Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI JM6 a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les titres exécutoires n° 000183 et 000184 émis à son encontre le 26 février 2015 par la communauté de communes des Rives de Moselle pour des montants respectifs de 72 344,86 et 284 510 euros.
Par un jugement n° 1501354-1501355 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC03269 le 5 décembre 2018, complétée par un mémoire enregistré le 16 janvier 2020, la SCI JM6, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 octobre 2018 ;
2°) d'annuler les titres exécutoires n° 000183 et 000184 émis le 26 février 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Rives de Moselle une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les titres exécutoires n'indiquent pas de manière suffisante les bases de liquidation des créances en se référant indistinctement à deux arrêtés du 4 juillet 2014 qui lui ont été transmis dans la même enveloppe, ce qui la met dans l'impossibilité de connaitre les modalités de calcul appliquées à chacune des deux participations mises à sa charge ;
- l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme a été méconnu, dès lors que les équipements publics réalisés ne sont ni nécessaires, ni exceptionnels ce qui prive de base légale les titres exécutoires litigieux ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, ce moyen ne constitue pas une exception d'illégalité des permis de construire et des arrêtés du 4 juillet 2014 et ne pouvait donc être écarté au seul motif qu'une telle exception était irrecevable en raison du caractère définitif de ces décisions ;
- même si ce moyen devait être regardé comme constituant une exception d'illégalité, celle-ci aurait dû être accueillie dès lors que l'ensemble formé par les titres exécutoires avec ces décisions s'inscrit dans le cadre d'une opération complexe.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2019 et le 28 janvier 2020, la communauté de communes des Rives de Moselle, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCI JM6 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'autorité de chose jugée attachée à la décision du Conseil d'Etat du 4 juillet 2018 ne permet plus de contester le bien-fondé des permis de construire et des arrêtés du 4 juillet 2014 qui sont devenus définitifs ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
-l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour la SCI JM6, ainsi que celles de Me A..., pour la communauté de communes des Rives de Moselle.
La communauté de communes des Rives de Moselle a présenté une note en délibéré enregistrée le 4 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat intercommunal pour la création et l'aménagement de la zone d'activités de Talange-Hauconcourt (Moselle) a, par deux délibérations des 29 juin 2001 et 1er avril 2005, fixé les règles de calcul de la participation spécifique pour la réalisation d'équipements exceptionnels pouvant être exigée des bénéficiaires d'autorisations de construire dans cette zone en application des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme. Le maire de la commune d'Hauconcourt a, par un arrêté du 7 octobre 2004 pris au nom de l'Etat, délivré à la société Weigerding un permis de construire des locaux commerciaux dans cette zone et lui a imposé le versement d'une participation financière d'un montant de 72 344, 86 euros. Puis, le préfet de la Moselle lui a délivré, le 19 décembre 2006, un second permis de construire pour la création et l'extension de lots dans la zone d'activités et l'a assorti d'une participation financière de 284 510 euros. Le versement de ces sommes a été mis à la charge de la SCI JM6, venue aux droits de la société Weigerding, par commandement de payer établi le 15 septembre 2011 mais par un jugement devenu définitif du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la SCI JM6 du versement des sommes qui lui étaient ainsi réclamées, au motif que les permis de construire délivrés à la société Weigerding ne comportaient aucune indication du mode d'évaluation de la participation, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-29 du code de l'urbanisme.
2. A la suite de ce jugement, le président de la communauté de communes des Rives de Moselle, qui a succédé au syndicat intercommunal pour la création et l'aménagement de la zone d'activités de Talange-Hauconcourt, a, par deux arrêtés du 4 juillet 2014, précisé le mode d'évaluation des sommes de 72 344,86 euros et de 284 510 euros et a informé la SCI JM6 du recouvrement de ces sommes par l'émission d'avis de sommes à payer. Ces arrêtés ont été annulés par un jugement du 17 mars 2015 du tribunal administratif de Strasbourg mais ce jugement a été infirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 décembre 2015, lui-même confirmé par décision du 4 juillet 2018 du Conseil d'Etat statuant au contentieux.
3. Entretemps, le président de la communauté de communes des Rives de Moselle avait émis à l'encontre de la SCI JM6, le 26 février 2015, deux titres exécutoires n° 00183 et 00184 d'un montant respectivement de 72 344,86 et 284 510 euros en vue du recouvrement des participations mises à sa charge. La société JM6 fait appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces titres exécutoires.
Sur le bien-fondé des titres exécutoires du 26 février 2015 :
4. Aux termes de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date d'émission des titres exécutoires litigieux : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels (...) ".
