se serait refusé à tout échange de vues au cours de ces rencontres. Par suite, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire doit être écarté.

S'agissant du bien-fondé de l'impôt :

5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III à ce code : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. Notamment : Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. ".

6. En premier lieu, par un avis rendu le 18 novembre 2012, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a estimé que la totalité du projet d'avion " Skylander 105 " était éligible au crédit d'impôt recherche, à l'exception des salaires du chef du service client, de la responsable des achats, d'une personne travaillant au service des achats et d'un apprenti. La circonstance que l'administration fiscale n'a pas suivi cet avis en tant qu'il admettait l'éligibilité au crédit d'impôt recherche du projet présentée par les sociétés est sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées, quand bien même celle-ci aurait, selon les sociétés requérantes, pour pratique de se conformer aux avis rendus par les services relevant du ministre chargé de la recherche. Si la SAS Sky Aircraft et la SA Geci Aviation font valoir que " l'administration n'a réalisé aucune diligence tendant à démontrer que l'avis du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche était faux ", cet argument est dépourvu des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.

7. En deuxième lieu, la SAS Sky Aircraft a inclus dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche, au titre des dotations aux amortissements des immobilisations, les sommes de 23 848 euros pour l'année 2008 et de 1 172 949 euros pour 2009. L'administration a estimé qu'aucune dotation aux amortissements ne pouvait être prise en compte pour le calcul du crédit d'impôt de l'année 2008 et que seule la somme de 43 560 euros pouvait l'être au titre de 2009. Il résulte de l'instruction que les dépenses en cause étaient constituées, d'une part, par des travaux immobiliers et par l'acquisition de meubles, qui lui ont été facturés par la société SVL et, d'autre part, par des locations de matériels, de logiciels et de licences informatiques. L'administration fait valoir que les prestations effectuées par la société SVL ont consisté à aménager et à meubler des locaux nus à usages de bureaux pour créer un " open-space " de soixante-dix postes de travail adossé à cinq salles de réunion, une cuisine, un espace de bureaux dédiés au personnel extérieur à l'entreprise, à l'éclairage, les équipements électriques et informatiques, la climatisation et le chauffage, le réseau sanitaire, la plomberie, les cloisons de distribution ainsi que le mobilier de bureau et que ces dépenses sont sans lien avec les travaux de recherche menés par la SAS Sky Aircraft. En se bornant à soutenir que la SAS Sky Aircraft a nécessairement effectué des recherches en 2008 et 2009 et que ces activités nécessitaient des aménagements spécifiques des locaux et l'utilisation de matériels exclusivement dédiés à la recherche, les sociétés requérantes n'apportent aucun élément permettant d'établir que ces dépenses étaient directement affectées à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique au sens des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts. En ce qui concerne, en particulier l'année 2008, il ressort des mentions d'un procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue le 15 décembre 2008 notamment avec des représentants de la SAS Sky Aircraft, de l'Etat et de collectivités locales qu'à cette date, l'implantation de la SAS Sky Aircraft n'était pas achevée et que ses premiers salariés n'ont été accueillis dans les locaux de la société que le 26 novembre 2008. S'agissant des dépenses de location de matériels et de licences informatiques, de telles dépenses ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche dès lors qu'elles n'appartiennent pas à la SAS Sky Aircraft. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a exclu les dépenses en cause du calcul du crédit d'impôt recherche.

8. En troisième lieu, pour l'application des dispositions précitées, ouvrent droit au crédit d'impôt, les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche. Si la SAS Sky Aircraft et SA Geci Aviation font valoir que la rémunération de Mme P., responsable du service achats en 2009, doit également être prise en compte pour le calcul du crédit d'impôt recherche de cette année au motif qu'elle assurait un soutien indispensable aux chercheurs de la SAS Sky Aircraft, qu'elle recueillait des informations sur les contraintes auxquelles les clients et prospects de la SAS Sky Aircraft étaient confrontés et que, sans ces informations, la SAS Sky Aircraft n'aurait pu développer son programme de recherche, les sociétés requérantes n'allèguent pas que Mme P. avait acquis des qualifications lui conférant un niveau de compétence comparable à celui d'un chercheur ou d'un technicien. Au surplus, les arguments des sociétés requérantes, s'agissant des contacts que Mme P. aurait développés avec la clientèle de la SAS Sky Aircraft et qui auraient permis à cette société d'optimiser ses opérations de recherches, ne sont pas étayés, alors, au demeurant, que Mme P. était responsable des achats de la SAS Sky Aircraft et n'avait, par conséquent, pas vocation à entretenir des relations avec sa clientèle. La SAS Sky Aircraft et la SA Geci Aviation soutiennent que M. D., apprenti en 2009, participait activement aux travaux de recherche et de développement et assurait le soutien technique aux projets de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche, mais elles n'allèguent également pas qu'il avait un niveau de compétence suffisant et n'apportent, en tout état de cause, aucun élément permettant d'établir qu'il était directement et exclusivement affecté aux opérations de recherche.

