Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile Financière C a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner avant-dire-droit une expertise et de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.
M. et Mme F... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner avant-dire-droit une expertise et de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600596, 1600593 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
La société civile 2M Finances a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner avant-dire-droit une expertise et de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
M. K... D... et Mme I... G... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner avant-dire-droit une expertise et de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600597, 1600592 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
La société civile Financière W a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner avant-dire-droit une expertise et de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
M. H... E... et Mme L... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner avant-dire-droit une expertise et de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600595, 1600594 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. ) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NC02233, les 9 août 2018, 5 avril et 3 juillet 2019, la société civile Financière C, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ou à ce qu'il soit ordonné avant-dire-droit une expertise ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- il y a lieu d'ordonner une expertise eu égard aux connaissances en matière financière et immobilière nécessaires à la solution du litige ;
- l'article 38-2 du code général des impôts n'est pas applicable en l'espèce dès lors que les titres de la société Artémis ont été comptabilisés sur la base du prix de vente et non sur le prix d'acquisition ;
- la valeur de la nue-propriété des parts de la société Artémis est nécessairement inférieure à leur valeur en pleine propriété et à celle de la valeur actualisée de la propriété future ;
- les valeurs de l'immeuble et de la nue-propriété ont été surévaluées par l'administration ;
- le recours à la méthode de la valeur mathématique est la seule valable ;
- l'administration n'est pas fondée à considérer que la société Financière C n'avait pas d'intérêt à céder la nue-propriété des titres de la société Artémis et méconnait le principe de non immixtion dans sa gestion ; il n'y a pas d'acte anormal de gestion puisque la cession a été faite au prix du marché ;
- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 10 mai 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société civile Financière C ne sont pas fondés.
II. ) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NC02235, les 9 août 2018, 5 avril et 3 juillet 2019, M. et Mme F... A..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ou à ce qu'il soit ordonné avant-dire-droit une expertise ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- il y a lieu d'ordonner une expertise eu égard aux connaissances en matière financière et immobilière nécessaires à la solution du litige ;
- l'article 38-2 du code général des impôts n'est pas applicable en l'espèce dès lors que les titres de la société Artémis ont été comptabilisés sur la base du prix de vente et non sur le prix d'acquisition ;
- la valeur de la nue-propriété des parts de la société Artémis est nécessairement inférieure à leur valeur en pleine propriété et à celle de la valeur actualisée de la propriété future ;
- les valeurs de l'immeuble et de la nue-propriété ont été surévaluées par l'administration ;
- le recours à la méthode de la valeur mathématique est la seule valable ;
- l'administration n'a pas démontré que la cession a été faite à un prix minoré et qu'il existait une intention libérale à consentir cette vente au sens de l'article 111 c du code général des impôts ;
- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 10 mai 2019, et 17 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
III. ) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NC02236, les 9 août 2018 et 5 avril 2019, la société civile 2M Finances, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ou à ce qu'il soit ordonné avant-dire-droit une expertise ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Elle soulève les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête n° 18NC02233.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 10 mai 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société civile 2M Finances ne sont pas fondés.
IV. ) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NC02237, les 9 août 2018 et 5 avril 2019, M. K... D... et Mme I... G..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit ordonné avant-dire-droit une expertise et à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête n° 18NC02235.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 10 mai 2019, et 17 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... et Mme G... ne sont pas fondés.
V. ) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NC02238, les 9 août 2018 et 5 avril 2019, la société civile Financière W, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ou à ce qu'il soit ordonné avant-dire-droit une expertise ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Elle soulève les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête n° 18NC02233.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 10 mai 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société civile Financière W ne sont pas fondés.
VI. ) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NC02239, les 9 août 2018 et 5 avril 2019, Mme L... C... et M. H... E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ou à ce qu'il soit ordonné avant-dire-droit une expertise ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête n° 18NC02235.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 10 mai 2019, et 17 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... et M. E... ne sont pas fondés.
Par lettre du 10 avril 2020, la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués (cf. Conseil constitutionnel 7 juillet 2017 décision n° 2017-643/650 QPC).
