Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 13 novembre 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1806966 du 26 novembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 27 décembre 2018 et 3 janvier 2019, M. B... A..., représenté par Me Thomann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 novembre 2018 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 13 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation ;
Sur l'assignation à résidence :
- l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité la décision l'assignant à résidence ;
- les contraintes imposées par l'obligation de présentation deux fois par semaine au commissariat sont non négligeables.
Par ordonnance du 29 avril 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2020.
Un mémoire présenté par le préfet du Bas-Rhin a été enregistré le 11 juin 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1990 de nationalité algérienne, serait entré irrégulièrement en France en 2015 selon ses déclarations. Une obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée le 28 décembre 2016. L'intéressé s'est maintenu sur le territoire français. Il a été interpellé le 12 novembre 2018 par les services de police de Strasbourg pour des faits de recel de vol. Constatant que l'intéressé était démuni de passeport, visa ou titre de séjour en cours de validité, et qu'il ne pouvait justifier d'une entrée régulière en France, le préfet du Bas-Rhin a pris à son encontre les arrêtés du 13 novembre 2018 par lesquels il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 26 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 13 novembre 2018.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
2. En premier lieu, les décisions contestées comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et n'ont pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation de M. A... dont il a fait état au cours de sa garde à vue. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. A... soutient qu'il est père d'une enfant française, née le 31 octobre 2018 et qu'il vit avec la mère de sa fille, toutes deux de nationalité française. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas d'une arrivée en France en 2015 comme il s'en prévaut. Sa présence sur le territoire français ne peut être tenue pour établie qu'à compter de décembre 2016, date à laquelle une obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée. En outre, la relation de M. A... avec la mère de son enfant est très récente. Si le requérant produit un contrat de bail non daté et un contrat d'électricité ainsi qu'une facture du 6 décembre 2017, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir la communauté de vie avec la mère de sa fille. Par ailleurs, le requérant ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français sur lequel il s'est maintenu irrégulièrement en se soustrayant à une mesure d'éloignement prise à son encontre et en ne sollicitant pas de titre de séjour. Enfin, l'intéressé ne produit aucun élément qui justifierait de l'intensité des liens qu'il aurait avec ses tantes et son frère présents sur le territoire français. Il n'est pas contesté en outre que ses parents et sa sœur demeurent toujours en Algérie. Par suite, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il ressort des pièces du dossier que rien ne fait obstacle à ce que le requérant reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine avec son épouse et leur enfant mineur ou à ce qu'il puisse se prévaloir de la procédure de regroupement familial. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent les dispositions du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 6, les décisions contestées ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de famille de l'intéressé.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l''article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Par ailleurs, l'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".
10. Si la mesure d'assignation à résidence a eu pour effet de contraindre le requérant à se rendre deux fois par semaine, à l'exception des samedis, dimanches et jours fériés, dans les locaux de la police aux frontières à l'aéroport d'Entzheim, le requérant se borne à soutenir que ces déplacements lui ont occasionné des frais. Il n'établit pas ainsi que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou méconnaitrait les dispositions précitées.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, premier conseiller,
Mme Lambing, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 2 juillet 2020.
Le rapporteur,
Signé : S. LAMBING Le président,
Signé : M. AGNEL
La greffière,
Signé : D. FRITZ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
D. FRITZ
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N° 18NC03534