9. En quatrième lieu, la SA Oseo s'est engagée, par convention du 15 avril 2009, à accorder à la SAS Sky Aircraft une subvention de 7 400 000 euros, payable en trois tranches de 3 000 000 euros, de 2 900 000 euros et de 1 500 000 euros. La SAS Sky Aircraft a, sur le fondement des dispositions précitées du III de l'article 244 quater B du code général des impôts, déduit 53,3 % de la tranche de 3 000 000 euros de la base de calcul du crédit d'impôt recherche de l'année 2009. L'administration a estimé qu'elle aurait dû déduire la totalité de la somme de 3 000 000 euros et a procédé à un rappel en conséquence. La SAS Sky Aircraft et la SA Geci Aviation soutiennent que, dans le cadre d'une réunion du 15 décembre 2008, la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires aurait relevé que la subvention de 7 400 000 euros accordée par la SA Oseo " devait être considérée comme un équivalent-subvention, c'est-à-dire une subvention destinée à financer des activités éligibles au crédit d'impôt recherche, à déduire de la base de son calcul, à hauteur de 4 630 000 euros " et elles en concluent que le rappel opéré par l'administration n'est pas fondé. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la subvention octroyée par la SA Oseo n'était pas intégralement destinée à financer les opérations de recherche et de développement de la SAS Sky Aircraft. Au demeurant, les deux sociétés requérantes ne produisent pas la convention conclue par la SAS Sky Aircraft et la SA Oseo le 15 avril 2009 et il ne ressort, en tout état de cause, pas des mentions du procès-verbal de la réunion du 15 décembre 2008 que le représentant de la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires aurait indiqué qu'une partie de la subvention était prévue pour financer les opérations de recherche.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; 2° Lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de trois mois à un redevable de bonne foi qui : a. Disposition devenue sans objet ; b. a notifié à l'administration sa volonté de bénéficier des dispositions des articles 39 AB, 39 AC, 39 quinquies A, 39 quinquies D, 39 quinquies DA ou des articles 39 quinquies E, 39 quinquies F, 39 quinquies FA, 39 quinquies FC, 44 sexies ou 44 octies A du code général des impôts. La notification doit être préalable à l'opération en cause et effectuée à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 2°, notamment le contenu, le lieu de dépôt ainsi que les modalités selon lesquelles l'administration accuse réception de ces notifications ; 3° Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de trois mois à un redevable de bonne foi qui a demandé, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'avant-dernier alinéa du 2°, si son projet de dépenses de recherche est éligible au bénéfice des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts. Pour l'examen des demandes mentionnées au premier alinéa, l'administration des impôts sollicite l'avis des services relevant du ministre chargé de la recherche ou d'organismes chargés de soutenir l'innovation dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat lorsque l'appréciation du caractère scientifique et technique du projet de dépenses de recherche présenté par l'entreprise le nécessite. L'avis est notifié au contribuable et à l'administration des impôts. Lorsqu'il est favorable, celle-ci ne peut rejeter la demande du contribuable que pour un motif tiré de ce qu'une autre des conditions mentionnées à l'article 244 quater B du code général des impôts n'est pas remplie. Les personnes consultées en application du deuxième alinéa du 3° sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l'article L. 103 du présent livre. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 3° (...) ".

11. La SAS Sky Aircraft et la SA Geci Aviation soutiennent qu'il ressort des mentions de comptes-rendus de réunions, et en particulier de celles d'un compte-rendu d'une réunion qui a eu lieu le 28 janvier 2009, que la SAS Sky Aircraft a adressé une demande de rescrit à l'administration fiscale portant sur le montant des dépenses entrant dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dont elle était en droit de bénéficier et que, faute d'une réponse dans le délai de trois mois, l'administration a pris une position favorable à la SAS Sky Aircraft. Il résulte de l'instruction, et en particulier du compte-rendu précité et des écritures en défense du ministre, qui ne sont pas contestées, que la SAS Sky Aircraft a déposé une demande de rescrit sur le fondement du 3° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales le 13 novembre 2008, qui a été complétée le 22 décembre 2008, que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a estimé que le projet de la SAS Sky Aircraft était éligible au crédit d'impôt recherche par un avis rédigé le 27 janvier 2009, sans se prononcer sur le montant du crédit d'impôt, et que l'administration a fait de même dans un courrier du 9 février 2009, réceptionné par la SAS Sky Aircraft le 10 février 2009, soit en-deçà du délai de trois mois prévu par le 3° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant adopté une prise de position sur le montant du crédit d'impôt recherche qui lui serait opposable. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

12. Aux termes de l'article R. 772-1 du code de justice administrative " Les requêtes en matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées dont l'assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales (...) ". Ces dispositions s'opposent à ce que des demandes de dommages et intérêts puissent être jointes aux demandes de décharge ou réduction d'impôt, du fait qu'elles sont jugées selon des règles de procédure différentes. Dès lors, les conclusions à fin indemnitaire de la SAS Sky Aircraft ne sont pas recevables et doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leurs conclusions aux fins de décharge des rappels d'impôts sur les sociétés, que la SAS Sky Aircraft et la SA Geci Aviation ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leurs demandes. Par suite, leurs conclusions indemnitaires et à fin de décharge ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au demeurant non chiffrées, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la requête de la SAS Sky Aircraft et de la SA Geci Aviation à concurrence des dégrèvements susmentionnés prononcés à hauteur de 5 805 euros au titre de l'année 2008 et de 12 602 euros au titre de l'année 2009.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de MeB..., liquidateur de la SAS Sky Aircraft et de la SA Geci Aviation, est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MeB..., liquidateur de la SAS Sky Aircraft et de la SA Geci Aviation et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Dhers, président assesseur,

Mme Bauer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juillet 2019.

Le rapporteur,

Signé : S. DHERSLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : S. GODARD La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. GODARD

2

N° 18NC01823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01823
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;18nc01823 ?
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