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J...,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société civile Financière C, M. et Mme A..., la société civile 2M Finances, M. D... et Mme G..., la société civile Financière W et Mme C... et M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées 18NC02233, 18NC02235, 18NC02236, 18NC02237, 18NC02238, 18NC02239, présentées respectivement pour la société civile Financière C, M. et Mme A..., la société civile 2M Finances, M. D... et Mme G..., la société civile Financière W et Mme C... et M. E... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. La société civile immobilière (SCI) Artémis, créée le 10 novembre 2008, a acquis le 12 novembre 2018, un immeuble à usage de bureaux à Strasbourg. Par actes sous seing privés des 20 juillet 2009, 10 mai et 30 août 2010, les sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances, associées de la SCI Artémis, ont chacune cédé à leur principal associé, soit respectivement M. A..., M. E... et M. D..., la nue-propriété des parts qu'elles détiennent au sein de la SCI Artémis. Les sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances se sont réservées l'usufruit temporaire de ces parts pour une durée de dix-sept ans. Aux termes de ces actes, MM. A..., E... et D... détiendront la pleine propriété des titres. A la suite d'un contrôle sur pièces des sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances, qui ont opté à l'imposition à l'impôt sur les sociétés, l'administration a estimé que les valeurs de la nue-propriété des parts cédées avaient été minorées et a en conséquence qualifié ces minorations d'acte anormal de gestion. MM. A..., E... et D... étant les associés des sociétés civiles, l'administration a considéré qu'ils avaient bénéficié d'une libéralité. Par des propositions de rectification du 9 juillet 2012 établies dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, l'administration a notifié aux sociétés civiles une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2009 concernant la société Financière C et au titre de l'année 2010 concernant les sociétés Financière W et 2M Finances. Par des propositions de rectification du même jour, l'administration a notifié, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 concernant M. et Mme A... et au titre de l'année 2010 concernant M. E... et Mme C..., et M. D... et Mme G.... Les sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances, ainsi que M. et Mme A..., M. E... et Mme C..., et Mme G... et M. D... relèvent appel des jugements du 10 juillet 2018 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a respectivement rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité des jugements :
3. En rejetant au fond les conclusions des requérants, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de motiver sur ce point son jugement, a statué sur leur demande tendant à ce que soit ordonnée avant dire droit une expertise, qui est relative à la mise en oeuvre de pouvoirs propres du juge. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les jugements attaqués seraient entachés d'une omission à statuer sur ces conclusions.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
4. Par une décision du 17 avril 2020, postérieure à l'introduction des requêtes de MM. A..., D... et E..., le ministre de l'économie, des finances et de la relance a prononcé un dégrèvement en matière de contributions sociales à hauteur respectivement de 2 805 euros, 5 057 euros et 4 957 euros à hauteur du rehaussement lié à l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 pour les années en litige. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions à fin de décharge de M. et Mme A..., M. D... et Mme G..., et Mme C... et M. E....
En ce qui concerne l'acte anormal de gestion et la détermination de la valeur de la nue-propriété des parts cédées par les sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances :
5. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
6. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
7. D'autre part, en l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, la valeur vénale des titres d'une société non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Dans le cas de l'acquisition d'un bien en démembrement de propriété, peut notamment constituer une telle méthode d'évaluation celle qui définit des prix de la nue-propriété et de l'usufruit tels qu'ils offrent le même taux de rendement interne de l'investissement pour l'usufruitier et le nu-propriétaire.
