Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 23 janvier 2017, ordonnant l'exécution d'actions de chasses administratives au sanglier, entre le 2 février et le 31 mars 2017, sur ses territoires de chasse à Bibiche, Bouzonville et Filstroff.
Par un jugement n° 17000671 et 17001114 du 16 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mars 2019, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2019 en tant seulement qu'il a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Moselle du 23 janvier 2017 ;
3°) condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur d'appréciation s'agissant de l'application du principe du contradictoire en refusant d'admettre la nature de décision individuelle de l'arrêté contesté ;
- le jugement est insuffisamment motivé sur la qualification de la décision contestée ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant que l'absence de saisine du président de la fédération départementale de la chasse n'avait aucune incidence sur la régularité de la décision ; il n'a d'ailleurs pas répondu au moyen ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation et le tribunal n'a pas répondu sur la première branche du moyen tiré de ce que l'arrêté reposait sur des considérations trop générales et les juges ont commis une erreur d'appréciation sur l'argument portant sur la baisse de la population des sangliers ;
- l'arrêté est illégal en l'absence de procédure contradictoire ;
- l'arrêté est irrégulier en ce que l'article L. 427-6 du code de l'environnement imposent la consultation du président de la fédération départementale de la chasse ;
- la décision est infondée dès lors que la motivation de l'arrêté ne comporte aucun élément permettant d'apprécier la réalité des circonstances de fait invoquées par le préfet et le préfet se fonde sur des faits matériellement inexacts ; il y a donc discordance manifeste entre la motivation de la décision et son dispositif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- elle s'en remet à la défense produite par le préfet en première instance ;
- l'analyse du tribunal est confortée par la jurisprudence actuelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B... est titulaire d'un droit de chasse sur un ensemble forestier situé sur les communes de Bibiche, Bouzonville et Filstroff, concerné par une augmentation importante des dégradations causées par la prolifération des populations de sangliers. Devant l'inaction de M. B..., le préfet de la Moselle a ordonné, par un arrêté du 23 janvier 2017, l'exécution d'actions de chasses administratives au sanglier, entre le 2 février et le 31 mars 2017, sur les territoires de chasse appartenant à M. B... sur les communes de Bibiche, Bouzonville et Filstroff. Par un jugement en date du 16 janvier 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif a rejeté la demande présentée par M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges ont statué de façon circonstanciée sur la nature de la décision contestée. Par suite, le jugement entrepris est suffisamment motivé.
3. En second lieu, d'une part, le tribunal a statué sur le moyen tiré du vice de procédure, en considérant que l'absence de consultation du président de la fédération départementale des chasseurs de Moselle, si elle était avérée, n'avait pas été de nature à priver l'intéressé d'une garantie ni à exercer une influence sur le sens de la décision. Et, d'autre part, il ressort des termes mêmes du jugement que ce dernier a répondu à l'ensemble des moyens de légalité interne soulevés par M. B.... Ainsi le moyen tiré d'une omission à statuer, à le supposer soulevé, n'est pas fondé.
4. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 427-6 du code de l'environnement : " (...) Sans préjudice du 9° de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, chaque fois qu'il est nécessaire, sur l'ordre du représentant de l'Etat dans le département, après avis du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et du président de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, des opérations de destruction de spécimens d'espèces non domestiques sont effectuées pour l'un au moins des motifs suivants : (...) 2° Pour prévenir les dommages importants, notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriétés ; / (...) / Ces opérations de destruction peuvent consister en des chasses, des battues générales ou particulières et des opérations de piégeage. / Elles peuvent porter sur des animaux d'espèces soumises à plan de chasse en application de l'article L. 425-6. Elles peuvent également être organisées sur les terrains mentionnés au 5o de l'article L. 422-10. ".
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, il résulte tant des dispositions précitées de l'article L. 427-6 du code de l'environnement, sur le fondement desquels a été adopté l'arrêté contesté, que de son objet même, que ce dernier, qui ne s'adresse pas à des personnes nommément désignées, mais ordonne des actions de chasse sous la responsabilité des lieutenants de louveterie ne constitue pas une décision individuelle soumise en tant que telle aux règles de motivation et de procédure préalable contradictoire. Par suite, le moyen soulevé par M. B... tiré de la méconnaissance des obligations de motivation et de procédure contradictoire propres aux décisions individuelles doit être écarté.
7. En second lieu, les visas de l'arrêté contesté indiquent que le préfet a consulté le président de la fédération départementale des chasseurs de Moselle. Si M. B... soutient que cette consultation n'a pas eu lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est même pas allégué que cette circonstance, à la supposer établie, aurait privé l'intéressé d'une garantie, ni qu'elle aurait été susceptible d'exercer une influence sur l'arrêté préfectoral contesté.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la population de sangliers a considérablement augmenté depuis 2015 sur les territoires des communes de Bibiche, Bouzonville et Filstroff, du fait d'une pression cynégétique insuffisante sur ces territoires de chasse. Il est également établi que cette espèce animale est à l'origine de dégâts pouvant être importants et faisant l'objet de plaintes récurrentes des agriculteurs des communes concernées. A cet égard, les lots de chasse de M. B... ont été identifiés comme faisant partie du périmètre concerné par les futures actions de régulation à mettre en place pour lutter contre la surabondance de sangliers. Dès le mois d'août 2016, un rapport des lieutenants de louveterie alertait le préfet sur la situation et sur les mesures à mettre en place pour lutter contre la prolifération des sangliers.
9. Ainsi, il est établi par les pièces du dossier, notamment les rapports mensuels du comité de suivi des dégâts causés par les sangliers du 27 septembre et du 26 novembre 2016, la synthèse chiffrée établie par la direction départementale des territoires sur la prolifération et les dégâts causés par les sangliers entre 2004 et 2016, ou encore la plainte d'un voisin agriculteur de M. B..., qu'une surpopulation de sangliers causant des dégâts importants existe sur les territoires de chasse dont l'intéressé est titulaire et provient d'une insuffisante pression cynégétique de sa part. A cet égard, contrairement à ce qu'il soutient par de simples allégations, l'appelant n'a, ni mis en oeuvre les mesures préconisées par le préfet, ni exercé de lui-même une régulation suffisante sur son territoire de chasse et nécessairement induite par l'agrainage estival de sa population de suidés. Enfin, la circonstance, résultant des seules allégations de M. B..., que les actions de chasse non concertées et limitées qu'il a organisées n'aient pas abouti à des tirs significatifs ne saurait être le reflet de la population réelle des suidés sur ces territoires et ne peut, dès lors, remettre en cause les constats des lieutenants de louveterie et les conclusions du comité de suivi des dégâts causés par les sangliers. Dans ces circonstances, le préfet de Moselle a pu, à bon droit, ordonner, sous la responsabilité des lieutenants de louveterie, l'exécution d'actions de chasses administratives au sanglier, entre le 2 février et le 31 mars 2017, sur les territoires de chasse appartenant à M. B... sur les communes de Bibiche, Bouzonville et Filstroff.
10. En dernier lieu, M. B... ne saurait invoquer une discordance entre la motivation de l'arrêté et les faits au regard des autres détenteurs du droit de chasse, alors même que ces derniers ont mis en place des mesures de régulations conformes aux préconisations et mises en demeure préfectorales.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au procès :
12. Les dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à charge l'Etat qui n'est pas la partie perdante une somme à ce titre, les conclusions de M. B... en ce sens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de Moselle.
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N° 19NC00794