Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er juin 2016 par lequel le préfet du Doubs a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation du Doubs Amont, en tant qu'il classe sa parcelle cadastrée A 577 en zone rouge, ainsi que la décision du 20 septembre 2016 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1601821 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02324 le 24 août 2018, complétée par un mémoire enregistré le 12 avril 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 28 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2016 par lequel le préfet du Doubs a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) du Doubs Amont, en tant qu'il classe en zone rouge la parcelle cadastrée A 577, ensemble la décision du 20 septembre 2016 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;
- le tribunal n'a pas répondu à son argument tiré de ce que la carte des enjeux n'indique pas clairement à quelle catégorie d'occupation des sols ou d'enjeux appartient la zone à laquelle est rattachée sa parcelle A 577 ;
- la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Franche-Comté n'a pas été consultée sur le projet de PPRI ;
- le préfet du Doubs, qui a approuvé le PPRI, était aussi chargé de la consultation en matière environnementale, mais il n'y a pas eu de séparation fonctionnelle au sein de ses services ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait ;
- l'arrêté attaqué porte atteinte au principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, dès lors que la carte des enjeux n'indique pas clairement à quelle catégorie d'occupation des sols ou d'enjeux appartient la zone à laquelle est rattachée sa parcelle A 577 ;
- le classement de sa parcelle en zone rouge du PPRI du Doubs Amont méconnaît le principe d'égalité des citoyens devant la loi et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019.
Par un courrier en date du 11 octobre 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité, pour tardiveté, des moyens de légalité externe soulevés par M. C... à l'encontre de l'arrêté du 1er juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Doubs a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) du Doubs Amont, par un arrêté du 1er juin 2016. M. C..., propriétaire, sur le territoire de la commune de Doubs, d'une parcelle cadastrée section A 577, a contesté le classement de cette parcelle en zone rouge du PPRI et fait appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation, dans cette mesure, de l'arrêté du 1er juin 2016 ainsi que de la décision du 20 septembre 2016 par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux tendant au classement de sa parcelle en zone bleue de ce plan.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la contrariété des motifs d'une décision juridictionnelle met en cause, au même titre qu'une erreur de droit, le bien-fondé du raisonnement juridique suivi par le juge, et non la régularité externe de sa décision. Dès lors, en soutenant que le tribunal administratif de Besançon ne pouvait pas, tout à la fois, relever que la parcelle A 577 était située dans une zone d'équipements publics et que dans cette zone, la densité d'occupation était faible, M. C... ne soulève pas un moyen de nature à démontrer, s'il était fondé, l'irrégularité du jugement attaqué.
3. En second lieu, si le juge administratif est tenu de répondre à tous les moyens de légalité soulevés à l'encontre d'une décision, il n'est pas tenu de répondre à chacun des arguments développés à l'appui de ces moyens. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, en ce qu'il ne répondrait pas à son " argument " tiré de ce que la carte des enjeux n'indique pas clairement à quelle catégorie d'occupation des sols ou d'enjeux appartient la zone à laquelle est rattachée sa parcelle A 577.
Sur la légalité des décisions en litige :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 1er juin 2016 :
4. Dans sa requête d'appel enregistrée le 24 août 2018, M. C... ne soulevait que des moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué et, s'agissant de ses conclusions d'excès de pouvoir, des moyens de légalité interne. Or, les moyens qu'il a soulevés dans son mémoire enregistré le 12 avril 2019, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel, et tirés de ce que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Franche-Comté n'a pas été consultée sur le projet de PPRI et de ce que le préfet du Doubs ne pouvait être en charge de la consultation environnementale dès lors qu'il était chargé d'approuver le PPRI, relèvent de la légalité externe de l'arrêté contesté et procèdent ainsi d'une cause juridique distincte de ceux dont relèvent les moyens soulevés dans ce délai d'appel. Par suite, ces moyens sont irrecevables et doivent être écartés.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 1er juin 2016 :
5. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. II. Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, dites " zones de danger ", en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones, dites " zones de précaution ", qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° (...) 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) ". En vertu de l'article L. 562-4 du même code, le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique et est annexé au plan local d'urbanisme.
6. En premier lieu, si en vertu de l'article R. 562-3 de ce code, le dossier de projet de plan comprend notamment " Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° " de l'article L. 562-1 et s'il résulte de ces dispositions que les documents graphiques des plans de prévention des risques naturels prévisibles, dont les prescriptions s'imposent directement aux autorisations de construire, doivent, au même titre que les documents d'urbanisme, être suffisamment précis pour permettre de déterminer les parcelles concernées par les mesures d'interdiction et les prescriptions qu'ils prévoient et, notamment, d'en assurer le respect lors de la délivrance des autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, ces dispositions n'ont, toutefois, ni pour objet ni pour effet d'imposer que ces documents fassent apparaître eux-mêmes le découpage parcellaire existant.
