Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge au sein de cet établissement.
Par un jugement n° 1500063 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 août 2019, M. A... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 septembre 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge au sein du centre hospitalier de Vesoul ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise afin de déterminer si une faute a été commise dans sa prise en charge ;
4°) d'ordonner avant dire droit une expertise afin de déterminer les préjudices en lien avec la faute commise.
Il soutient que :
- le chirurgien qui l'a opéré le 28 septembre 2011 a commis une faute technique de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;
- le choix inapproprié du matériel utilisé lors de la première intervention est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier ;
- il n'a pas été informé des risques de l'intervention pratiquée ; ce défaut d'intervention est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier ;
- si la cour devait considérer qu'elle ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour établir l'existence d'une faute, il conviendrait d'ordonner une nouvelle expertise, compte tenu des contradictions qui existent entre les deux expertises qui ont déjà été diligentées ;
- cette nouvelle expertise devrait être contradictoire à l'ONIAM.
Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2018, le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel de M. E... est irrecevable, à défaut de production par le requérant du jugement attaqué ;
- aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 septembre 2011 M. E..., qui présentait une nécrose de la tête fémorale gauche, a subi une arthroplastie totale de la hanche au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône. Dans les suites de cette intervention, une luxation de la hanche a été diagnostiquée le 3 octobre 2011, laquelle a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale avec mise en place d'une nouvelle prothèse, réalisée le 7 octobre 2011 au centre hospitalier universitaire de Besançon. Estimant que sa prise en charge n'avait pas été conforme aux règles de l'art, M. E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à réparer les préjudices qu'il aurait subis du fait de cette luxation. M. E... relève appel du jugement du 19 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation.
3. Si le requérant soutient pour la première fois en appel et dans son dernier mémoire qu'il n'a pas été informé du risque de luxation que présentait l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 28 septembre 2011, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée à la demande du juge de référés du tribunal administratif que les risques de luxation de la prothèse ont été évoqués au moins à l'occasion des deux consultations préopératoires qui ont eu lieu aux mois d'août et septembre 2011. Le chirurgien qui a pratiqué l'opération n'a ainsi pas manqué à son obligation d'information.
4. En deuxième lieu, le requérant soutient que l'intervention litigieuse n'a pas été pratiquée selon les règles de l'art. Il se prévaut à cet égard des conclusions d'un premier rapport d'expertise rendu dans le cadre d'une instance devant la commission de conciliation et d'indemnisation qui mentionne un défaut de positionnement de la tige fémorale " qui était trop antéversée et qui a été à l'origine de la reprise chirurgicale nécessaire le 7 octobre 2011 ". Cet expert conclut à l'existence d'" un manquement aux règles de l'art en rapport avec un défaut technique d'implantation et de positionnement de la tige fémorale lors de l'intervention du 28 septembre 2011 ". Toutefois, le second expert qui a rendu l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif indique expressément qu'il ne partage pas ces conclusions. Il relève pour sa part, tout d'abord, que le fait d'exagérer l'antéversion de la tige lors de la poste d'une prothèse par voie postérieure ne constitue pas en soi une faute technique, dès lors qu'il existe un risque de luxation postérieure avec l'utilisation de cette voie d'abord. Il note, en outre, que la hanche était stable à la fin de l'opération du 28 septembre 2011, que les radiographies de contrôle réalisées immédiatement après l'intervention dévoilaient une hanche en place sans anomalie particulière et que, lors de l'intervention du 7 octobre, le chirurgien a constaté que si la tige fémorale présentait une importante antéversion, la tête fémorale se luxait en arrière lorsqu'il diminuait cette antéversion. Cet expert indique enfin que, selon lui, la survenue de la luxation est due aux caractéristiques de la prothèse elle-même, qui ne convenait pas à la morphologie de M. E... et est liée à la fragilité des muscles pelvi-trochantériens du patient. Il relève à cet égard que le changement de prothèse et l'utilisation d'une cupule à double mobilité a permis de garantir davantage de stabilité et d'éviter une récidive de luxation de la prothèse. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute aurait été commise lors de la réalisation de l'intervention du 28 septembre 2011. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant et compte tenu notamment des appréciations peu étayées du premier expert, le prononcé d'une nouvelle expertise ne revêt pas de caractère utile.
5. En troisième lieu, le second expert relève que l'utilisation d'une prothèse sans ciment à couple de frottement céramique-céramique est conforme aux recommandations de la société française de chirurgie orthopédique et traumatologique qui préconise l'utilisation de ce type de prothèse chez les patients qui, comme M. E..., ont moins 65 ans, en raison de la longévité potentielle de la céramique et de ses qualités de frottements. Le premier expert indique par ailleurs que le choix initial d'une telle prothèse était " parfaitement justifié ". Par suite, et alors même que la prothèse mise en place s'est avérée non adaptée à M. E..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'en implantant ce type de prothèse lors de l'intervention du 28 septembre 2011, le chirurgien qui l'a opéré a commis une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ". En application de ces dispositions, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code.
7. S'il sollicite l'organisation d'une nouvelle expertise contradictoirement avec l'ONIAM et s'il demande de rendre la procédure contradictoire à l'ONIAM au cas où cette nouvelle expertise ne retiendrait pas de faute ou au cas où la cour refuserait d'ordonner une expertise, M. E... ne présente aucune conclusion tendant à l'indemnisation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale, sur le fondement des dispositions précitées.
8. Il est vrai qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique que la juridiction du fond est tenue, si elle estime que le dommage invoqué remplit les conditions pour être indemnisé en tout ou partie sur le fondement de la solidarité nationale, d'appeler l'ONIAM en la cause, au besoin d'office, puis de mettre à sa charge la réparation qui lui incombe, même en l'absence de conclusions dirigées contre lui. Toutefois, en l'espèce et alors notamment que l'expert a fixé le taux de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique dont demeure atteint M. E... à 12 % et qu'il n'apparait pas que les autres critères prévus à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique seraient remplis, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages en cause présenteraient le degré de gravité requis. Dans ces conditions, le requérant ne remplit pas les conditions pour être indemnisé par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.
9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ou d'ordonner une nouvelle expertise, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et au Régime social des indépendants.
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N° 17NC02743