8. Il résulte de l'instruction que la société civile Financière C a cédé la nue-propriété avec réserve d'usufruit temporaire des 600 parts qu'elle détenait au capital de la SCI Artémis au prix unitaire de 324 euros. Les sociétés civiles Financière W et 2M Finances ont également cédé respectivement à MM. E... et D... la nue-propriété avec réserve d'usufruit temporaire des 1 050 parts que chacune détenait au sein de la SCI Artémis au prix unitaire de 567 euros. Les requérants ont fixé la valeur de l'usufruit par application du barème fiscal prévu en matière de droits d'enregistrement à 46 % de la pleine propriété estimée à un euro la part. Puis ils ont déterminé la valeur de la nue-propriété par la différence entre la valeur de la pleine propriété et celle de l'usufruit. Pour démontrer la minoration du prix de cession des parts, l'administration fiscale a utilisé, en vue de déterminer la valeur de la nue-propriété de ces parts, la méthode dite de l'actualisation de la valeur future de la pleine propriété. Le service a appliqué à la valeur de la pleine propriété à la date de l'acquisition un taux d'actualisation annuel de 5,5 % intégrant une prime de risque de 1%, tout en tenant compte d'une inflation de 1,5 % par an. Puis, elle a admis une décote de 10 % pour absence de liquidité des titres. L'administration a évalué ainsi la valeur de la nue-propriété des titres cédés à M. A... au prix de 62 147 euros, et à 108 190 euros pour MM. E... et D.... Elle a considéré que la minoration du prix de cession de la nue-propriété de ces titres caractérisait un acte anormal de gestion de la part des sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances, qui avaient par suite consenti des libéralités à leurs associés respectifs MM. A..., E... et D.... L'administration en a tiré les conséquences au titre de la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances et des revenus distribués imposables à l'impôt sur les revenus de MM. A..., E... et D....
9. Les requérants contestent le calcul de l'administration qui conduit selon eux à une surévaluation de la valeur de la nue-propriété, supérieure à la valeur de la pleine propriété. Ils arguent en outre que la valeur de la nue-propriété doit être déterminée au jour de la cession sans tenir compte de la valeur future de la pleine propriété. Ils contestent par ailleurs l'application d'un taux d'inflation et du taux d'actualisation de 5,5 %.
10. L'administration a actualisé la valeur de la pleine propriété, à la date du terme du démembrement, à partir du taux moyen des rendements financiers à long terme constaté en 2008 arrondi à la hausse à 4,5 %. Une prime de risque de 1%, liée à un risque faible, a été intégrée. Si la valeur de la nue-propriété à la date de la cession doit prendre en considération la valeur de la pleine propriété au terme du démembrement, l'administration, à qui incombe ici la charge de la preuve, ne démontre pas la cohérence de sa méthode fondée sur une actualisation de la valeur de la pleine propriété à partir d'un taux de croissance constant des revenus futurs des nus-propriétaires et dépourvu notamment de tout lien avec l'évolution du prix de l'immobilier dans ce secteur géographique, comme s'en prévalent les requérants, dont la valeur des parts en litige va dépendre. L'administration n'établit pas avoir intégré dans le taux d'actualisation appliqué les charges relevant des nus-propriétaires durant le démembrement liées aux travaux nécessaires au maintien en état de l'immeuble exploité par la SCI Artémis, comme le soutiennent les requérants. Par ailleurs, pour comparer l'intérêt à l'opération des usufruitiers et des nus-propriétaires, l'administration a pris en compte l'augmentation annuelle des loyers constatés entre 2010 et 2011, soit 2, 13 %. En n'actualisant pas les bénéfices futurs des usufruitiers comme elle l'a fait pour évaluer les bénéfices des nus-propriétaires, l'administration a minoré les flux de trésorerie attendus par ces derniers. Il s'ensuit que, dans ces conditions, elle ne pouvait comparer les bénéfices financiers de l'opération des usufruitiers avec ceux des nus-propriétaires pour estimer que ces derniers ont été avantagés et en déduire l'existence d'une minoration. En outre, l'administration ne justifie pas de l'application d'une prime de risque de 1 % liée à un risque faible dès lors que les requérants établissent la réalité des aléas de la location tenant notamment à la situation de l'immeuble dans un quartier sensible et à proximité immédiate d'une zone franche urbaine, plus incitatrice aux installations d'entreprise. Ce contexte particulier a nécessairement des conséquences sur les capacités de remboursement de l'emprunt contracté par la SCI Artémis pour financer le seul bien qu'elle exploite, emprunt pour lequel MM. A..., E... et D... se sont partiellement portés cautions solidaires, et par suite sur la valeur de la nue-propriété des parts sociales. La