Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... G...-F... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle la directrice de l'école élémentaire publique Les Marronniers de la commune de Delle a radié sa fille B... de cette école à compter du 22 décembre 2017, ainsi que la décision du 4 janvier 2018 par laquelle le directeur académique de la direction des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort a maintenu sa demande adressée au maire de Delle en vue d'obtenir le changement d'école de sa fille B....
Par un jugement n° 1800360 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, Mme D... G...-F..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800360 du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les décisions susvisées du 22 décembre 2017, ainsi que la décision de changement d'école résultant du courrier du 11 décembre 2017 adressé au maire de la commune de Delle par le directeur académique de la direction des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort ;
3°) subsidiairement, d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Delle a radié sa fille de l'école élémentaire publique Les Marronniers ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les décisions des 22 décembre 2017 et 4 janvier 2018 ne font pas grief à sa fille ;
- le tribunal a refusé de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de radiation ;
- le jugement attaqué est fondé sur une dénaturation des pièces du dossier et il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la légalité des décisions contestées :
- les décisions contestées sont entachées d'incompétence ;
- elles ont été prises en méconnaissance de la procédure prévue par l'article 2.5 du règlement départemental des écoles maternelles et élémentaires du Territoire de Belfort, dès lors que la situation n'a pas été soumise à l'équipe éducative définie à l'article D. 321-16 du code de l'éducation, que le psychologue scolaire et le médecin de l'éducation nationale n'ont pas été associés à son évaluation et qu'elle-même et le père de sa fille n'ont pas été consultés sur le choix de la nouvelle école ;
- elles sont dépourvues de base légale dès lors qu'elles n'ont pas été prises pour un motif tenant au comportement de l'élève ;
- elles sont fondées sur des faits matériellement inexacts ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La jeune B... F... a été scolarisée, à compter du mois de septembre 2017, en classe de CE1 à l'école élémentaire publique Les Marronniers de la commune de Delle.
2. Le 11 décembre 2017, le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort a demandé au maire de Delle d'inscrire l'enfant dans l'autre établissement scolaire primaire de la commune, l'école Louise Michel, à compter du 1er janvier 2018, afin qu'elle y poursuive sa scolarité. Par une lettre du 21 décembre 2017, le maire lui a répondu que " le nécessaire sera réalisé pour cette date ". Le 22 décembre 2017, Mme G...-F..., mère de l'enfant, a trouvé dans son cahier de texte un certificat établi le même jour par la directrice de l'école élémentaire Les Marronniers, faisant état de sa radiation du registre des élèves inscrits à compter de cette même date. Enfin, le 4 janvier 2018, le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort a refusé de revenir sur sa demande faite au maire de la commune de Delle le 11 décembre 2017.
3. Mme G...-F... relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande tendant à l'annulation des décisions selon elle contenues dans le certificat de radiation du 22 décembre 2017 et dans la lettre du 4 janvier 2018.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, le certificat de radiation du 22 décembre 2017, qui se borne à tirer les conséquences de la décision du maire, exprimée dans la lettre de ce dernier du 21 décembre 2017, d'inscrire l'enfant à l'école primaire Louise Michel à compter du 1er janvier 2018 et la lettre du directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort du 4 janvier 2018, qui se borne à indiquer qu'il se refuse à demander au maire de revenir sur sa décision, sont dépourvus de caractère décisoire. Dès lors, le tribunal, qui ne s'est pas mépris sur la nature de ces actes, a pu, sans se livrer à une interprétation erronée des conclusions dont il était saisi, les regarder comme étant dirigées contre la décision du maire de la commune de Delle du 21 décembre 2017.
5. En deuxième lieu, contrairement à ce que fait valoir Mme G...-F..., le tribunal a statué sur son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de radiation. L'erreur alléguée, tenant à ce qu'il l'aurait écarté à tort comme inopérant, se rapporte à l'examen du fond du litige et est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
6. En troisième lieu, la dénaturation des pièces du dossier, l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation se rapportent à l'examen du fond du litige et sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur l'objet du litige :
7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, les conclusions dirigées contre le certificat de radiation du 22 décembre 2017 et la lettre du directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort du 4 janvier 2018 doivent être regardées comme étant dirigées contre la décision du maire de la commune de Delle du 21 décembre 2017. Il y a lieu de regarder comme étant dirigées contre cette même décision les conclusions présentées en appel et dirigées contre la lettre du 11 décembre 2017 par laquelle le directeur académique de la direction des services départementaux de l'éducation nationale du Territoire de Belfort a demandé au maire de Delle d'inscrire la fille de la requérante à l'école primaire Louise Michel à compter du 1er janvier 2018, afin qu'elle y poursuive sa scolarité, ce courrier étant comme les deux autres actes dépourvu de caractère décisoire.