5. Il appartient à l'autorité qui impose, sur le fondement des dispositions précitées, le versement par un constructeur d'une participation financière au coût de la réalisation d'équipements publics exceptionnels de justifier qu'une telle réalisation est rendue nécessaire par l'opération projetée et que son montant est déterminé en fonction de l'importance de la construction à réaliser. En outre, le bien-fondé d'une telle participation peut être discuté, devant le juge du plein contentieux, à l'occasion de la contestation du titre exécutoire qui en poursuit le recouvrement alors même que le permis de construire dont la délivrance a constitué le fait générateur de cette participation serait devenu définitif.
6. En premier lieu, ni le jugement du 1er octobre 2013 du tribunal administratif de Strasbourg ni l'arrêt du 17 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nancy, devenu irrévocable depuis la décision du 4 juillet 2018 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, ne se sont prononcés sur le bien-fondé des participations mises à la charge de la SCI JM6 au regard des conditions énoncées à l'article L. 332-8. En tout état de cause, les arrêtés du 4 juillet 2014, par lesquels la communauté de communes s'est bornée à préciser les bases de liquidation de ces participations, ne constituaient pas les faits générateurs de ces dernières et par suite, la circonstance qu'ils soient désormais devenus définitifs demeure, contrairement aux énonciations du jugement attaqué, sans incidence sur la possibilité pour la SCI JM6 d'en contester le bien-fondé. Par suite, la communauté de communes des Rives de Moselle ne peut utilement soutenir en défense que l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 17 décembre 2015 ferait obstacle à une telle contestation.
7. En second lieu, et d'une part, il résulte de l'instruction que la participation mise à la charge du pétitionnaire par le permis de construire du 7 octobre 2004, a été instituée par une délibération du 29 juin 2001 du comité d'administration du syndicat intercommunal pour la création et l'aménagement de la zone d'activités de Talange-Hauconcourt en vue de récupérer, sur les futurs constructeurs " hors-lotissement ", une partie des dépenses déjà engagées pour la réalisation d'aménagements routiers destinés à améliorer la circulation de cette zone artisanale. Toutefois, alors d'ailleurs que ce permis de construire ne portait que sur un changement de destination d'un bâtiment à usage commercial déjà existant et sur une modification de son aspect extérieur et qu'il n'est en tout état de cause pas établi que la nouvelle activité était de nature à créer un afflux supplémentaire de circulation, les aménagements routiers ainsi réalisés par le syndicat intercommunal ne peuvent être regardés, eu égard à leur localisation, leur importance et leur coût, comme se rapportant à la réalisation d'équipements publics exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme.
8. D'autre part, il résulte également de l'instruction que la participation mise à la charge du pétitionnaire par le permis de construire du 19 décembre 2006 a été instituée par une délibération du 1er avril 2005 du comité d'administration du syndicat intercommunal pour la création et l'aménagement de la zone d'activités de Talange-Hauconcourt, qui, modifiant sur ce point sa précédente délibération du 29 juin 2001, a inclus dans les travaux d'aménagements routiers pris en compte, la réalisation d'une voie de 2 km destinée à desservir le nord de la zone d'activités. Il résulte en outre de l'instruction qu'en dépit de l'indication figurant dans la convention du 27 novembre 2006 signée entre le syndicat intercommunal et la société Weigerding, selon laquelle les travaux financés par cette participation spécifique consistent également en la réalisation d'un pont sur le canal Camifemo, alors qu'il s'agissait en réalité de procéder à la reconstruction d'un ouvrage déjà existant, ainsi qu'en la réfection du réseau d'assainissement et un réaménagement de la voirie interne existante, aucun de ces aménagements ne peut être regardé, eu égard à la nature et à la localisation du projet autorisé par ce permis, qui porte sur l'extension de deux lots et la création de trois lots d'activités dans le secteur sud de la zone d'activités concernée, comme présentant le caractère d'équipements publics exceptionnels rendus nécessaires par un tel projet, au sens des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI JM6 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires n° 000183 et n° 000184 émis à son encontre le 26 février 2015 par la communauté de communes des Rives de Moselle.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge la SCI JM6, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la communauté de communes des Rives de Moselle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Rives de Moselle une somme de 1 500 euros à verser à la SCI JM6 au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 octobre 2018 et les deux titres exécutoires du 26 février 2015 sont annulés.
Article 2 : La communauté de communes des Rives de Moselle versera à la SCI JM6 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes des Rives de Moselle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI JM6 et à la communauté de communes des Rives de Moselle.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 18NC03269 2