méthode de l'administration conduit ainsi à une rentabilité interne de l'investissement déséquilibrée entre les usufruitiers et les nus-propriétaires et à un partage inexact, à la date de la cession, de la valeur en pleine propriété de l'immeuble entre celle de l'usufruit et celle de la nue-propriété. L'application de cette méthode erronée conduit à ce que la somme de la valeur ainsi déterminée de l'usufruit et de la valeur vénale de la nue-propriété est supérieure au prix d'acquisition de la pleine propriété. La seule circonstance que l'intérêt financier de MM. A..., E... et D... résiderait dans le coût très faible d'acquisition de la pleine propriété à l'issue de la période de démembrement ne permet pas de regarder la valeur de la nue-propriété à la date de la cession comme ayant été minorée. Enfin, comme s'en prévalent les requérants, l'administration ne justifie pas de la prise en compte de l'inflation dans sa méthode alors même qu'elle a entendu calculer le rendement de flux constants. Il s'ensuit que l'administration, à qui incombe sur ce point la charge de la preuve, ne démontre pas que la valeur vénale de la nue-propriété des parts en cause a été minorée ni que les opérations de démembrement de propriété des titres de la SCI Artémis ont constitué un acte étranger à une gestion commerciale normale pour les sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances.
En ce qui concerne les revenus réputés distribués à MM. A..., E... et D... :
11. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".
12. En cas d'acquisition par des personnes distinctes de l'usufruit temporaire et de la nue-propriété du même bien immobilier, le caractère délibérément majoré du prix payé pour l'acquisition de l'usufruit temporaire par rapport à la valeur vénale de cet usufruit, sans que cet écart de prix ne comporte pour l'usufruitier de contrepartie, révèle, en ce qu'elle conduit à une minoration à due concurrence du prix acquitté par le nu-propriétaire pour acquérir la nue-propriété par rapport à la valeur vénale de celle-ci, l'existence, au profit du nu-propriétaire, d'une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre les prix convenus et les valeurs vénales respectives de l'usufruit et de la nue-propriété, d'autre part, s'agissant des parties au démembrement du droit de propriété, de l'intention de l'usufruitier d'octroyer, et pour le nu-propriétaire, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de l'acquisition dudit bien.
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'une minoration du prix versé par MM. A..., E... et D... pour l'acquisition de la nue-propriété des titres de la SCI Artémis en litige et ne peut, dès lors, être regardée comme établissant que les écarts entre le prix et la valeur vénale réelle de ces nues-propriétés sont significatifs. Par suite, l'administration n'établit pas l'existence, au profit de MM. A..., E... et D... d'une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que les sociétés civiles Financière C, Financière W et 2M Finances, M. et Mme A..., M. D... et Mme G..., et Mme C... et M. E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Pour chacune des requêtes susvisées, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, une somme de 1 500 euros au bénéfice des requérants susmentionnés au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes présentées par M. et Mme A..., M. D... et Mme G..., et Mme C... et M. E... dans la mesure du dégrèvement prononcé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 17 avril 2020.
Article 2 : Les jugements du tribunal administratif de Strasbourg n° 1600596, 1600593, n° 1600597, 1600592 et n° 1600595, 1600594 du 10 juillet 2018 sont annulés.
Article 3 : La société civile Financière C et M. et Mme A... sont déchargés respectivement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.
Article 4 : Les sociétés civiles 2M Finances et Financière W sont déchargées de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elles ont été chacune assujetties au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
Article 5 : M. D... et Mme G... ainsi que M. E... et Mme C... sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été chacun assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
Article 6 : Pour chacune des requêtes susvisées, il sera mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice des requérants susmentionnés en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés civiles Financière C, 2M Finances et Financière W, ainsi qu'à M. et Mme F... A..., M. K... D... et Mme I... G..., M. H... E... et Mme L... C..., et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme J..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
Signé : S. J... Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : D. FRITZ
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
D. FRITZ
2
N° 18NC02233, 18NC02235, 18NC02236, 18NC02237, 18NC02238, 18NC02239