Sur la légalité de la décision contestée du 21 décembre 2017 :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé (...) Lorsque le ressort des écoles publiques a été déterminé conformément aux dispositions de l'article L. 212-7, l'inscription des élèves, dans les écoles publiques ou privées, se fait sur présentation d'un certificat d'inscription sur la liste scolaire prévue à l'article L. 131-6. Ce certificat est délivré par le maire, qui y indique l'école que l'enfant doit fréquenter. En cas de refus d'inscription sur la liste scolaire de la part du maire sans motif légitime, le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du préfet procède à cette inscription, en application de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales, après en avoir requis le maire ".
9. Il résulte de ces dispositions que le maire, agissant au nom de l'Etat, est l'autorité compétente pour se prononcer sur les demandes d'inscription et, le cas échéant, de radiation des enfants dans les écoles primaires publiques de sa commune. La décision de radiation en litige ayant été prise par le maire de la commune de Delle, le moyen tiré de l'incompétence de son auteur ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2.5 du règlement départemental des écoles maternelles et élémentaires du Territoire de Belfort : " (...) Lorsque le comportement d'un élève perturbe gravement et de façon durable le fonctionnement de la classe malgré la concertation engagée avec les responsables légaux, sa situation doit être soumise à l'examen de l'équipe éducative définie à l'article D. 321-16 du code de l'éducation. Le psychologue scolaire et le médecin de l'éducation nationale doivent être associés à l'évaluation de la situation afin de définir les mesures appropriées : aide, conseils d'orientation vers une structure de soin. Un soutien des parents peut être proposé le cas échéant, en lien avec les différents partenaires de l'école (services sociaux, éducatifs, de santé, communes etc.). / (...) Les personnes responsables de l'enfant doivent être consultées sur le choix de la nouvelle école. La scolarisation dans une école d'une autre commune ne peut être effectuée sans l'accord des représentants légaux et des communes de résidence et d'accueil, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 212-8 du code de l'éducation ".
11. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne s'appliquent que lorsque la mesure envisagée est fondée sur le comportement de l'élève. Or, il est constant que la décision contestée est fondée exclusivement sur les relations conflictuelles de Mme G...-F... avec l'ensemble des membres de l'équipe enseignante. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté comme inopérant.
12. En troisième lieu, des troubles liés à la présence d'un élève et affectant sérieusement le fonctionnement d'un établissement scolaire sont de nature à fonder légalement la décision de radier l'élève de cet établissement, alors même que son comportement ne serait pas en cause. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision est dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.
13. En quatrième lieu, la décision contestée n'est pas fondée sur les agressions verbales dont les membres de l'équipe pédagogique de l'école se plaignent d'être les victimes de la part de Mme G...-F.... Dès lors, la circonstance que la réalité de ces agressions n'est pas établie est sans incidence sur sa légalité.
14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que les relations entre Mme G...-F... et la directrice de l'école élémentaire Les Marronniers se sont tendues à partir du printemps 2016 et que ses relations avec l'ensemble des membres de l'équipe pédagogique sont devenues conflictuelles à partir de la rentrée de septembre 2017, la requérante se plaignant du harcèlement dont faisait, selon elle, l'objet sa fille B... de la part d'autres élèves ainsi que de son enseignante, et les enseignantes et la directrice se plaignant d'agressions verbales régulières de sa part. Il ressort également des pièces du dossier que cette situation résulte principalement du comportement de Mme G...-F..., et qu'elle n'a pas pu être apaisée en dépit de plusieurs tentatives de médiation initiées par les services de l'académie. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, eu égard à son intensité, cette situation était de nature à perturber gravement le fonctionnement de l'école élémentaire Les Marronniers. Dans ces conditions, bien que les deux filles aînées de la requérante demeurent scolarisées dans cette école, sans toutefois que leur présence n'y suscite de conflit, que cette école soit plus proche du domicile familial et du cabinet de l'orthophoniste qui suit la jeune B... que l'école primaire Louise Michel et qu'il n'existe pas de service de ramassage scolaire entre le domicile familial et cette école, le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la jeune B... ne pouvait pas poursuivre sa scolarité à l'école élémentaire Les Marronniers.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droit de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
16. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée est de nature à permettre à la jeune B..., qui connaît des difficultés scolaires, de poursuivre sa scolarité dans un climat plus serein et des conditions plus favorables que dans sa précédente école. Dès lors, en dépit des inconvénients mentionnés au point 13, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette décision est contraire à l'intérêt supérieur de sa fille.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme G...-F..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme D... G...-F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G...-F... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .
N° 18NC02118 2