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02/02/2021 | FRANCE | N°19NC02344

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 février 2021, 19NC02344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement no 1900640-1900641 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, M. C... E..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement no 1900640-1900641 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, M. C... E..., représenté par la SELARL CTB avocats et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1900640-1900641 du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, une carte de séjour temporaire, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- il est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'indique pas en quoi son épouse pourrait désormais avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine, alors qu'elle était encore admise au séjour un an auparavant en l'absence d'un tel accès, qu'il ne mentionne aucun élément de fait relatif à sa situation, et qu'il ne comporte que des formules stéréotypées ;

- le préfet n'a pas communiqué l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'état de santé de son épouse, ce qui ne permet pas de vérifier l'existence et la régularité de ce dernier ;

- il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est exclusivement fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sans exercer son pouvoir d'appréciation sur l'état de santé de son épouse ;

- le refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'état de santé de son épouse justifie qu'elle soit admise au séjour en France et que sa présence aux côtés de cette dernière est indispensable ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses attaches familiales en France ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a présenté aucun mémoire en défense.

L'instruction a été close le 11 septembre 2020.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cour de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E... et Mme B... E..., ressortissants marocains respectivement nés en 1957 et en 1950, sont entrés en France en 2014. Le 21 février 2019, le préfet de la Marne a rejeté la demande de Mme E... tendant au renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré en raison de son état de santé et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Marne a rejeté la demande de M. E... tendant, sur fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et afin de pouvoir rester aux côtés de son épouse malade, à ce que lui soit délivré un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le même délai.

2. M. E... relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté le concernant.

Sur la légalité du refus de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte un énoncé des considérations de droit et de fait, propres à la situation personnelle du requérant, sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de l'admettre au séjour. Le préfet, qui n'était pas tenu, en outre, de faire état de manière exhaustive de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. E..., ni de justifier formellement du bien-fondé de l'appréciation qu'il a portée sur l'état de santé de son épouse, a ainsi, à supposer même que cette appréciation soit erronée, régulièrement motivé sa décision de refus de séjour.

4. En deuxième lieu, les énonciations de l'arrêté permettent de vérifier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

5. En troisième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

6. Bien que le préfet ait, compte tenu du motif invoqué par M. E... à l'appui de sa demande de titre de séjour, analysé sa situation au regard de l'état de santé de son épouse, le refus de séjour opposé à M. E... ne constitue pas une décision prise pour l'application du refus de séjour opposé à son épouse, lequel n'en constitue pas davantage la base légale. Par suite, le moyen tiré de que, en raison du défaut de consultation préalable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'irrégularité de son avis, de l'absence de communication de cet avis et de l'erreur de droit commise par le préfet pour s'être abstenu d'exercer son pouvoir d'appréciation, la décision en litige serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour prise à l'égard de Mme E..., ne peut qu'être écarté comme inopérant.

7. En quatrième lieu, aux termes de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

8. M. E... fait valoir que l'état de santé de son épouse, depuis décédée, justifiait l'admission au séjour de cette dernière, ainsi que la sienne, dès lors que sa présence à ses côtés était indispensable. Il ressort de l'avis émis le 14 novembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au regard duquel le préfet s'est prononcé, a estimé que l'état de santé de Mme E..., qui souffrait d'un cancer, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle pouvait voyager sans risque. Aucun des éléments produits par M. E... ne remet en cause le bien-fondé de cette appréciation quant à la possibilité pour l'intéressée de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Quant à la possibilité pour l'intéressée de voyager sans risque vers son pays d'origine, un certificat médical daté du 4 mars 2019, pouvant éclairer la situation bien que postérieur de deux semaines à la date de l'arrêté contesté, se borne à indiquer que Mme E... ne pouvait pas quitter le territoire français du fait de la nécessité d'un suivi médical régulier, sans toutefois faire état d'une impossibilité d'en bénéficier dans son pays, ni d'un quelconque risque pour l'intéressée à voyager vers ce pays. Si les autres certificats médicaux que produit le requérant font expressément état d'un tel risque, ils ont été établis en août et septembre 2019, à la suite de l'hospitalisation de Mme E..., et donc d'une aggravation de son état de santé. Par conséquent, ces éléments ne permettent pas de démontrer qu'à la date de l'arrêté contesté, six mois plus tôt, l'état de santé de Mme E... l'empêchait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'état de santé de son épouse, à la date de l'arrêté contesté, ne caractérisait pas une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 précité.

9. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que l'épouse de M. E... aurait été exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi vers son pays d'origine, faute de pouvoir y bénéficier de soins appropriés, ne peut qu'être écarté comme inopérant, dès lors que le refus de séjour en litige concerne M. E... et non son épouse.

10. En sixième lieu, si les deux enfants majeurs de M. E... séjournent régulièrement en France et s'occupaient de leur mère, M. E... ne séjournait sur le territoire national que depuis quatre ans et demi à la date de l'arrêté contesté, il ne s'y prévaut d'aucune autre attache que son épouse et ses enfants, et il n'allègue pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où lui et son épouse ont respectivement vécu jusqu'à l'âge de 57 et 64 ans. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. E... ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, les dispositions de L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à la décision énonçant une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

12. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'épouse de M. E... serait exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi vers son pays d'origine, faute de pouvoir y bénéficier de soins appropriés, ne peut qu'être écarté comme inopérant, dès lors que l'obligation de quitter le territoire français en litige concerne M. E... et non son épouse.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, les dispositions de L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à la décision fixant le pays à destination duquel l'étranger peut être reconduit d'office. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

16. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, le requérant était dans l'impossibilité de reconstituer au Maroc, leur pays d'origine commun, la cellule familiale qu'il formait avec son épouse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme inopérant.

17. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'épouse de M. E... serait exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi vers son pays d'origine, faute de pouvoir y bénéficier de soins appropriés, ne peut qu'être écarté comme inopérant, dès lors que la décision fixant le pays de destination en litige concerne M. E... et non son épouse.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL CTB avocats et associés pour M. C... E... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

N° 19NC02344 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02344
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : CTB AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-02;19nc02344 ?
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