Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 1er avril 2015 par laquelle le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a placé en disponibilité d'office du 15 février 2015 au 2 juillet 2016 et de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500850 du 4 juillet 2017 le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
M. C... D... a également demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 août 2016 par laquelle le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a maintenu en disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter du 3 juillet 2016 et de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1601579 du 4 juillet 2017 le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette seconde demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2017 sous le n° 17NC02179, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 juillet 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1500850 du 4 juillet 2017 ;
2°) de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à la date de la décision attaquée, il n'avait pas épuisé ses droits à congé de longue durée puisque l'arrêté du 11 avril 2014 le plaçant dans cette position a été annulé par le tribunal administratif de Besançon ;
- la procédure est irrégulière en ce qu'il n'a pas été mis en mesure de savoir qu'il était à nouveau convoqué devant le comité médical et en outre, le comité ne comportait que deux médecins ;
- l'interdiction qui lui a été faite d'exercer dans le cadre de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique n'autorisait pas l'interruption d'un congé de longue durée avant la fin de ses droits ;
- le rétablissement des droits attachés au congé de longue durée, décidé le 11 septembre 2014, a constitué une décision créatrice de droits, qui ne peut être remise en question ;
- il devait épuiser ses droits à congé de longue durée avant d'être mis en disponibilité d'office.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2018, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, conclut au rejet de la requête ;
ll fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par lettre du 18 février 2020, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les moyens de légalité externe soulevés en appel par M. D..., qui ne se rattachent pas à l'unique cause juridique invoquée devant le tribunal administratif de Besançon avant l'expiration du délai de recours et relative à la légalité interne de la décision contestée, sont irrecevables en appel.
II. Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2017 sous le n° 17NC02180, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 juillet 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1601579 du 4 juillet 2017 ;
2°) de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce qu'il n'a pas été mis en mesure de savoir qu'il était à nouveau convoqué devant le comité médical lequel s'est, en outre, abstenu d'examiner sa demande d'imputabilité au service du 17 novembre 2014 alors qu'il est amené à connaître de toute question d'ordre médical intéressant les praticiens hospitaliers ;
- l'interdiction qui lui a été faite d'exercer dans le cadre de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique n'autorisait pas l'interruption d'un congé de longue durée avant la fin de ses droits ;
- le rétablissement des droits attachés au congé de longue durée, décidé le 11 septembre 2014, a constitué une décision créatrice de droits, qui ne peut être remise en question ;
- il devait épuiser ses droits à congé de longue durée avant d'être mis en disponibilité d'office.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2018, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me B..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., praticien hospitalier exerçant ses fonctions au Centre hospitalier de Belfort-Montbéliard depuis 2006, a été placé en congé de longue durée du 6 avril 2001 au 31 mars 2004. Alors qu'il avait, à nouveau été placé dans cette position du 15 février 2013 au 14 août 2014, par un arrêté du 11 avril 2014 au titre de la même pathologie, il a fait l'objet, par un arrêté du 1er avril 2015 de la directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, d'un placement en disponibilité d'office à compter du 15 février 2015 au double motif, d'une part, que, par décision du 30 juin 2014, le conseil régional de l'Ordre des médecins de Franche-Comté l'avait suspendu de son droit d'exercer la médecine pour une durée de deux ans et, d'autre part, qu'il avait épuisé ses droits à congé de longue durée depuis le 15 février 2015. Par arrêté du 2 août 2016, M. D... a été maintenu en disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter du 3 juillet 2016. Par deux requêtes, enregistrées sous les n° 17NC02179 et 17NC02180, qu'il y a lieu de joindre, il demande à la cour l'annulation des jugements n° 1500850 et 1601579 du 4 juillet 2017 par lesquels le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 1er avril 2015 et 2 août 2016.
Sur la légalité des arrêtés des 1er avril 2015 et 2 août 2016 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique : " I. Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-62 de ce code : " Les praticiens hospitaliers peuvent être mis en disponibilité soit d'office, dans les cas prévus aux articles R. 6152-37 à R. 6152-39, R. 6152-42, R. 6152-50-5, R. 6152-59, R. 6152-61 et R. 6152-68, soit sur leur demande. / Les praticiens hospitaliers faisant l'objet d'une interdiction temporaire d'exercer la profession de médecin, de pharmacien ou de donner des soins aux assurés sociaux sont placés en disponibilité d'office pendant toute la durée de cette interdiction ".
3. Une mesure de suspension du droit d'exercer, prise à l'encontre d'un praticien par un conseil régional ou interrégional de l'Ordre des médecins en application de l'article R. 4124-3 précité du code de la santé publique, ne constitue pas une interdiction temporaire d'exercer la profession de médecin ou de donner des soins aux assurés sociaux au sens et pour l'application de l'article R. 6152-62 du même code, en vertu duquel les praticiens ayant fait l'objet d'une telle interdiction temporaire sont placés en disponibilité d'office pendant toute la durée de cette interdiction. Dans ces conditions, la directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ne pouvait légalement retenir comme motif de ses décisions plaçant et maintenant M. D... en position de disponibilité d'office, la circonstance qu'il avait été l'objet, le 30 juin 2014, d'une décision du Conseil régional de l'Ordre des médecins de Franche-Comté le suspendant de son droit d'exercer la médecine pour une durée de deux ans.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 6152-39 du code de la santé publique : " Un praticien reconnu atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis par le comité médical et empêché d'exercer ses fonctions est de droit mis en congé de longue durée par décision du préfet du département. / Le congé de longue durée ne peut être accordé pour une durée inférieure à trois mois ou supérieure à six mois. Il peut être renouvelé à concurrence d'un total de cinq années. Au-delà de ce total de congés, le praticien qui ne peut reprendre son service est mis en disponibilité dans les conditions fixées aux articles R. 6152-62, R. 6152-63 et R. 6152-65. / Le praticien placé en congé de longue durée a droit au maintien de la totalité de ses émoluments pendant trois ans, et de la moitié pendant deux ans ".
5. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 4 juillet 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Besançon a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 avril 2014 ayant placé M. D... en congé de longue durée du 15 février 2013 au 14 août 2014. Compte tenu de cette annulation, et eu égard aux périodes au cours desquelles M. D... avait précédemment été placé en congé de longue durée au titre de la même pathologie, le motif tiré de ce qu'à la date des arrêtés contestés des 1er avril 2015 et 2 août 2016, l'intéressé avait épuisé ses droits statutaires à congé de longue durée doit être regardé comme entaché d'une erreur de fait.
7. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à l'illégalité des deux motifs qui ont fondé les arrêtés des 1er avril 2015 et 2 août 2016 le plaçant et le maintenant en position de disponibilité d'office en application des dispositions de l'article R. 6152-62 du code de la santé publique, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés aux instances :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, qui est partie perdante, le versement à M. D... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Besançon n° 1500850 et 1601579 du 4 juillet 2017 et les arrêtés de la directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière des 1er avril 2015 et 2 août 2016 sont annulés.
Article 2 : Le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière
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N° 17NC02179, 17NC02180