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28/09/2021 | FRANCE | N°20NC00901

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 20NC00901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902910 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, M.

A... B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902910 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, M. A... B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2019 du préfet de l'Aube ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier approfondi ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il remplit l'ensemble des conditions qui y sont prévues, notamment en justifiant de son âge et d'une formation professionnelle qualifiante et en l'absence de liens avec sa famille ; en particulier, les éléments invoqués par le préfet de l'Aube ne sont pas de nature à remettre en cause la présomption de validité des actes d'état civil étrangers instituée à l'article 47 du code civil ;

- la décision méconnait la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnait la circulaire du 25 janvier 2016 ;

- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle contrevient aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

Le préfet, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 25 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Wurtz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de nationalité ivoirienne, déclare être né le 5 décembre 2000 et être entré en France en avril 2018 alors qu'il était mineur. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du conseil général de l'Aube par un jugement du 7 novembre 2018 rendu par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Troyes. Par un courrier du 19 novembre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 5 novembre 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 10 mars 2020 qui a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences énoncées à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Aube se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. B.... Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L 313-2 n'est pas exigé. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015, relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47'du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

5. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir sa naissance au 5 décembre 2000 et, partant, son état de minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, M. B... a produit, devant l'administration préfectorale, un extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2000, daté du 21 août 2017, une copie intégrale du registre des actes de l'état civil pour l'année 2000, datée du même jour, une carte d'immatriculation consulaire, valable du 17 juillet 2019 au 16 juillet 2022 et une attestation d'identité, valable du 27 janvier 2017 au 26 janvier 2018, ainsi qu'un nouvel extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2000, daté du 10 juillet 2019. Pour contester l'authenticité de ces différents documents, le préfet de l'Aube s'est fondé sur le rapport d'examen technique documentaire du 8 novembre 2018, établi par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale de la police aux frontières de Metz. Or, selon ce rapport, les documents d'état civil du 21 août 2017 présentent un caractère frauduleux dès lors que, d'une part, ils sont établis sur un papier ordinaire blanc de format A4, ne comportent aucune numérotation de support de document et aucun élément de sécurité apparent comme un filigrane et ont fait l'objet d'une simple impression au laser, y compris pour les mentions normalement pré-imprimées, et que, d'autre part, l'extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2000 du 21 août 2017 comporte une faute d'impression dans la mention : " sous-préfecture de de Divo ". De même, eu égard à l'absence d'authenticité de ces documents d'état civil sur la base desquels ont été établis le certificat de nationalité et la carte d'immatriculation consulaire, la production par M. B... de telles pièces n'emporte aucune force probante quant à l'état civil qui y est indiqué. L'extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2000 daté du 10 juillet 2019 et celui produit en appel, daté du 17 février 2020, comportent la même faute d'impression dans la mention : " sous-préfecture de de Divo ". Dans ces conditions, le préfet de l'Aube a pu légalement considérer, sans avoir à saisir les autorités ivoiriennes sur ce point et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les autorités judiciaires françaises, sur la base des mêmes documents, ont confié M. B... au service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité, que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil fournis par l'intéressé et renverser la présomption simple résultant de l'article 47 du code civil. Il a pu ainsi en déduire que, en l'absence de certitude sur sa date de naissance véritable, le requérant ne démontrait pas qu'il avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

7. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir, pour contester le refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire, des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation et, notamment, de la circulaire du 28 novembre 2012. Le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 25 janvier 2016, laquelle comporte de même de simples orientations générales, ne peut davantage être utilement invoqué.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est présent sur le territoire français que depuis avril 2018, selon ses déclarations, et qu'il a bénéficié d'une prise en charge en qualité de mineur étranger isolé sur la base d'actes d'état civil dont l'authenticité a été remise en cause. Le requérant soutient qu'il a fourni d'importants efforts d'intégration en suivant avec succès une formation professionnelle de vente, qu'il n'a plus aucun contact avec sa famille dans son pays, son père étant décédé et sa mère s'étant réfugiée au Libéria, et qu'il entretient une relation amoureuse en France. Toutefois, à supposer qu'il n'ait plus de nouvelles de sa mère, l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans dans son pays d'origine, où il n'établit pas être dépourvu de toute autre attache familiale. Par ailleurs, sa relation amoureuse ne présente pas un caractère ancien et stable. Dans ces conditions et alors même que l'intéressé est inscrit en première professionnelle pour une formation de vente, que ses enseignants ainsi que le chef d'établissement soulignent son sérieux et son investissement et que sa structure d'accueil a émis un avis favorable sur sa capacité d'insertion dans la société française, le préfet de l'Aube n'a, eu égard aux conditions de son séjour en France, pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles la décision refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. En sixième lieu, eu égard aux circonstances qui viennent d'être analysées, le préfet de l'Aube, en prenant la décision en litige, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. "

12. Eu égard aux éléments mentionnés au point 9, le préfet n'a, en tout état de cause, pas méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

13. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, elles aussi, qu'être écartées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.

N° 20NC00901 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00901
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Christophe WURTZ
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-28;20nc00901 ?
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