Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1902951 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 16 septembre 2019, a enjoint au préfet de la Marne de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2020, le préfet de la Marne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 février 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande de Mme A....
Il soutient que :
- Mme A... ne démontre pas que sa présence est nécessaire aux côtés de ses enfants si bien que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux au motif d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité compétente ;
- il est motivé ;
- il ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Marne ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité congolaise, née le 29 mai 1984, est entrée sur le territoire français le 21 février 2014. Le 18 octobre 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 17 avril 2018, le préfet de la Marne a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 2 août 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 septembre 2019, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 27 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 16 septembre 2019. Le préfet de la Marne relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Mme A... réside en France depuis le 21 février 2014 et est la mère de quatre enfants mineurs, nés en 2004, 2006, 2007 et 2012. Il est constant que les trois enfants aînés de la requérante, vivent en France depuis l'année 2011 où ils sont régulièrement scolarisés depuis cette date. Si l'autorité parentale sur ces trois enfants a été déléguée à leur grand-mère paternelle, en vertu d'un jugement du 18 mars 2016 du président du tribunal pour enfant D..., rendu exécutoire sur le sol français par une ordonnance du tribunal de grande instance de Reims du 23 juin 2017, il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations émises par l'orthophoniste de l'un de ses enfants et du proviseur du collège où l'un de ses enfants est scolarisé, que Mme A... contribue à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants aînés depuis son arrivée en France. En outre, elle établit vivre avec ces derniers depuis 2015. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la cellule familiale constituée de Mme A... et de ses quatre enfants s'est reconstituée en France, pays dans lequel les aînés de Mme A... vivent depuis 2011 et sont scolarisés, et qu'elle ne peut pas se reconstituer au Congo, dès lors que la grand-mère paternelle des enfants aînés de Mme A... dispose de l'autorité parentale sur ces derniers. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour contesté porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de Mme A... et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 16 septembre 2019 portant refus de titre de séjour et par suite celles portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., représentant Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance de l'intimée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Marne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me C..., représentant Mme A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N°20NC00799