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19/11/2019 | FRANCE | N°19NC00349

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 19NC00349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions du 11 janvier 2019 par lesquelles le préfet des Ardennes l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée et l'a assignée à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900059 du 15 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fa

it droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions du 11 janvier 2019 par lesquelles le préfet des Ardennes l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée et l'a assignée à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1900059 du 15 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, le préfet des Ardennes demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 janvier 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur des éléments qui n'avaient pas été portés à sa connaissance ; Mme D... ne l'avait pas informé de ce que le père de son fils se trouvait en situation régulière en France ;

- il existe un doute sur la filiation du fils de Mme D... ;

- compte tenu du bien-fondé de ses décisions, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées en première instance par Mme D... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à tout le moins, de réduire le montant de la somme que les premiers juges ont mis à sa charge à ce titre.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2019, Mme A... D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le préfet n'est fondé.

Par une décision du 28 mars 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle a maintenu la décision du 18 janvier 2019 accordant à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Mme D..., ressortissante de la République Démocratique du Congo née en 1980, a déclaré être entrée en France le 6 septembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 décembre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 21 septembre 2016. Par un arrêté du 21 octobre 2016, le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Par un courrier du 14 septembre 2018, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 11 janvier 2019 le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Par une décision du même jour, le préfet l'a, par ailleurs, assignée à résidence. Le préfet des Ardennes relève appel du jugement du 15 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du 11 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant assignation à résidence.

2. En vertu de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a considéré que les stipulations précitées avaient été méconnues. Pour contester le jugement attaqué, le préfet des Ardennes se borne à soutenir, d'une part, que Mme D... ne l'avait pas informé de ce que le père de son fils résidait régulièrement en France, et d'autre part, qu'il existe des doutes sur cette filiation.

4. Toutefois, d'une part, la légalité d'une décision administrative s'appréciant eu égard aux faits existant à la date où elle est intervenue, Mme D... pouvait utilement se prévaloir de ce que le père de son fils était titulaire d'un titre de séjour, alors même qu'elle n'aurait pas porté ce fait à la connaissance de l'administration.

5. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. En l'espèce, Mme D... produit l'acte de naissance de son fils né le 24 août 2007 qui a été établi le 7 octobre 2013 en République Démocratique du Congo et qui mentionne M. E... comme père de l'enfant. Le préfet n'allègue pas que ce document constituerait un faux ou qu'il aurait été falsifié. Il ressort, par ailleurs, des pièces produites par le préfet lui-même que M. E... avait déclaré être le père de cet enfant dès le dépôt de sa demande d'asile au mois de novembre 2013, en indiquant sa date de naissance et en mentionnant qu'il résidait en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, la circonstance alléguée par le préfet que M. E... aurait reconnu d'autres enfants dans " des buts uniquement migratoires " ne suffirait pas en l'espèce, à la supposer établie, à remettre en cause la paternité de l'intéressé à l'égard du fils de Mme D.... Dès lors, le préfet n'apporte pas suffisamment d'éléments pour remettre en cause la filiation du fils de Mme D....

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Ardennes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du 11 janvier 2019.

Sur les frais exposés par de Mme D... et son conseil devant le tribunal administratif :

9. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à l'avocate de Mme D... sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors que l'Etat est la partie perdante et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance au titre desdites dispositions, les conclusions du préfet des Ardennes tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocate peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate de Mme D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet des Ardennes est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Ardennes.

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N° 19NC00349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00349
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SEGAUD JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-19;19nc00349 ?
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