7. De même, s'il ressort des pièces du dossier que la méthodologie mise en oeuvre par les auteurs du PPRI du Doubs Amont les a conduits à élaborer une " carte des enjeux " à partir de l'urbanisation actuelle, et une " carte des aléas et des hauteurs d'eau " à partir des risques connus d'inondation, il ne résulte ni des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition de nature législative ou règlementaire, ni d'aucun principe général du droit que l'administration serait tenue de faire apparaître sur ces documents préparatoires le découpage parcellaire.
8. Enfin, et en tout état de cause, il ressort de l'examen de l'ensemble des documents graphiques produits au dossier que ces derniers étaient suffisamment clairs pour permettre aux personnes intéressées de déterminer l'appréciation portée par les auteurs du plan quant à l'inclusion des parcelles les concernant dans chacune des catégories d'enjeux ou d'aléas afin de les classer dans l'une des deux zones mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 561-2 du code de l'urbanisme.
9. Il s'ensuit que le moyen tiré par l'appelant de ce que l'arrêté du 1er juin 2016 méconnaîtrait l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, en ce que la carte des enjeux n'indiquerait pas clairement de quelle catégorie d'enjeux relèverait sa parcelle A 577, doit être écarté.
10. En deuxième lieu, conformément aux dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'urbanisme, l'article 1-1 du règlement annexé au PPRI du Doubs Amont a délimité une zone rouge, inconstructible, et une zone bleue, qui reste constructible, avec des prescriptions particulières. Par ailleurs, selon la méthodologie adoptée par les auteurs du PPRI, la détermination de ce zonage résulte d'une appréciation croisée des caractéristiques de chaque secteur au regard des enjeux pour les personnes, biens et activités exposés au phénomène d'inondation en fonction de l'urbanisation des lieux, d'une part, et de l'importance de l'aléa, en termes de risques d'inondation proprement dits, d'autre part. En application de ces principes, le classement en zone rouge de la parcelle A 577 en litige s'est opéré eu égard à sa localisation, à la date d'approbation du plan, en zone d'équipements publics, peu ou pas urbanisée, d'une part, et en zone d'aléa fort, d'autre part.
11. D'une part, il ressort de la " carte des enjeux " du PPRI du Doubs Amont que le terrain d'assiette de la station d'épuration communale, y compris sa partie devenue la parcelle A 577, est situé de l'autre côté de la limite nord d'une zone d'habitat moyennement dense, dans un large secteur où les terrains se répartissent entre des zones naturelles et des zones d'activité industrielle. La circonstance qu'il se trouve au voisinage de certaines parcelles, notamment les parcelles A 587, A 557 et A 558, qui comprennent un entrepôt et des serres agricoles ayant justifié leur inclusion en zone d'activité industrielle, ne suffit pas à établir qu'il doive bénéficier d'un classement identique ni qu'il soit regardé, par assimilation comme un secteur "largement urbanisé ", comme le soutient le requérant. A cet égard, la circonstance qu'un secteur d'une commune comporterait quelques équipements publics n'exclut pas davantage de l'assimiler, en termes d'enjeux d'occupation et eu égard à ses caractéristiques réelles à la date d'approbation du plan, à une zone où la densité d'occupation serait faible, comme l'a estimé le tribunal administratif dont le jugement n'est entaché sur ce point d'aucune contradiction de motifs. De même, le projet de M. C... d'utiliser la parcelle en litige pour agrandir l'entrepôt qu'il détient sur la parcelle A 587 est, à le supposer avéré, sans incidence sur la légalité de son classement.
12. D'autre part, il ressort du plan topographique produit au dossier que les points altimétriques recensés sur la parcelle A 577, regardée comme soumise à un aléa fort, sont compris essentiellement entre 805,5 m et 806,5 m et se trouvent donc généralement, comme l'ont relevé les premiers juges sans commettre d'erreur de fait, à un niveau inférieur à ceux relevés sur les parcelles voisines n° 472, 576, 592 et 593, qui sont souvent supérieurs à 806 m.
13. Dans ces conditions, le classement en zone rouge de la parcelle A 577, justifiée par la nécessité d'assurer, dans une zone faiblement occupée mais à fort risque d'inondation, le maintien en l'état d'une zone à forte expansion des crues, ne peut être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, s'agissant de la parcelle A 576, les relevés altimétriques effectués sur sa partie située à l'ouest de la parcelle A 577, sont compris entre 806,80 et 806,89 m (au sud) et 806,67 et 806,68 m (au nord), ce qui a justifié qu'elle soit regardée comme n'étant exposée qu'à un aléa moyen, permettant de la classer en zone bleue du plan. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le classement en zone rouge de sa parcelle A 577, méconnaît le principe d'égalité des citoyens devant la loi.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 1er juin 2016, et de la décision du 20 septembre 2016 portant rejet de son recours gracieux.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC02324